BLOODSPORT
Etats-Unis – 1988
Support : 4K Ultra HD & Bluray
Genre : Action
Réalisateur : Newt Arnold
Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Donald Gibb, Leah Ayres, Norman Burton, Forest Whitaker, Roy Chiao, Bolo Yeung, …
Musique : Paul Hertzog
Durée : 92 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS-HD 1.0 Mono, Anglais Dolby Atmos 7.1 et DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : ESC Editions
Date de sortie : 12 juin 2024
LE PITCH
Franck Dux, un agent des services secrets américains et champion d’arts martiaux, n’a qu’une obsession : remporter le Kumite, un tournoi clandestin organisé à Hong Kong et où tous les coups sont permis, …
Petits mensonges entre amis
Objet de culte pour de nombreux amateurs de cinéma d’arts martiaux, Bloodsport fit de Jean-Claude Van Damme une star et offrit un succès inattendu à la Cannon, alors sur le déclin. Jouant sans la moindre retenue la carte de la nostalgie, la copieuse édition collector consacrée par ESC au film de Newt Arnold nous replonge à une époque où les coups de pieds sautés retournés et les grands écarts d’un débutant belge de 28 ans nous avaient collé une furieuse envie de nous inscrire au dojo le plus proche. Hajime !
Bloodsport naît de l’imagination d’un certain Frank Dux, affabulateur patenté qui, durant les années 80, parvint à convaincre un auditoire grandissant de ses exploits sur le ring mais aussi dans de nombreuses zones de guerre (Vietnam, Iran, et on en passe). Rêveur et particulièrement imaginatif, Frank Dux se fait passer pour un maître du ninjitsu auprès du magazine de référence Black Belt et publie des romans sur son passé et ses missions secrètes exécutées pour le compte de la CIA. Bien avant de découvrir le pot aux roses et malgré quelques doutes légitimes, le scénariste Sheldon Lettich et le producteur Mark DiSalle se passionnent pour l’une des histoires de Dux : sa participation et sa victoire au Kumite, un tournoi (forcément secret) où toutes les disciplines d’arts martiaux s’affrontent, parfois jusqu’à la mort.
Si l’apport au manuscrit final du duo Christopher Cosby / Mel Friedman demeure à ce jour incertain, il est acquis que Sheldon Lettich rendit sa copie aux producteurs après s’être acquitté des ultimes réécritures de Rambo III en compagnie de Sylvester Stallone. Le script de Bloodsport atterrit donc peu de temps après dans les tiroirs de la Cannon de Menahem Golan et Yoran Globus. Les moguls tentent bien de monter le projet avec Chuck Norris où Michael Dudikoff mais les deux stars maisons préfèrent passer la main. À peu près au même moment, Jean-Claude Van Damme, pas encore viré du tournage de Predator où il transpire, s’évanouit et trébuche sans cesse sous la panoplie caoutchouteuse d’un alien très très Z, décroche un entretien avec Golan. Avec l’aide et la tchatche de son ami Mohammed « Michel » Qissi, il réussit à convaincre Golan de son potentiel. Le boss de la Cannon lui jette alors entre les mains le scénario de Bloodsport, comme un os à ronger. Persuadé du succès à venir de Braddock – Portés disparus III, Menahem Golan se désintéresse de Bloodsport aussitôt après lui avoir donné le feu vert et une enveloppe budgétaire ridicule. Salon Films, une compagnie de production Hong-kongaise indépendante met la main à la poche en échange d’un rôle pour son patron et d’un tournage dans l’Archipel. Une véritable aubaine.
La cité interdite
Si la délocalisation à Hong Kong impose forcément quelques ajustements à Lettich, la production se saisit sans rechigner de l’opportunité de tourner au cœur de la Mecque du cinéma d’action et d’arts martiaux, là où Bruce Lee devint une star et une icône. Le casting s’étoffe parmi les athlètes locaux (jouant le simili-pseudo Pumola, le massif David Ho est l’une des recrues les plus mémorables du film) et deux visages connus du cinéma hong kongais sont engagés. Second couteau dans une palanquée de films mettant en vedette Chow-Yun Fat, Philip Chan consent à une journée de tournage dans l’uniforme du capitaine de police Chen tandis que Bolo Yeung, célèbre pour son rôle dans Opération Dragon aux côtés de Bruce Lee en 1973, hérite de la carcasse malfaisante de l’increvable et retors Chong Li, le bad guy de Bloodsport.
Premier assistant réalisateur de William Friedkin (sur Sorcerer), de Francis Ford Coppola (sur Le Parrain, 2ème partie) et de Sam Peckinpah (sur Le Convoi), Newt Arnold est choisi par la Cannon pour réaliser le film en raison d’un cv qui impose le respect. Fier mais conscient de la responsabilité qui lui pèse sur les épaules, le cinéaste se couvre au maximum en enregistrant des kilomètres de pellicule avec trois caméras qui filment en permanence. Il peut aussi se féliciter d’être l’un des rares cinéastes occidentaux à recevoir la permission de poser ses caméras dans la mythique citadelle de Kowloon, une enclave résidentielle de 26 000 m2 érigée sur un ancien fort impérial à la frontière entre la Chine et Hong-Kong et contrôlée par les Triades.
Conscient de jouer sa carrière sur ce seul film, Jean-Claude Van Damme participe activement à la chorégraphie des combats et trouve un allié de poids en la personne de David Worth, le directeur de la photographie, qui s’assure de filmer l’acteur débutant à son avantage, quel que soit la scène. Quant au montage et à la post-production, elle est confiée au vétéran Carl Kress, lauréat d’un Oscar pour son travail sur La Tour Infernale. Un nom prestigieux mais dont l’ignorance en matière d’arts martiaux manqua de faire échouer Bloodsport dans une poubelle après une première projection test catastrophique.
Van Damme Connection
Passé une brève période de découragement, Jean-Claude Van Damme obtint de revoir le montage en personne, avec l’aide une fois encore de Qissi. L’immense matière récoltée par Newt Arnold sur le tournage sert les intérêts de l’acteur qui a l’œil pour choisir les meilleures prises, les meilleurs angles et les plus beaux mouvements. Calée avec une précision remarquable sur le score entêtant et miraculeux de Paul Hertzog, Bloodsport renaît de ses cendres et cartonne sur grand écran, à la grande surprise de Menahem Golan, un peu partout dans le monde.
Malgré des défauts plus qu’évidents, avec une direction d’acteurs que l’on qualifiera poliment de très inégale, où chacun (JCVD en tête) fait ce qu’il veut et ce qu’il peut selon l’humeur du moment et sans crainte aucune du ridicule, Bloodsport esquive avec une grâce féline toute approche critique et trace son sillon dans le cœur du public. Déséquilibré, le script de Sheldon Lettich place ses nombreux flashbacks au petit bonheur la chance et use et abuse de grosses ficelles. Certains écarts, entre misogynie et racisme (ah, le combattant noir qui se bat comme un singe !) suscitent un embarras encore plus tenace aujourd’hui qu’à l’époque de sa sortie. Mais rien n’y fait et Bloodsport, assurément sur le compte de la naïveté et de la maladresse, se relève encore et toujours sans une seule égratignure de ces incroyables sorties de route.
Bien sûr, l’attrait du film réside dans ce qu’il apporte alors de neuf sur la table. Jouant les chevaliers blancs au grand cœur, Jean-Claude Van Damme impose ici pour la première fois son image de Tintin karateka avec une candeur et une sincérité magique. Poseur mais jamais arrogant, le belge imprime une gestuelle inédite dans l’inconscient collectif et il faut bien reconnaître le bonhomme est diablement ciné génique Terrifiant et imposant, le méchant interprété par Bolo Yeung est aussi pour beaucoup dans la réussite du film.
Drôle, spectaculaire, tendu, galvanisant, le combat final n’a rien perdu de sa force de frappe et demeure tout de même un gros morceau de cinéma bis qui s’inscrit sans mal parmi les classiques du genre et en remontre aux meilleurs. Quant à la narration et son enchaînement généreux de combats aux styles parfois opposés, il annonce alors une décennie de jeux vidéo de combat dominée par Street Fighter II et Mortal Kombat, lesquels doivent beaucoup à Bloodsport, et pas seulement pour ce grand écart se concluant par un uppercut dans les roustons d’un pauvre combattant ou pour la musculature parfaitement sculptée de son héros. Avec Bloodsport, Van Damme offrait alors à un jeune public avide de nouveaux héros le sentiment qu’il suffit d’y croire et de travailler dur pour arriver au sommet. Et après tout, pourquoi pas ?
Image
Attendue depuis longtemps, cette nouvelle édition prend la relève d’un DVD de piètre qualité édité par Warner en 2003, avec une copie poussiéreuse et recadrée. ESC déploie sa nouvelle copie sur tous les supports mais en mettant évidemment l’accent sur la galette UHD. Restauré avec soin, ce nouveau master, très propre et sans lissage abusif, permet de redécouvrir le film dans des conditions optimales. La palette de couleurs tire par moments un peu trop vers des teintes ocres mais la définition bénéficie grandement aux arrières plans et aux plans en extérieur. Le grain de peau des acteurs et les gouttes de sueur ressortent à chaque gros plan et les noirs sont plus profonds que jamais. Compression et contours stables. ESC a réussi son pari et ressuscite avec goût un film qui, pour beaucoup, tient plus que jamais de la Madeleine de Proust.
Son
Seules les pistes anglaises ont été boostées en Dolby Atmos True HD et en DTS-HD pour un résultat qui ne dénature pas franchement la stéréo d’origine mais qui permet de faire ressortir les ambiances et la piste musicale avec un découpage plutôt convaincant. La piste française classique (et sa spectaculaire saillie raciste assurée par Yves Rénier à la 45ème minute !) doit se contenter d’un mono HD certes très propre et fidèle au ressenti d’époque mais qui n’a pas la pêche d’une version originale bien mieux dotée.
Interactivité
ESC a donc mis les petits plats dans les grands et propose aux fans une édition conçue spécialement pour eux. Les plus impatients et les plus rapides ne se seront pas privés de pré commander les VHS Box et leurs visuels spécifiques agrémentés de goodies en pagaille (magazine K.O. Mag, affiche du film, tirages argentiques de photos d’exploitation, etc). Pour ceux qui ont préféré attendre la sortie vidéo officielle de ce mois de juin, il leur faudra être attentif à l’édition achetée. En effet, le blu-ray de bonus exclusifs que l’on retrouve dans les VHS Box n’est pas inclus dans la sortie 4K « standard » et ne peut être trouvé que dans l’édition spéciale FNAC.
Le premier blu-ray (sur lequel on retrouve aussi le film) n’est heureusement pas avare en bonus divers et variés. En compagnie de l’acteur Mohammed Qissi, le spécialiste maison de JCVD, Arthur Cauras propose 46 minutes de scènes commentées avec un bon paquet d’anecdotes sur le tournage, la chorégraphie des combats et le montage final. Le même Arthur Cauras revient en compagnie de David Da Silva, auteur d’un livre sur l’acteur belge, et les deux hommes tentent de démêler le vrai du faux de la légende autour de la mise en chantier de Bloodsport tout en soulignant la longévité du film. Cauras et Da Silva animent ensuite un court module sur la genèse de Bloodsport 2 et le premier met ici un point final à sa série de documentaires sur la carrière de JCVD répartis sur les films édités par ESC et nous cause avec conviction des DTV de L’Empreinte de la mort et de Jusqu’à la mort. Un drôle d’entretien d’archive où notre belge favori, au tout début de sa notoriété, est interviewé par une journaliste dans une salle de sport fait office de supplément rétro, en complément des bandes-annonces d’époque. Le meilleur est pourtant à venir sur le second disque de bonus.
Outre une version VHS du film (et la qualité d’image qui va avec, nostalgie quand tu nous tiens), on retrouve ici une succession d’entretiens passionnants, sincères et croustillants. Très attachant, franc du collier mais aussi loyal à son vieil ami malgré les brouilles, Mohammed Qissi revient une heure durant sur les années de galère et le début de la célébrité en compagnie de son ami d’enfance, JVCD. Sheldon Lettich prend le relais, toujours dans la bonne humeur (et dans l’autopromo de l’ouvrage « Sheldon Lettich : From Vietnam to Van Damme ») et partage ses souvenirs de ses premiers scénarii, sa relation avec Frank Dux et la découverte des mensonges de ce dernier. Un peu moins bavard, le directeur de la photographie David Worth révèle toutefois suffisamment de détails sur les méthodes de travail du réalisateur Newt Arnold et sur ses propres techniques pour éclairer un plateau de tournage le plus vite possible et pour un coût réduit. Le disque se conclut par un montage plutôt intéressant de témoignage de combattants français de MMA, tous fans de Bloodsport, un film à l’origine de leur vocation. Et si bonus caché il y a, il va falloir bien chercher (parce que nous, on n’a pas trouvé) !
Liste des bonus
Scènes commentées par Arthur Cauras et Mohammed Qissi (46 minutes) / « La légende Van Damme » : Entretien croisé entre David Da Silva, auteur de « Jean-Claude Van Damme et ses doubles » (2022) et Arthur Cauras (45 minutes) / Entretien promotionnel d’archives avec Jean-Claude Van Damme (4 minutes) / « Bloodsport 2, la suite avortée avec Van Damme » avec David Da Silva et Arthur Cauras (3 minutes) / « Van Damme – Le Poing sur sa carrière, partie 9 : De l’empreinte de la mort, Jusqu’à la mort » par Arthur Cauras (28 minutes) / Bandes-annonces / Le film en version VHS / « Soit on réussit, soit on crève ici » : Entretien inédit avec Mohammed Qissi, acteur dans « Bloodsport », « Kickboxer » et « Full Contact » (63 minutes) / « Wham, Bam ! Merci, Van Damme. De retour sur le ring ! » : Entretien inédit avec David Worth, directeur de la photographie de Bloodsport et réalisateur de Kickboxer (24 minutes) / « Les lettres de sang. Ecrire un classique de la Cannon » : Entretien inédit avec Sheldon Lettich, scénariste de Bloodsport et réalisateur de Full Contact (47 minutes) / « L’Héritage de Jean-Claude Van Damme » : Entretien avec des combattants et chorégraphes de combat professionnels (16 minutes) .