BODY DOUBLE
Etats-Unis – 1984
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Brian De Palma
Acteurs : Craig Wasson, Melanie Griffith, Deborah Shelton, Gregg Henry, Dennis Franz, Guy Boyd, Barbara Crampton
Musique : Pino Donaggio
Image : 1.85 16/9
Son : Dolby Atmos Anglais, DTS HD Master Audio 2.0 Anglais, Français, Allemand, Italien…
Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, italien…
Durée : 114 minutes
Éditeur : Sony Pictures
Date de sortie : 6 novembre 2024
LE PITCH
Acteur de seconde zone, Jake Scully se retrouve à la rue quand il surprend sa petite amie au lit avec un autre. En écumant les castings de Los Angeles, il fait la connaissance de Sam Bouchard qui lui fait une proposition intéressante : garder la luxueuse demeure d’un ami durant son absence. Profitant de la vue panoramique, Jake observe sa riche et charmante voisine Gloria se livrer à des jeux érotiques. Mais son activité de voyeur va se révéler plus dangereuse qu’il n’y paraît…
Very Bad Trip
Intrigue à tiroirs, dualité, voyeurisme, fiel et virtuosité. Ne cherchez plus, vous êtes bien chez Brian De Palma. Alors bienvenus à vous les gars : le trip vaut le détour.
Exercice de style solidement ancré dans l’esthétique des années 80, Body Double marque une étape dans la carrière du cinéaste américain. Pour la première fois, De Palma semble se démarquer de son maître, Sir Alfred Hitchcock, en lui rendant un vibrant hommage… à sa sauce. Pour cela, il puise dans la sève de deux pièces majeures du géant britannique (Fenêtre sur Cour et Sueurs Froides) en en mixant les thèmes principaux (le voyeurisme et le double) afin de donner corps à une œuvre hybride, retorse et alambiquée, parfois criarde mais toujours passionnante. Réalisé juste après Scarface, « gangster-movie » dantesque et grandiloquent, Body Double se veut une expérience au script et au budget resserrés, restée longtemps méconnue voire décriée (ce fut un four critique et public). Pour faire simple, le film s’inscrit dans la veine des autres thrillers « de palmiens » (Sœurs de sang, Obsession, Pulsions, Blow Out, L’Esprit de Caïn ou plus dernièrement Passion). Mieux, il en constitue l’un des plus clinquants représentants. Il faut dire que le réal’ y expose avec brio quelques-uns de ses sujets de prédilection : le Septième Art et ses mirages, l’idée du film dans le film, le trompe l’œil et les faux-semblants.
Territoires psychiques
Le choix de Los Angeles comme lieu des exactions se révèle, de fait, extrêmement judicieux. En architecte mental, De Palma se sert des décors comme s’il s’agissait de prolongements directs de l’esprit tordu des personnages. L.A. reste bien évidemment l’antre du cinéma et c’est loin d’être anodin. Quant au héros, il est un médiocre comédien de série Z passant la plupart de son temps entre les tournages fauchés, les salles de théâtre miteuses et les séances de casting sans lendemain. C’est d’ailleurs pendant l’une de ces séances qu’il rencontre celui qui fera basculer l’intrigue. Grâce à ou à cause de lui, Scully cesse d’être victime pour devenir une sorte de coupable mesquin. De son nid d’aigle (la « Chemosphere », stupéfiante prouesse architecturale imaginée par l’un des disciples de Frank Lloyd Wright), il espionne quotidiennement sa voisine qui s’adonne, quasi nue, à une danse lascive et masturbatoire. Au point d’en être complètement accro et de la suivre partout. Cette addiction soudaine (et un poil flippante) de Scully devient le moteur du scénar’ ; une sorte de déclencheur fictionnel. Dès lors, le spectateur se retrouve témoin impuissant d’une filature qui, comme de bien entendu, risque de finir très, très mal.
Via sons sens inné du travelling et son utilisation finaude du plan-séquence, De Palma arpente Los Angeles de long en large : on y découvre, entre autres, un grand hôtel inquiétant, un centre commercial filmé comme un traquenard labyrinthique, une résidence balnéaire semblable à une toile d’Escher, un passage souterrain particulièrement suffocant et une zone interdite dont Scully n’aurait jamais dû fouler le sol. Et puis il y a cette exposition, plutôt inédite pour l’époque, de l’industrie du porno et des clubs libertins des bas-fonds de L.A. Ces espaces incroyables, véritables terrains de jeu du fouineur De Palma, constituent l’atout majeur de Body Double. Sous l’œil avisé du cinéaste, ils deviennent des personnages à part entière. Les participants d’un petit jeu pervers et macabre.
Pour Public averti
Car oui, Body Double diffuse constamment une ambiance bizarre, malsaine et mal aimable. Aucun des protagonistes n’est réellement attachant, mise à part peut-être la débutante Mélanie Griffith, ici actrice X au popotin ondulant, que De Palma filme comme s’il s’agissait d’un ange. Pour le reste, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. A mesure que les pièces du puzzle s’assemblent, Jake Scully (Craig Wasson, top) révèle ses failles : un type un peu frustré, pas mal loser, carrément claustrophobe, vicelard et voyeur. Même constat quant au loueur de villa (Gregg Henry, top aussi) : son sourire carnassier, sa tronche de bellâtre trop nickel pour être honnête et ses jolies paroles laissent très vite présager le pire. Sans omettre ce mystérieux personnage d’indien aux traits difformes, adepte des vols par effraction et des vrilles de perceuse. Qui est-il ? Que veut-il ? Vous le saurez bien assez tôt… Un peu à la manière de Pulsions durant lequel Michael Caine se travestissait à des fins criminelles, Body Double ressemble à un somptueux ballet psychanalytique. De Palma s’y adonne à ce qu’il sait faire de mieux : mener le spectateur en bateau. Dès le générique d’ouverture en lettres de sang, Body Double nous dupe, se joue de nous, malmène notre sens de la perception. Il propose un script à plusieurs niveaux de lecture, à la fois thriller machiavélique et réflexion sur le pouvoir agrippant du cinéma. Certaines séquences nous scotchent encore par leur maestria (mention spéciale à celle dite « de la perceuse », authentique climax de suspense hitchcockien ou celle du générique final, au cynisme exaltant), d’autres nous laissent un peu plus perplexes, notamment cet interminable plan de baiser langoureux filmé au son du score sirupeux de Pino Donaggio, à la lisière du grotesque. Et puis l’esthétique 80’s pique souvent les yeux.
Ambiance néons, moquette, lits rotatifs, sapes dépassées, brushings invraisemblables et New Wave à fond les ballons lors de la visite d’un club porno au rythme du tube Relax par les « Franky goes to Hollywood ». Comme souvent chez l’ami Brian, le trop plein est de mise, le ridicule n’est jamais loin. Mais le mec reste un cinéaste TOTAL, unique et génial. Aussitôt pardonné.
Image
Exploitée depuis presque dix ans déjà, cette restauration 4K de grande qualité atterrit enfin sur format UHD, avec l’adjonction attendue des effets du Dolby Vision et de l’HDR. Deux options qui viennent effectivement souligner la richesse des couleurs, leur vivacité et creuser avec plus de ferveur encore les variations de noirs, mais qui ne font qu’embellir une prestation de toute façon déjà admirable. Les contrastes sont parfaitement définis et Los Angeles se déploie sous nos yeux ébahis le temps d’une partie sanglante et fielleuse. C’est propre, incroyablement précis (certains détails sont à nouveaux visibles), avec une profondeur de champ admirablement soulignée, en intérieur comme en extérieur. Surtout le film est toujours accompagné de ses excès 80’s, de son grain vibrant et de ses textures organiques. Si tous les films de De Palma pouvaient connaitre un même traitement.
Son
La version française, sympathique, n’est toujours dispo que dans son petit mono d’origine. On se focalisera alors encore surtout sur la piste américaine qui après avoir été déployé en DTS HD Master Audio 5.1, se dote désormais en sus d’un Dolby Atmos, plus intense et flamboyant. Le résultat frôle une fois de plus la perfection et l’on y redécouvre le score du transalpin Pino Donaggio, fidèle acolyte de De Palma puisqu’ils ont collaboré sur pas moins de sept films. Les compositions en font des caisses avec force crissements stridents et effets de suspense, comme pour accentuer l’aspect volontairement outrancier, ouvertement falsifié, de Body Double. On aura le droit de juger le rendu « too much » mais jamais la musique ne perd de sa cohérence vis-à-vis de l’histoire hypra-chelou qui nous est narrée. Du côté des dialogues et du son général, rien à redire. C’est du taf de pro. Clair, carré, brillamment exécuté.
Interactivité
Body Double repasse dans le giron de Sony Pictures après la mémorable édition Ultra Collector de Carlotta (la première !), ce qui forcément nous prive des suppléments produits en exclusivité comme l’introduction de Samuel Blumenfeld, l’interview de l’assistant réalisateur Joe Napolitano et surtout le passionnant et foisonnant ouvrage « Double De Palma » signé Susan Dworkin.
Quelques petites nouveautés à noter tout de même avec trois petites interviews promos inédites et la version complète du clip de Relax de Franky goes to Hollywood réalisé et monté par De Palma et comme il ne fut que trop rarement diffusée à la télévision. Mais le gros de l’édition retourne à l’essentiel avec le making of rétrospectif, découpé en quatre chapitres signé Laurent Bouzereau, et régulièrement utilisé depuis l’ère du DVD collector. Un programme composé autour d’entretiens avec Brian De Palma, Melanie Griffith, Gregg Henry et Deborah Shelton, et qui retrace avec sérieux, profondeur et de nombreuses anecdotes, la production, le tournage et la sortie du film. Tout y est dit, ou presque, il est vrai.
Liste des bonus
The Seduction (17’), The Setup (18’), The Mystery (13’), The Controversy (6’), EPK interviews de Craig Wasson (4’), Brian De Palm (4’), Melanie Griffith (3’), Clip de Relax (4’), Galerie de photos, Bande-annonce.