ÇA CHAUFFE AU LYCÉE RIDGEMONT
Fast Times At Ridgemont High – Etats-Unis – 1982
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Amy Heckerling
Acteurs : Jennifer Jason Leigh, Judge Reinhold, Phoebe Cates, Robert Romanus, Brian Backer, Sean Penn, …
Musique : Nancy Wilson
Durée : 89 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Éléphant Films
Date de sortie : 21 novembre 2023
LE PITCH
La vie au sein du lycée Ridgemont en Californie n’est pas des plus faciles. Entre déception amoureuse, travail et envie d’ailleurs, chacun essaie de tirer son épingle du jeu et de s’ouvrir à la vie…
Le péril jeune
Très peu connu en France et en Europe mais carrément culte et incontournable aux États-Unis, Fast Times At Ridgemont High est l’un des piliers de la teen comedy US des années 80. Mémorable pour ses scènes graveleuses, les vannes désopilantes d’un Sean Penn né pour jouer les stoners et sa bande-son d’époque, le premier film d’Amy Heckerling témoigne, avec le recul, d’une gravité et d’une justesse de ton étonnantes qui le placent bien au-dessus de la concurrence.
L’aventure de Fast Times At Ridgemont High débute au moment où Cameron Crowe quitte la rédaction de Rolling Stones Magazine à la fin des années 70 pour … s’inscrire au lycée Clairemont à San Diego. Pour ce jeune auteur de tout juste 22 ans, l’objectif est double. Enfant surdoué, Crowe avait en effet sauté plusieurs classes (dont sa dernière année de lycée) pour accompagner des groupes de rock en tournée pour le compte de Rolling Stones Magazine et il souhaiterait enfin connaître ces expériences de vie sur lesquels il avait dû faire une croix quelques années auparavant. En outre, il est à la recherche d’un sujet pour un livre et la jeunesse californienne le fascine depuis toujours. Poussant la supercherie jusqu’à retourner vivre chez ses parents et à prendre un faux nom, Cameron Crowe passe donc l’année scolaire 1979/1980 auprès de lycéens avec lesquels il se lie d’amitié et en les observant sans relâche et dans les moindres détails. Le résultat de cette « enquête en immersion » paraît dans les librairies américaines en 1981 et rencontre un franc succès auprès de la jeunesse. « Fast Times At Ridgemont High » a beau se présenter comme une œuvre de fiction, son authenticité fait mouche. Ayant très tôt flairé la bonne affaire, le producteur Art Linson (Car Wash, Where The Buffalo Roam) s’était procuré les droits du bouquin avant sa parution et parvient sans peine à convaincre Crowe de l’adapter sous la forme d’un scénario pour le grand écran.
Le premier réalisateur choisi par Art Linson a de quoi surprendre. Sortant tout juste du succès d’Elephant Man, David Lynch est activement courtisé par la production. Sans doute sensible aux tourments adolescents et à la forte dimension sexuelle du script, Lynch hésite avant de décliner. Et c’est la débutante Amy Heckerling qui le remplace, remarquée pour son court-métrage Getting It Over With (un American Pie au féminin en plus honnête). Un choix que Cameron Crowe valide en personne.
The Big Spicoli
Film choral oblige, Amy Heckerling porte un soin tout particulier au casting de son tout premier long-métrage et s’attache les services de Don Phillips, un remarquable « chasseur de têtes » ayant débuté auprès de Monte Hellman et Sidney Lumet. À l’exception de Robert Romanus et de Brian Backer, portés disparus depuis, Phillips réunit une troupe de jeunes comédiens prometteurs dont Jennifer Jason Leigh, Phoebe Cates, Judge Reinhold (préféré à Tom Hanks!), Forest Whitaker, Eric Stoltz, Anthony Edwards, un certain Nicholas Coppola (pas encore Nick Cage), Amanda Wyss (la première victime de Freddy Krueger dans Les Griffes de la Nuit) et surtout un Sean Penn de 21 ans qui trouve là son premier grand rôle. Personnage à priori secondaire, Jeff Spicoli, surfer complètement foncedé et ancêtre lointain du Jeffrey « The Dude » Lebowski du film des frères Coen, retient l’attention de toute une génération pour ses hilarantes passes d’armes avec Mr Hand (le vétéran Ray Walston), un professeur d’histoires pointilleux et autoritaire. Bronzé, torse poil et affublé d’une tignasse blonde négligé, Penn s’approprie cette icône du je-m’en-foutisme absolu avec un beau timing comique et une intensité qui annonce toute une décennie à jouer les chiens fous et les électrons libres.
Nullement effrayée par la gageure de concentrer une année entière de la vie d’une dizaine d’ados en seulement 90 minutes générique compris, Heckerling s’inspire manifestement d’American Graffiti de George Lucas, dont elle reprend le rythme endiablé et l’usage des chansons pour marquer l’époque, mais aussi de M*A*S*H* de Robert Altman, reproduisant plus ou moins discrètement sa temporalité et sa structure narrative par vignettes successives (on a là aussi droit à un match de football pas piqué des vers!) et dissimulant la gravité de son propos derrière la grivoiserie et l’humour. Il en va ainsi de l’incroyable scène topless de Phoebe Cates, sommet d’érotisme 80’s, montée en parallèle de la plus pathétique des branlettes. Féministe jusqu’au bout des ongles, Heckerling aborde frontalement la problématique de l’avortement et de l’hyper sexualisation des adolescentes américaines et de l’hypocrisie qui l’accompagne et conclue sa chronique sur la médiocrité qui nous attend toutes et tous au tournant de l’âge adulte.
Concentré de pop culture, instantané à la fois drôle et inquiétant d’une certaine jeunesse américaine, tremplin pour un sous-genre (la teen comedy) qui prendra durablement son essor avec les hits de John Hughes et premier long d’une réalisatrice dont la filmographie n’a sans doute pas été appréciée à sa juste valeur (le féminisme sous blister de Barbie ne fait pas le poids face à Look Who’s Talking et Clueless) Fast Times At Ridgemont High est une vraie mine d’or.
Image
Couleurs et définition sont au top mais ne font pas oublier une copie un peu sombre et qui nécessite de régler la luminosité et les contrastes. On ne notera quelques points blancs par-ci, par-là mais la restauration est solide et le grain géré avec soin.
Son
Doublage français (moyennement convaincant) et version originale ont chacun droit au combiné stéréo d’époque ou 5.1 contemporain. Dans les deux cas, le mixage multicanal offre un peu de respiration et une belle dynamique mais la stéréo reste imbattable dans le traitement de la musique avec une efficacité sans doute plus rudimentaire mais non moins appréciable.
Interactivité
Clamant son amour de la teen comedy avec une belle candeur, l’exubérant Julien Comelli décrypte le film d’Amy Heckerling dans un entretien de près d’une heure, agréable et sincère, mais qui laisse un peu la réalisatrice sur le bas-côté au profit du scénariste et du casting. Reprise du DVD américain, la featurette rétrospective (en définition standard) s’avère tout à fait dispensable de par son avalanche de propos très convenus et d’une musique de fond particulièrement agaçante. La surprise, c’est la présence du montage censuré pour la diffusion TV qui nous prive certes des gros mots et des seins de Phoebe Cates et de Jennifer Jason Leigh mais qui nous offre en revanche une bonne dizaine de minutes de scènes coupées qui étoffent le propos et les personnages (Nicolas Cage et Anthony Edwards ne se contentent plus de faire de la figuration, ils ont des répliques !). Un autre supplément essentiel est la présentation en version non censurée de la scène d’amour entre Jennifer Jason Leigh et Robert Romanus dans laquelle ce dernier est cadré en nu frontal, service trois pièces en avant. Violemment rejetées par la censure hollywoodienne, ces quelques secondes de pénis sans filtre sont la preuve qu’Amy Heckerling a bel et bien tenté d’aboutir à un équilibre dans la représentation des scènes de sexe mais qu’elle n’a pas été en mesure de contourner l’hypocrisie du puritanisme US.
Liste des bonus
« Diner Club » : document de Julien Comeli (55 minutes), « Retour au Lycée Ridgemont » : documentaire (39 minutes), Version TV alternative (97 minutes, VOST-F), Scène censurée, Bande-annonce d’époque.