BLUE SUNSHINE
Etats-Unis – 1976
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Thriller, Horreur
Réalisateur : Jeff Lieberman
Acteurs : Zalman King, Deborah Winters, Mark Goddard, Robert Walden, Charles Siebert…
Musique : Charles Gross
Durée : 95 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 20 novembre 2021
LE PITCH
En cette année 1977, la Cité des Anges est confrontée à une vague de meurtres sauvages et inexplicables, guidés par la folie. La police porte rapidement ses soupçons sur un jeune homme : Jerry Zipkin. Afin de prouver son innocence, ce dernier, aidé par son amie Alicia Sweeney, mène alors son enquête et constate que les divers assassins présentent pour points communs d’être chauves et d’avoir fréquenté dix ans plus tôt l’Université de Stanford. À cette époque, ils ont absorbé une drogue expérimentale baptisée Blue Sunshine, dont les effets dévastateurs se déclenchent à retardement. Face à cette menace, Jerry pourra-t-il se disculper avant qu’il ne soit trop tard ?
Le dernier trip
Cantonné aux séries B de drive-In et aux direct-to-video, Jeff Lieberman n’a certainement pas la filmographie chargée de Roger Corman, mais en affiche cependant la belle efficacité. En outre dès son premier La Nuit des vers géants, confirmé par le suivant Blue Sunshine, il affirme un regard particulièrement acide et sarcastique sur cette Amérique post 60’s.
Pas forcément cité parmi les grands noms du cinéma de genre, Jeff Lieberman a cependant réussi à se hisser au rang des réalisateurs cultes, ayant réussi à déposer au moins trois de ses créations au rang des petits classiques du B Movie : La Nuit des verts géants, le slasher Survivance et au milieu ce Blue Sunshine. Sans doute l’œuvre la plus étrange de sa filmographie, ce dernier repose cependant sur la recette éprouvée de son auteur en s’inscrivant solidement dans tous les codes attendus d’un film de genre, malgré une production étriquée, ici entre thriller et horreur, mais en les teintant d’un œil des plus personnels, politique et acide. On est loin de la charge faussement propagandiste de Starship Troopers, mais d’une certaine façon Blue Sunshine joue sur cette même ambivalence en faisant sien les messages antidrogues du gouvernement américain, les fantasmes des séquelles de prises de LSD, pour mieux en souligner la totale absurdité. Ex hippie des 60’s, quelques personnages bien embourgeoisés se mettent ainsi à perdre leurs cheveux (« Hair », tout un symbole), à souffrir de migraines violentes avant de se transformer en meurtriers aux airs de morts-vivants. Leur point commun ? La prise dans leur jeunesse d’un acide expérimental appelé Blue Sunshine. Loin d’être un film anti-drogue (Jeff Lieberman ne cache pas ses diverses expériences personnelles sur le sujet), le film s’amuse surtout à refléter l’effondrement des valeurs de la décennie passée, illustre le portrait d’une génération qui s’est finalement empressée de rentrer dans le rang, ainsi que d’une classe sociale qui se positionne toujours aussi fermement au-dessus des autres.
I don’t like the drugs but the drugs like me
Habile, ambiguë dans son discours, Blue Sunshine ne choisit pas ses victimes par hasard (tout tourne autour d’un politicien en pleine campagne), ni ses décors en ancrant son final dans une boite disco puis dans un glorieux centre commercial. L’Amérique a changé de visage et le love power a laissé place à un tain maladif et une paranoïa généralisée. Pas forcément grand fan des effets chocs gratuits, et de toute façon très limité par ses finances, le réalisateur préfère distiller une atmosphère lourde, froide et surtout une grande singularité appuyée par les compositions anxiogènes de Charles Gross. Ne pouvant creuser plus avant les origines de la drogue et la raison de ses effets (les flash-backs prévus ne furent jamais tournés), pratiquant quelques raccourcis et ellipses ne simplifiant pas la compréhension, ou laissant la psychologie de quelques personnages sur le côté, Blue Sunshine s’empare de ce qui aurait pu être des défauts (seule l’atroce interprétation de Zalman King, premier rôle, est insauvable) pour en faire une particularité. Comme le démontre l’excellente ouverture, le moindre instant peut basculer dans la folie meurtrière et un sympathique crooner du samedi soir se transformer en schizophrène brûlant vive une ex fan… L’autre célèbre séquence, suivant une pauvre femme en robe de chambre zombifiée et poursuivant les gosses qu’elle garde armée d’un couteau synthétise brillamment cette notion d’un quotidien perverti, d’une mort froide omniprésente, quelque-part entre le giallo et le détachement cronenbergien.
Image
Encore une belle première pour Le Chat qui fume qui se dote d’une sortie en exclusivité mondiale de Blue Sunshine en UHD. Le master 4K lui n’est pas inédit, puisque cette superbe restauration effectuée à partir du négatif miraculé (on l’a longtemps cru perdu) et supervisée par le réalisateur, a déjà fait surface aux USA chez Distribpix. Film que l’on ne connaissait que sous la forme d’une copie terne, délavée et terriblement abimé, Blue Sunshine nous parvient désormais avec une propreté et une netteté renversantes, et surtout une colorimétrie bien plus généreuse (sur les rouges, les bleus…) à la lumière froide maitrisée. Déjà superbe en Bluray, le film est tout simplement éclatant en UHD poussant plus loin le piqué, les matières et les argentiques. Quelques scènes sombres en intérieurs laissent transparaitre un grain qui fourmillent sur les côtés de l’image mais cela n’est désormais dû qu’à la nature de la pellicule.
Son
Deux choix s’offrent aux spectateurs. En premier lieu la piste originale mono disposée dans un DTS HD Master Audio 2.0 qui assure là aussi d’une très solide restauration, permettant un confort d’écoute inédit et une clarté constante. Plus moderne, le nouveau DTS HD Master Audio 5.1 gonfle l’ensemble avec une dynamique inédite et des atmosphères plus amples et immersives. Si l’ensemble donne une présence plus marquée au film, elle n’empêche pas l’apparition de quelques effets un poil artificiels qui se heurtent justement à l’âge et la nature « fauchée » du film.
Interactivité
Editeur déjà connu pour un contenu éditorial souvent très poussé et pertinent, Le Chat qui fume livre avec Blue Sunshine l’une des plus belles complètes de son catalogue. Un nouveau digipack avec fourreau cartonné au design stylisé et limpide où l’on retrouve l’intégralité (moins les vieilles bandes éducatives sur les dangers de la drogue) du matériel fournit sur l’édition déjà bien costaude de l’éditeur américain. Quelques petites interviews avec le réalisateur (essentiellement sur son propre rapport avec le LSD), les acteurs Robert Walden et Richard Crystal, Mark Goddard uniquement en audio et même la script-girl (angle intéressant car rare), apportent de nombreuses informations et anecdotes sur un tournage sérieux et efficace et un regard tout chaleureux envers le film. Mais là où le curieux en apprendra le plus, en dehors du commentaire audio de Jeff Lieberman malheureusement non sous-titré, c’est en se tournant vers l’interview du réalisateur, tout jeune, sur le plateau de Mick Garris pour le Fantasy Film Festival, où il revient sur son précédent Squirm et son second long métrage Blue Sunshine. On le retrouve quelques années plus tard pour répondre à un Q&A après une projection du métrage. Les années ont passé mais pas le franc parlé, le second degré et une certaine nonchalance résistent. Lieberman y explique d’ailleurs clairement les raisons de l’interprétation atroce du premier rôle et surtout clarifie, pour certain, l’angle ironique du film. On y découvre aussi qu’il refusa de tourner Saturday Night Fever…
Manifestement très inspiré par cette sortie, Le Chat qui fume joue en plus de tout ce matériel les exclusivités avec le très intéressant court métrage The Ringer, démonstration par Jeff Lieberman des méthodes marketing pour pervertir la jeunesse (musique, drogues, piercing…) avec toujours ce second degré un peu vachard. Mieux encore, l’éditeur français propose sur un Bluray supplémentaire le film datant de 1988 Meurtres en VHS (aka Remote Control) farce teenage avec Kevin Dillon, Deborah Goodrich et Jennifer Tilly. Le réalisateur y déclame son amour pour la SF rétro, la cinéphilie et se moque de la mode du fluo et des fanas de l’aérobic, avec à nouveau un pitch qui détonne : des aliens utilisent une vidéo locative pour pousser les humains aux meurtres afin de préparer leur invasion. Invisible en France depuis sa première distribution en… VHS, le film est proposé dans une très belle copie, très colorée. Une belle surprise disponible aussi à l’unité à petit prix.
Liste des bonus
Commentaire audio (VO), Passage au Fantasy Film Festival (12’), Questions-réponses au Jumpcut Cafe (15’), Opération déconnexion (6’30”), On appelle le Dr Blume (10’), Sunshine sous surveillance (9’30”), Scènes commentées par Mark Goddard (8’30”), Retour sur les lieux de tournage (8’30”), Court métrage : « The Ringer » de Jeff Lieberman (20’), Bande-annonce (2’30”), le Blu-ray du film « Meurtres en VHS » de Jeff Lieberman (1988).