BRUISER
France, Canada – 2000
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantastique
Réalisateur : George A. Romero
Acteurs : Jason Flemyng, Peter Stormare, Leslie Hope, Nina Garbiras, Andrew Tarbet, Tom Atkins
Musique : Donald Rubinstein
Durée : 99 minutes
Image : 1.85
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 26 octobre 2022
LE PITCH
Henry Creedlow se réveille un beau matin… sans visage. Alors qu’il a toujours vécu sa vie par procuration, dans le respect des règles établies, il réalise qu’on vient de le priver de la chose la plus précieuse au monde : son identité. Commence alors pour cet homme sans passé une expédition punitive contre celles et ceux qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui…
La Nuit du masque
En 2000 George A. Romero échappait à ses hordes de zombies et signait après sept ans d’absence son grand retour avec Bruiser. Un film à petit budget, modeste, sans morts-vivants mais s’attaquant sauvagement au culte de la réussite… forcément injustement incompris.
Après l’échec commercial de La Part des ténèbres et presque une décennie passée à multiplier les scénarios et les projets qui n’aboutiront jamais, l’arrivée du film indépendant Bruiser, en partie financée par la France et Studio Canal, est forcément teinté par un esprit de revanche, un besoin de libération et une expression sans doute plus frontale et moins nuancée qu’à l’accoutumée. Certainement éreinté par les financiers à cols blancs, par la récupération ad nauseum du genre qu’il a en grande partie crée, et son impossibilité de s’insérer dans une démarche uniquement commerciale, George A. Romero se reconnait forcément dans le pauvre Henry Creedlow, employé timide, influençable et effacé d’un grand magazine de mode aussi vulgaire et tape-à-l’œil que son grand patron incarné par Peter Stormare, comme souvent excessif et en totale roue libre. Un monde du fric, des paillettes, de la vitrine et du vide sidéral que le cinéaste utilise comme une métonymie pour aborder plus largement la Victoire éclatante de la société ultra-libérale nourrie par plus de vingt ans de capitalisme déréglé. Écrasé par son travail, trompé par sa femme attirée uniquement par le pouvoir et l’argent, trahi par son amis et comptable, perdu dans la quête d’une réussite qu’il ne peut atteindre, Creedlow perd du jour au lendemain son visage, remplacé par un masque blanc anonyme fondu dans la peau, comme symbole d’une perte totale d’identité, d’une déshumanisation totale sous les coups d’une société où tout n’est plus qu’exhibitionnisme.
Cochon de patron
S’ouvrant lui aussi sur une description de la routine matinale du businessman moderne, Bruiser sonne comme l’anti American Psycho dont l’adaptation cinéma est sortie sur les écrans justement la même année. Jason Batman élimine, massacre, nettoie dans le but d’assouvir ses bas instincts et se hisser toujours plus haut dans un monde de monstres froids et psychopathe, Creedlow ne devient assassin que pour se réapproprier peu à peu son essence, se réaffirmer comme un être plein et déterminé dans un monde d’esclaves. Un tueur tragique, iconique (le masque est vraiment réussi) et presque romantique que Romero rattache bien évidemment à une évocation très moderne du mythique Fantômes de l’opéra, autant par son costume final que par sa faculté à se déplacer tel une ombre dans un décors constamment plongé dans une lumière trop vive. Le film pèche effectivement par une direction d’acteurs trop disparate et inégale, par une mise en scène peut-être parfois un peu moins inspirée que par le passé (la dernière bobine trop molle par rapport à son potentiel grand guignol), mais le film est constamment nourri par le regard acéré et malin de son auteur, multipliant autant les touches d’un humour bien noir avec une certaine poésie politique, incitation galvanisante à l’éradication d’une caste décadente.
Un cri du cœur qui rejoint directement par sa quête identitaire les réussites que sont Incident de parcours et Martin, les autres grands films intimes de Romero.
Image
Film produit partiellement par Studio Canal, Bruiser revient dans une copie de très bonne facture. Si quelques points blancs et autres fioritures persistent de manière très discrète, l’image s’avère extrêmement lumineuse, colorée, vive et franchement solide dans sa restitution des détails et des matières. Difficile d’avoir de vraies informations quant à la source, mais le résultat est là avec une définition plutôt fine qui ne cache pas les origines modestes du film, mais l’accompagne avec un rendu organique très agréable.
Son
Les pistes 5.1 de 2000 reviennent boostée par un DTS HD Master Audio forcément plus ample et limpide. Pas de bouleversement tout de même, les atmosphères sont le plus souvent en retrait et la dynamique principale reste axée sur les enceintes avants.
Interactivité
Premier film de George A. Romero proposé par la collection Make My Day, Bruiser est forcément très chaleureusement accueilli par Thoret dans son habituelle introduction, peut-être encore plus chaleureuse et attendrie que d’habitude. Il revient sur la place particulière du film dans la filmographie du cinéaste, l’intelligence de son pitch et la pertinence de son propos. Hérités de l’ancien DVD, on retrouve aussi le commentaire audio enregistré alors par le réalisateur. Peut-être un peu trop tôt, car malgré ses efforts et l’évocation de quelques anecdotes et considérations artistiques, le propos s’essouffle régulièrement. Dommage qu’aucun making of n’ait jamais été produit pour ce film.
Liste des bonus
Préface de Jean-Baptiste Thoret (10 minutes), Commentaire audio du film par George A. Romero.