BLOODY MAMA
Etats-Unis – 1970
Support : Bluray & DVD
Genre : Action
Réalisateur : Roger Corman
Acteurs : Shelley Winters, Don Stroud, Robert De Niro, Robert Walden, Clint Kimbrough, Bruce Dern, Pat Hingle, Scatman Crothers…
Musique : Don Randi
Durée : 91 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français et Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : ESC Editions
Date de sortie : 10 avril 2024
LE PITCH
De sa jeunesse à sa mort, la vie de Ma Barker et de ses fils, figures du grand-banditisme des années 30.
La méthode Corman
Dans le sillon de la Hammer, et juste avant l’arrivée des deux énervés Mémé et Yoyo, Roger Corman traversa la galaxie cinéma telle une comète irrémédiable à la trajectoire erratique et surprenante. Et qu’il produise des films d’épouvantes, de monstres ou encore de gangsters, le trublion le faisait toujours avec la même passion et une même énergie convoquant tout ce que le cinéma de cette époque pouvait concevoir de génial et d’étonnant. Avec, chevillé au corps, un savoir-faire artisanal certes imparfait mais avec une seule et même ligne de mire : divertir. Mais avec aussi parfois une profondeur insoupçonnée : comme avec The Intruder par exemple. Presque visionnaire aussi, lorsqu’il réalise la cultissime première adaptation des Fantastic Four de Stan Lee. Ou plus malicieux et contestataire lorsque, en pleine vague hippie, il sort Bloody Mama, soit le portrait d’une des figures marquantes du grand-banditisme, derrière lequel se cache un pamphlet libertaire avec tout ce que ça implique de choquant pour la bonne morale.
Bloody Mama commence donc par la poursuite en pleine nature d’une jeune fille par son père et ses deux frères. Elle se fait rattraper et on imagine, hors champs, qu’elle se fait violer. Une sacrée introduction à la vie tumultueuse d’une femme qui deviendra l’une des ennemies publiques numéro 1. Comme si la présenter comme victime innocente d’une famille dégénérée excusait déjà un peu ses décisions futures et sa destinée sanglante. Un parti-pris scabreux qui va définir tout ce qui suivra. Soit un catalogue plutôt exhaustif de toutes les exactions possibles et imaginables : attaques à main armées, enlèvement, viols, meurtres gratuits, tout ou presque y passe. Autant dire que pour faire passer la pilule, il faut la somme considérable de quelques talents à l’écran.
Winter is coming
A commencer par l’incroyable Shelley Winters, très grande actrice passée devant les caméras de nombreux grands cinéastes et que les années 70 vont mener à des projets moins glamour mais tout aussi remarquables. Dans la peau de Ma Barker, elle fait des merveilles, tour à tour mère protectrice, castatrice, voire incestueuse. Un démon en robe longue prêt à tout pour protéger sa portée, jusqu’à nier leurs nombreux crimes et les y rejoindre dès que les circonstances l’imposent (cette scène incroyable où, avec des yeux de folle, elle maintient la tête d’une innocente victime d’un de ses fils dans une baignoire pour la noyer).
Une lignée composée d’acteurs encore au début de leur carrière mais qui deviendront bientôt des figures incontournables du grand écran. Au rang desquels le jeune Robert De Niro qui campe un héroïnomane souvent à côté de ses pompes. Ou le très bon Don Stroud, qu’on retrouvera ensuite chez nombre de réalisateurs d’importance, dans le rôle de l’aîné des frères, totalement imprévisible, incontrôlable donc foutrement dangereux. Robert Walden aussi, qui jouera ensuite chez Robert Wise ou Peter Hyams, et qui écope de l’homo assumé de la famille, après que le scénario nous ai fait profiter d’un passage à tabac à la limite du sado maso dans la prison où il était incarcéré. Un cumul assez fou d’à peu près toutes les perversions que Roger Corman s’amuse donc à répertorier et cocher au fur et à mesure que le film avance.
Dans son culot, dans ses excès, dans son catalogue de perversités et la plupart de ses personnages dégénérés, Bloody Mama s’inscrit donc dans une catégorie de films voulant clairement provoquer une réaction épidermique chez le spectateur. Mais il utilise aussi, de temps à autres, des idées de narration qui permettent de, sinon comprendre, du moins se rapprocher du point de vue de sa très vilaine héroïne. En insérant par exemple, dans la première partie de son récit, des images de l’époque où, en voix off, Ma Barker témoigne de ce monde en perpétuel mouvement : la Grande Dépression, la montée du Ku Klux Klan… Autant dire un monde infernal où les violences physiques et sociales sont si institutionnalisées qu’une mère et ses quatre fils, aussi fous soient-ils, peuvent y vivre comme bon leur semble.
Une drôle de morale pour un drôle de film, sacrément siphonné et sans garde-fous ou presque. Un film d’un autre temps en somme.
Image
Le film n’a probablement jamais profité d’une telle qualité d’images. Pourtant, le grain de l’argentique est respecté et c’est tant mieux. L’image est chaude et éclatante et offre aussi des noirs très profonds dans ses moments les plus sombres. Quant aux détails, ils pullulent et participent à l’immersion notamment lors des gros plans, nombreux.
Son
Clairement décevante, la seule piste DTS-HD 2.0 en VO paraît souvent étouffée, manque de reliefs, craque même parfois. Des défauts qui étaient déjà décriés dans l’édition outre-Atlantique et qui semblent ne pas avoir été corrigés le moins du monde par ESC. La VF a quant à elle plus de chance mais l’immersion n’est plus la même, le manque de naturel et de profondeur inhérent souvent aux pistes doublées jouant une nouvelle fois contre le film.
Interactivité
Une présentation d’une vingtaine de minutes par Alexandre Jousse, qu’on ne verra jamais à l’image mais dont on suivra la voix (monocorde et enregistrée sans aucun effort de confort pour l’auditeur). La forme n’est donc pas jolie mais le fond est heureusement très intéressant. Le scénariste revient sur l’œuvre de Corman mais aussi et surtout sur ce qu’engendrera Bloody Mama : une sorte de « Mamasploistation » fait d’une dizaine de films. Un second bonus propose un entretien avec Roger Corman himself, qui revient sur son travail avec tous les acteurs via quelques jolies anecdotes de tournage. Un diaporama fait de scènes coupées et une bande annonce clôturent la section.
Liste des bonus
Livret, Mama, Mitraillettes et Corman (21’08), Entretien avec Roger Corman (14’59), Bande annonce (1’51).