BLUE ET COMPAGNIE
IF – Etats-Unis – 2024
Support : 4K UHD & Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : John Krasinski
Acteurs : Ryan Reynolds, Cailey Fleming, Fiona Shaw, John Krasinski, Bobby Moynihan, Alan Kim…
Musique : Michael Giacchino
Durée : 104 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Dolby Atmos True HD Anglais, Dolby Digital 5.1 Français, Allemand, Espagnol, Italien, Japonais …
Sous-titres : Français, Anglais, Italien, Allemand, Espagnol, …
Editeur : Paramount Pictures France
Date de sortie : 11 septembre 2024
LE PITCH
Après avoir perdu sa mère d’un cancer, Bea, une jeune fille de douze ans, craint le pire pour son père qui doit être opéré du cœur. Placée sous la garde de sa grand-mère le temps de cette hospitalisation à haut risque, Bea fait la rencontre de Calvin, un mystérieux voisin qui, comme elle, peut voir les amis imaginaires des enfants…
Jamais sans mon père
Après le diptyque Sans un bruit (2018 et 2020), mélange d’horreur et de SF post-apocalyptique rempli de vilains aliens à l’ouïe ultra-sensible, l’acteur et réalisateur John Krasinski change de registre et se lance dans un conte de fées moderne qui court désespérément après la formule à succès des meilleurs long-métrages des studios Pixar. Blue & Compagnie est un exercice ambitieux où se bousculent un parterre de stars et d’amis venus prêter main forte à un auteur sincère mais qui ne sait pas vraiment où donner de la tête.
Amusant et prometteur au premier abord, le gimmick de l’ami imaginaire est aussi et surtout particulièrement casse-gueule. Il faut en effet un sacré degré de maîtrise pour que l’idée fonctionne à l’échelle de tout un film. La preuve avec Harvey, réalisé en 1950 par Henry Koster, l’adaptation d’une pièce à succès portée à bout de bras par les talents combinés de James Stewart et de Josephine Hull … et probablement la seule réussite du genre.
S’il s’intéresse au sujet avant même d’entamer la production du premier Sans un bruit, John Krasinski ne concrétise son idée qu’avec la pandémie de COVID-19. Confiné avec son épouse, l’actrice Emily Blunt, et ses deux filles Hazel et Violet, alors âgées respectivement de 6 et 4 ans, Krasinski couche sur le papier une histoire pour rendre hommage à l’imagination colorée de sa progéniture. De toute évidence très inspiré par le meilleur segment du Vice-Versa de Pete Docter (2015), Blue & Compagnie confronte une galerie très variée d’amies imaginaires au deuil, à la perte de l’innocence et au temps qui passe et place au centre de son histoire une petite fille (Cailey Fleming, la Judith Grimes de la série The Walking Dead, très attachante) qui, déjà marquée par le décès de sa mère, s’attend à perdre son père et le peu de joie à vivre qu’elle était parvenue à conserver. Incarnant lui-même le paternel en sursis, John Krasinski s’adresse de toute évidence à sa propre famille et cherche à exorciser, scène après scène, son angoisse de la mort. On l’aura compris, Blue & Compagnie est une œuvre très personnelle et qui n’a pas peur du mélodrame et du tragique, que ce soit au travers d’un générique d’ouverture qui propose une variation (un plagiat ?) assez réussie de celui de Là-Haut, l’autre chef d’œuvre de Pete Docter, ou du personnage secondaire d’un enfant solitaire et cloué sur un lit d’hôpital en raison de fractures dont l’origine pose question.
Les copains d’abord
Pour exhaustif qu’il soit dans les thématiques qu’il aborde, Blue & Compagnie ne parvient jamais à trouver une ligne narrative claire et centrale, préférant passer d’une idée extravagante à une autre sans savoir à laquelle s’accrocher, tel un enfant hyperactif. Et c’est peu dire que le film de John Krasinski en souffre, ne décollant que trop rarement pour convaincre ou émouvoir. On sent bien ici et là des atomes crochues avec le Paperhouse de Bernard Rose, poème fébrile et cauchemardesque unique en son genre, mais Krasinski, trop obsédé par son envie de grand divertissement familial, perd son temps à singer la fibre Pixar (un sentiment encore renforcé par le score sous influence de Michael Giacchino, compositeur presque attitré du studio à la célèbre lampe de bureau) sans avoir ne serait-ce qu’un dixième du talent et de la cohérence des scénaristes de Toy Story, Monstres & Cie ou encore Le Monde de Nemo.
Conscient à un niveau ou à un autre de ses lacunes d’écriture, Blue & Compagnie se maintient à flot par son extraordinaire facture technique et un casting vocal ahurissant. Profitant d’effets visuels à la pointe de la technologie qui offre une interaction sidérante de réalisme et de naturel entre l’environnement, les acteurs « humains » et les personnages animés qui envahissent le cadre, le film de John Krasinski est sans doute le premier à reproduire le miracle d’hybridation que fut Qui veut la peau de Roger Rabitt ? en 1988, laissant loin derrière lui tous les Space Jam de l’univers. L’acteur, réalisateur et scénariste est même parvenu à se payer les services de Janusz Kaminski, le chef opérateur attitré de Steven Spielberg dont le traitement de la lumière et des couleurs est reconnaissable entre mille. Enfin, pour incarner ses amis imaginaires, il a embarqué en coulisses les talents de Steve Carell, Phoebe Waller-Bridge, Louis Gossett Jr, Matt Damon, George Clooney, Bill Hader, Bradley Cooper, Christopher Meloni, Amy Schumer, Blake Lively (la femme de Ryan Reynolds) et bien évidemment Emily Blunt. Du très très beau monde qui ne contente pas de courir le cachet mais qui donne une vraie personnalité à des amis imaginaires au design plus que varié. Au milieu de cette débauche de couleurs, d’humour et d’effets divers, Krasinski parvient même à caser un clin d’œil émouvant à feu Tina Turner.
Trop bordélique et bancal pour ne pas s’effondrer régulièrement, confondant ambition et influences, Blue & Compagnie n’en reste pas moins très fréquentable. Un drôle de paradoxe dont le succès ne peut reposer que sur l’humeur du spectateur. Verre à moitié plein ou verre à moitié vide ?
Image
Une copie d’exception qui tire toute la substantifique moelle du Dolby Vision avec une restitution pour le moins idyllique de la très belle photo automnale de Janusz Kaminski, de ses hors-champs noyés de lumière et des textures des personnages en CGI. S’il est parfois difficile de faire la différence entre le 4K et un blu-ray standard pour les films récents, la galette proposée ici creuse indiscutablement l’écart avec la haute-définition dite « standard ».
Son
Si l’on met de côté la supériorité attendue du Dolby Atmos (uniquement en VO) sur ses concurrentes en 5.1, la bande-son de Blue & Compagnie, très conservatrice, n’offre pas grand-chose de spectaculaire pour nous chatouiller les oreilles si ce n’est une piste musicale à la pureté minérale. Pour le plus grand plaisir des mélomanes.
Interactivité
Pas besoin d’atteindre le dernier supplément, un cours de dessin très ludique où l’on apprend à reproduire soi-même le personnage de Blue, pour comprendre que l’interactivité, composée de brefs segments de making-of de cinq minutes, s’adresse exclusivement à un jeune public. On peut toutefois en profiter pour profiter de très nombreuses vidéos des coulisses où se mélange des techniques astucieuses pour simuler l’interaction entre les acteurs et leurs partenaires animés, intégrés des mois plus tard en post-production. C’est foncièrement promotionnel et superficiel mais loin d’être inintéressant que prévu, comme c’est le cas pour bien d’autres enfilades de featurettes.
Liste des bonus
Making of (5’), « Imaginer les amis imaginaires » : conception des personnages (5’), Donner une voix aux A.I. » : rencontre avec les voix originales (5’), « Mêler le réel et l’imaginaire » : intégration des personnages imaginaires dans le monde réel (5’), « Tina Turner pour toujours ! » : John Krasinski revisite un clip culte de Tina Turner des années 80 (3’), « Le Monde imaginaire de Blue & Compagnie » : les décors (6’), Bêtisier (3’), Apprenez à dessiner Blue (6’).