BRAM STOKER’S DRACULA
États-Unis – 1992
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique, Horreur
Réalisateur : Francis Ford Coppola
Acteurs : Gary Oldman, Winona Ryder, Anthony Hopkins, Keenu Reeves, Richard E. Grant, Cary Elwes, Sadie Frost, Monica Bellucci
Musique : Wojciech Kilar
Durée : 127 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Dolby Atmos Anglais, DTS HD Master Audio 5.1 Anglais, Français, Allemagne…
Sous-titres : Français, anglais, italien, espagnol…
Éditeur : Sony
Date de sortie : 05/10/2022
LE PITCH
En 1492, le prince Vlad Dracul revenant de combattre les armées turques, trouve sa fiancée suicidée. Fou de douleur, il défie Dieu et devient le comte Dracula, vampire de son état. Quatre cents ans plus tard, désireux de quitter la Transylvanie pour s’établir en Angleterre, il fait appel à Jonathan Harker, clerc de notaire et fiancé de la jolie Mina Murray. La jeune fille est le sosie d’Elisabeta, l’amour ancestral du comte…
Cinema Never Dies
Adaptation parmi des centaines d’autres du roman fondateur de Bram Stoker, le Dracula de Francis Ford Coppola en est certainement la vision la plus flamboyante, la plus grandiose et la plus romantique. Un opéra gothique et sanglant, mais sans doute aussi l’une des plus belles déclarations d’amour au cinéma d’horreur classique.
Sans doute avec une bonne dose d’ironie, Francis Ford Coppola a décidé de nommer son film Bram Stoker’s Dracula, venant appuyer des déclarations attestant d’une volonté de revenir véritablement au texte original de l’auteur, d’en livrer pour la première fois une adaptation extrêmement fidèle. Si effectivement le film de 1992 en reprend partiellement la structure épistolaire, la quasi-intégralité des personnages les grandes lignes et des épisodes souvent largement mis de coté chez d’autres (l’épisode dans les Carpates, la traversée sur le Demeter…), il officie au passage l’une des plus grandes trahisons possibles en se détachant de la vision monstrueuse du seigneur vampire, explorant ses origines tragiques, son humanité sacrifiée et imaginant une histoire d’amour éternelle le reliant à la douce Mina Harker (sublime Winona Ryder). Une exacerbation sentimentale qui s’accompagne d’une exacerbation générale de tout ce qui constitue le mythe de Dracula, rejoignant les ambitions baroques et opératiques (voir Le Parrain III tourné deux ans plus tôt) d’un cinéaste qui ne se refuse rien. Et surtout pas de donner à l’ancien Universal Monster le visage double d’une créature aristocratique se momifiant dans sa demeure poussière et les atours d’un séduisant dandy, d’un amant éperdu et sincère. Faut-il préciser que Gary Oldman est formidable dans les deux cas ?
Le celluloïd et la vie
Bram Stoker’s Dracula est une gigantesque et fascinante histoire d’amour, une célébration de la passion la plus dévorante où Dracula a désormais le beau rôle de la créature incarnant la vie et ses excès, là où le triste Harker (Keanu Reeves intentionnellement fadasse), les prétendants de la brulante Lucy (Sadie Frost) et l’inquiétant Van Helsing (Anthony Hopkins qui joue aussi le prêtre qui excommunie Vlad Tepes dans l’ouverture, ce n’est pas un hasard) se transforment peu à peu en chasseurs barbares. Face à la normalisation, à la morale religieuse et même la menace des MST (nous sommes dans les années SIDA et le film y fait directement écho), le besoin de se donner totalement à l’étreinte, d’aspirer le sang et l’essence de l’autre, a définitivement quelque chose de libérateur. Une vision toute personnelle donc, sauvage, érotique et moderne, mais que l’auteur aborde en embrassant littéralement un gigantesque pan de l’histoire du cinéma. Des premières fantaisies de Méliès jusqu’au essais aristocratique du studio Hammer en passant par les lumières d’un Bava et l’expressionisme optique du Nosferatu de Murnau, Coppola réinvente sa mis en scène en la nourrissant généreusement mais élégamment de toutes ces références, de toutes ces esthétiques, multipliant les effets de collages, de surimpressions, de filtres et de trucages prenant leurs sources et leurs mises en pratique dans le cinéma des origines. La flamme est ici aussi déclamée à l’art du cinématographe, née seulement deux ans seulement après la publication du roman Dracula, auquel Coppola s’offre plus directement un charmant, mais pertinent, clin d’œil lorsque le Comte invite Mina à en découvrir les merveilles. Une séquence qui s’ouvre justement sur une ouverture d’iris et la vue d’une rue en noir et blanc et au mouvement saccadé symptomatique.
Une proposition généreusement esthétisante, hommage et réappropriation de figures presque séculaire alors, galvanisé par l’époustouflante photographie caravagesque de Michael Ballhaus (Les Affranchis, Le Temps de l’innocence…), la musique intense et épique de Wojciech Killar (Le Roi et l’oiseau, La Neuvième porte), les costumes détonants de Eiko Ishioka (The Cell) et les riches décors de Garett Lewis (Hook). Une œuvre imposante, abusive, débordante, mais qui ravage tout sur son passage.
Image
Cette édition Steelbook 30ème anniversaire reprend naturellement le master 4K de l’UHD 25ème anniversaire qui lui-même reprenait la copie restaurée disponible aux USA en 2017 sous l’appellation « Supreme Cinema Series ». Une remasterisation qui faisait enfin oublier le très décevant (et aujourd’hui assez cradingue) premier Bluray de 2007. Petit souci au passage, le léger rognage des bords la plupart des plans, sans que cela n’ait jamais été expliqué par Sony. Choix étrange mais qui heureusement s’accompagne d’un travail admirable apporté à l’œuvre, nettoyée avec minutie, stabilisée, rééquilibrée, mais sans jamais atténuer les textures originales. Le film est très granuleux, organique, et cela se retrouve à nouveau à l’écran, avec un effort particulier apporté à la riche photographie et ses teintes sombres et chaudes. Le traitement HDR reste extrêmement fidèle aux volontés premières mais rehausse avec ferveur une photo déjà somptueuse par des accents plus puissants et plus variés. Magnifique.
Son
La piste Dolby Atmos n’est pas nouvelle (déjà dispo sur le précédent UHD et Bluray US) mais reste toujours aussi impressionnante par son incroyable amplitude et le souffle décuplé qu’il donne à l’atmosphère horrifique et fantastique du film, sans oublier la partition passionnée Wojciech Kilar. La sensation d’assister à un opéra grandiose, dont les effets surgiraient de toute part. Une piste très délicate aussi, bien plus certainement que le DTS HD Master Audio français, qui va alors plus jouer sur les gros effets. Efficace mais un bon poil en dessous.
Interactivité
5 ans déjà après la première sortie sur support 4K, Dracula revient avec un nouveau steelbook reprenant la célèbre affiche. Un bel objet qui se fend tout de même pour l’occasion de deux nouveaux bonus sur la galette UHD. Le clip de la superbe chanson d’Annie Lennox et un excellent making of d’époque abordant de manière très étonnante un tournage exigent et les tensions artistiques entre le réalisateur et Gary Oldman.
Et il va falloir s’en satisfaire car une fois encore le Bluray glissé dans l’édition n’est pas celui de 2015 toujours inédit en France, mais celui de 2007 avec sa copie datée et une interactivité qui ne propose pas le second commentaire audio de Coppola et des responsables des effets spéciaux, ni les deux documentaires Reflections in Blood et Pratical Magicians. Reste heureusement l’excellent programme initial avec fastueux making of de plus d’une heure, le commentaire solo du réalisateur et bien entendu la presque demi-heure de scènes coupées et étendues.
Liste des bonus
Clip : « Love Song for a Vampire » d’Annie Lennox (4’), « Les Lignées de Dracula » : entretiens avec l’équipe du film (1992, 28’), Introduction de Francis Ford Coppola (3’), Commentaire audio de Francis Ford Coppola (VOST), 12 scènes supplémentaires (28’), Making of en 4 parties (72’), Bande-annonce.