BOULEVARD
France – 1960
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Julien Duvivier
Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Monique Brienne, Magali Noël, Pierre Mondy, Jacques Duby…
Musique : Jean Yatove
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Anglais
Durée : 96 minutes
Éditeur : Pathé
Date de sortie : 26 juin 2024
LE PITCH
Un adolescent livré à lui-même est confronté au monde des adultes dans le quartier de la place Pigalle…
Sur les toits de Pigalle
Grande révélation des 400 coups et propulsé visage juvénile de la Nouvelle Vague, Jean-Pierre Léaud s’en échappe pour aller jouer les titis rebelles du coté du cinéma plus enchanté du vétéran Julien Duvivier. Ou est-ce l’inverse ? Un film hybride, témoin d’un Paris d’autrefois et des bouleversements en cours dans le cinéma hexagonal.
Un an seulement après la découverte de la chronique juvénile de François Truffaut, le petit monde du cinéma français est en pleine ébullition, en quête de nouveaux visages, de réalisme, d’improvisation, d’intensité et d’inventivité, quitte à déboulonner, parfois de façon aveugle, les anciens talents de l’industrie, les représentants de cette fameuse « qualité française ». Mais même si sa boulimie de projet, ses changement incessants de genres et de forme, en font un peu un cas à part, Julien Duvivier (La Belle équipe, Panique, Voici le temps des assassins…) est pourtant rapidement rangé dans le même tiroir. C’est certainement pour cette raison qu’il s’empare dès la publication du roman de Robert Sabatier, tranche de vie du quartier de Pigalle d’alors, portrait tendre de ses personnages hauts en couleurs mais aussi de cette nouvelle jeunesse qui s’empare des rues, et qu’il engage Jean-Pierre Léaud dans le rôle-titre. Un symbole qui aurait pu être doublé si Jean-Paul Belmondo, envisagé, avait finalement accepté le second rôle masculin. Le gamin des 400 coups, ou tout comme, est déjà adolescent, ici livré à lui-même, après avoir fuit la maison familiale après une altercation avec sa belle-mère, vivant dans un petit appartement de bonne sous les toits de Paris. Il s’imagine une romance brulante avec sa voisine, danseuse dénudée et de vingt ans son ainée joué par Magali Noël, multiple les altercations avec le boxeur raté joué par Pierre Mondy, figure faussée du père de substitution, boude, dans un premier temps, les jolis yeux de Marietta qu’il perçoit comme une gamine, et cherche des petits boulots pour se remplir le ventre et faire rêver les filles.
Entre deux âges
Le film ne raconte pas grand-chose mais est surtout l’occasion faire défiler une belle galerie de second rôles bien campés, redécouvrir la petite vie du Pigalle d’alors, vivant et intensément populaire, et de multiplier les scénettes plus ou moins inspirées, toujours enjolivées par les dialogues très parigots, mais aussi parfois très sincères (la romance adolescente, toute tendre), de René Barjavel. Duvivier espérait pouvoir mettre en boite un jour une troisième version de Poil de carotte et on reconnait dans cette opposition constante ente les aspirations du jeune héros, sa démarche renfrognée, sa grande gamelle et le monde des grandes personnes, quelques traces du roman de Jules Renard, mais clairement teintées par la misanthropie plus prononcée du cinéaste. Comme souvent chez lui les petits rêves idéalisés et les instants dignes de conte de fée, sont rapidement rabroués par une dure réalité, et ici, les nombreuses tromperies et malhonnêtetés, poussant le gamin à la frustration et la colère. Une balade pas désagréable qui est toujours emporté par la personnalité atypique et fougueuse de son jeune acteur. Le film malgré ses petits défauts et sa vacuité sans doute assez volontaire, reste surtout très intéressant pour sa manière de combiner cette poésie réaliste à l’ancienne avec son noir et blanc ultra structuré, ses superbes décors quasi enchanté reconstitué dans les studios historiques de Boulogne, avec des élans plus modernes, plus improvisés, volés dans les véritables rues de Paris, comme cette course poursuite dont le long travelling n’est pas sans rappeler celui de A Bout de souffle de Godard.
Un mélange étonnant, véritable pont entre deux époques, deux méthodes, que Duvivier pouvait maitriser tout aussi aisément, comme pour faire la nique à ces jeunots des Cahier du cinéma. L’exercice mérite forcément le détour.
Image
Pathé propose à nouveau un travail de restauration d’une impressionnante rigueur avec un retour à la source incluant un scan 4K des négatifs mais aussi d’une copie de travail afin de retrouver le montage le plus complet. L’ensemble a été habilement harmonisé, impeccablement nettoyé (avec en petite friandise une belle brulure de cigarette persistante), réétalonné et stabilisé pour obtenir une copie juste sublime. Les cadres retrouvent un relief très naturel (appartements et ruelles parisiennes sont tout en profondeurs), l’image est constamment embellie d’une patine argentique et d’un léger grain des plus élégants et le noir et blanc est superbe.
Son
Rien à redire à la piste française retravaillée là aussi à partir du négatif initial qui nous parvient avec une grande clarté, un bel équilibre sur les voix et les ambiances, et la disparition totale de la moindre trace du temps.
Interactivité
L’édition est agrémentée de trois sujets d’un peu plus de dix minutes qui viennent tour à tour brasser la carrière et les spécificités thématiques et stylistiques de Duvivier, son rapport avec la politique et les particularités de la Nouvelle Vague et les différences avec le roman originale. Confiées à Cécile Dubost, ces petites analyses sont toujours très intéressantes, résumant efficacement les enjeux de Boulevard, tout autant que l’approche du metteur en scène, entre deux époques mais toujours prompte à quelques cruautés.
Liste des bonus
« Julien Duvivier, courte biographie » de Cécile Dubost (10’), « Boulevard, un film entre deux époques » de Cécile Dubost (11’), « Une adaptation moins fidèle qu’elle n’en a l’air » de Cécile Dubost (11’).