BUG
Etats-Unis – 2006
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : William Friedkin
Acteurs : Ashley Judd, Michael Shannon, Harry Connick Jr…
Musique : Brian Tyler
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 101 minutes
Éditeur : Metropolitan
Date de sortie : 07 décembre 2023
LE PITCH
Agnes vit seule dans un motel désert. Elle est hantée par le souvenir de son enfant, kidnappé plusieurs années auparavant, et redoute la visite de son ex-mari, Jerry, un homme violent sorti récemment de prison. Dans cet univers coupé du monde, Agnes s’attache peu à peu à un vagabond excentrique, Peter. Leur relation tourne au cauchemar lorsqu’ils remarquent l’existence de mystérieux insectes capables de s’introduire sous la peau. Ensemble, ils vont devoir découvrir s’il s’agit d’une folie partagée ou d’un secret d’état…
Folie rampante
Le patron nous a quitté cet été alors que son Exorciste allait fêter ses 50 ans et que sa dernière réalisation, The Caine Mutiny Court-Martial, n’était même pas sorti sur les écrans. Sacré coup dur pour les cinéphiles, qui peuvent au moins replonger à l’envie dans une filmographie unique, passionnante et souvent surprenante… à l’instar de Bug, huis clos en forme de performance.
Après la courte renaissance musclée de Traquée avec Tommy Lee Jones et Benicio Del Toro, William Friedkin revenait en 2006 à un film-concept plus resserré et économe avec Bug. Comme The Birthday Party, Les Garçons de la bande au début de sa carrière ou le remake de Douze hommes en colère pour la télévision en 1997, ce dernier est à l’origine une pièce de théâtre, en l’occurrence signé Tracy Letts qui inspirera dans la foulée le monstrueux Killer Joe, impliquant alors des enjeux recentrés et un cadre circonscrit. On pourrait croire que le metteur en scène, habitué à une certaine démesure s’y sentirait rapidement étouffé, et pourtant l’exercice lui sied parfaitement à chaque fois permettant de se focaliser sur la trame, les personnages et leurs interactions, et un espace en forme de loupe grossissante ou la folie peut éclore. Sorte de En attendant Godo paranoïaque, Bug est donc entièrement concentré autour du simple décor d’une chambre miteuse d’un motel perdu (la seule sortie factuelle se fera devant la porte et quelques minutes dans le jardin) où deux oiseaux blessés et perdus, vont se rencontrer, s’aimer et peu à peu se détruire. Une sensibilité romantique que l’on ne connaissait pas forcément encore à l’auteur de Cruising, qui excelle ici à présenter la formation d’un couple, forcément atypique, admirablement interprété par Ashley Judd (Heat, Instincts meurtriers) et Michael Shannon (Midnight Special, Take Shelter…).
Psycho-tics
Tout ici est fait simplement, sans fioritures ni virtuosité déplacée, le réalisateur donnant ainsi le maximum de latitude à ses acteurs qui peuvent ainsi explorer les espoirs et les nombreuses désillusions de leurs personnages. Deux rejetons de l’Amérique profonde, oubliés, délaissés dans un décor pauvret et hors de tout, elle anéanti par la disparition de son fils et harcelée par un ancien conjoint violent (Harry Connick Jr parfait en salaud), lui poursuivi par de vieux démons schizophrènes et des obsessions de plus en plus dévorantes. Un style épuré et simple qui évite avec une facilité déconcertante les laborieux « théâtres filmés » et convainc immanquablement de la santé exceptionnelle du cinéma de Friedkin. Un style et une intelligence qui explosent littéralement lors d’une séquence d’amours mâtiné d’élans effrayants et surtout lors d’un final totalement taré où la paranoïa définitive et destructrice qui habite le couple se prend à transformer jusqu’au matériau filmique. Peut-être un peu moins convaincant dans ses quelques tentatives de préserver une forme de doute sur la réalité de cette invasion d’insectes microscopiques crée par le gouvernement (sont-ils vraiment fou ou plus lucides que nous ?), Bug est surtout particulièrement touchant et intelligent, voir puissant, dans l’illustration de cette pauvre femme dévorée par la culpabilité et la peur de l’abandon qui trouve une forme d’équilibre dans sa relation avec un asocial invétéré et embrasse sa folie pour oublier le reste du monde. Ici c’est son point de vue qui domine et Friedkin n’hésite pas alors à lui assujettir celui du film, multipliant peu à peu les décadrages, les effets de montage fiévreux dans un décorum de plus en plus insalubre se recouvrant d’aluminium comme dans un fantasme complotiste. L’ultime image surtout, terrifiante dans les faits et par cette folie au paroxysme se teinte alors d’un romantisme déstabilisant et déchirant. Une sorte d’apocalypse en chambre.
Image
Petite exclusivité HD pour Metropolitan avec ce Bluray de Bug pas encore distribué sous se forme aux USA par exemple. Malheureusement, même si le film a été tourné en 35 mm, il n’a pas été restauré à partir d’un nouveau scan des négatifs et reste attaché à la source vidéo déjà utilisé pour l’ancien DVD. Le master est donc propre, stable, propose des couleurs assez bien dessinées et contrastées mais manque souvent de fermeté dans sa définition, ne manquant pas de glisser vers le légèrement neigeux dès que la luminosité baisse. Plaisant mais trop doux dans ses contours.
Son
Tout comme le film lui-même, les pistes sonores DTS HD Master Audio 5.1 française et anglaise savent utiliser parcimonieusement leurs effets. Un mixage enveloppant et discret qui monte crescendos pour assener le coup de grâce lors d’une dernière demi-heure monstrueuse usant avec force de chaque enceinte et faisant vrombir le caisson de basse à chaque instant. Diablement efficace.
Interactivité
Les fans du réalisateur savent à quel point William Friedkin peut être loquace. Une volubilité dont il fait preuve une nouvelle fois dans le commentaire audio présent sur cette édition « spéciale », même si bizarrement on a un peu de mal à être séduit. Visiblement emballé par l’expérience et plus que satisfait du résultat il parait ici bien plus à l’aise dans la description de images visible à l’écran et les petites anecdotes sans grandes importances que sur l’auto-analyse. Pour profiter d’un peu plus de réflexion, il faut donc se tourner vers l’interview carrière proposée en bonus. Une discussion plutôt bien menée avec une alternance réussie entre des questions classiques (l’impact de L’exorciste, le manque de succès de The Sorcerer…) et d’autres plus pertinentes sur le futur du cinéma, sur le nombre restreint de ses réalisations… Concernant Bug proprement dit, on retrouve à nouveau le petit making of promo déjà proposé lui aussi en 2007 sur le DVD, mais aussi et surtout une rencontre inédite enregistrée lors de la sortie du film en France. Le réalisateur y reprend les mêmes lignes mais les développe plus avant (l’amour, la paranoïa, les origines théâtrales, le casting…) et nous permet là aussi de passer un très agréable moment en sa compagnie, à discuter cinéma en toute franchise.
Liste des bonus
Commentaire audio de William Friedkin, William Friedkin évoque sa carrière (28’), Entretien inédit avec William Friedkin lors de la présentation du film en France (23’), Les coulisses de Bug (12’), Bande-annonce.