BLISS

États-Unis – 2019
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur
Réalisateur : Joe Begos
Acteurs : Dora Madison Burge, Tru Collins, Rhys Wakefield, Jeremy Gardner…
Musique : Steve Moore
Durée : 80 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Extralucid Films
Date de sortie : 26 mars 2025
LE PITCH
Une peintre brillante, confrontée au pire blocage créatif de sa vie, fait tout ce qu’elle peut pour achever son chef-d’œuvre, s’enfonçant dans un paysage hallucinatoire de drogues, de sexe et de meurtre dans les bas-fonds sordides de Los Angeles.
The Substance
Orgie de matières, de sécrétions et de substances inconnues, Bliss de Joe Begos s’apparente à un long récit clippé, accompagnant une artiste dans un trip hallucinatoire dont elle ne sortira pas indemne. Et le spectateur non plus.
Avec Bliss, le réalisateur américain Joe Begos continue d’œuvrer au sein d’une filmographie résolument tournée vers le cinéma de genre. Science-fiction horrifique (Almost Human, The Mind’s Eye), action (VFW), slasher (Christmas Bloody Christmas). Jusqu’à ce Bliss, que l’on pourrait classer dans le drame horrifique. Des films inégaux, mais sincères, un beau panel pour un cinéaste franc du collier, qui ne fait généralement pas dans la dentelle. Sorti en 2019 mais visible par chez nous que très récemment, Bliss peut être vu comme un long cauchemar en quasi-temps réel. A la recherche d’une inspiration qui la fuit pour achever une œuvre picturale de commande, la peintre Dezzy plonge dans les bas-fonds de Los Angeles, se bourre le pif d’une nouvelle et mystérieuse drogue surpuissante et débute une spirale de déchéance alliant drogue/sexe/violence, qui s’accompagne d’un retour à la créativité. Le film se ressent comme un trip halluciné, très tape-à l’œil dans sa forme, son rythme, son sound design. Un résultat au vernis too much qui pourra rebuter une partie des spectateurs. Mais qui saura sûrement séduire la frange souhaitant s’adonner corps et âmes à cet OVNI cinématographique. De fait, qu’on l’accepte ou non, Bliss est une grenade dégoupillée lancée à la face du spectateur, qui pourra s’en emparer pour la balancer le plus loin possible de son cortex cérébral ou la chérir avec passion pour embrasser toute la fulgurance de sa déflagration, tant pour le cœur que pour les sens.
Entre Noé, Aronofsky et Ferrara
Sorte de longue épopée sanglante et hypnotique, Bliss emprunte les formes casse-gueule du film clippé. Entre sa photographie à la fois sombre et bardée de trouées vives et primaires (couleurs rouge, bleu et vert omniprésentes) à base de néons, qui renvoient assez sérieusement vers le cinéma de Dario Argento ou Mario Bava, et ses scènes plus empreintes de lueurs crépusculaires, matériellement très granuleuses, comme issues d’un cinéma des 70’s, moins outrées mais somptueuses, Bliss propose une esthétique très travaillée et résolument baroque, doté par ailleurs d’un montage au scalpel assez remarquable. Le réalisateur emprunte à tour de bras, et ne cherche pas à s’en cacher. Il réemploie la « Snorricam » collée aux acteurs de Requiem for a Dream de Darren Aronofsky pour un rendu assez similaire, passe une tête du côté du cinéma halluciné et organique de Gaspar Noé et d’Abel Ferrara, et s’engage même vers le Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch, version sous acide et qui aurait très mal tourné. Joe Begos revisite ses influences, avec un scénario minimaliste, une expérience sensorielle avant tout, qui n’exclut pas les embardées gores la tête la première, particulièrement crues et gerbantes, excellemment représentées à l’écran. Le film est par ailleurs bardé d’un sound design aussi travaillé que l’image, porté par des riffs et morceaux de rock métal frénétiques.
Un film organique et viscéral
On y croise des trognes du cinéma bis comme le réalisateur et acteur Jeremy Gardner (The Battery), Graham Skipper, fidèle de Begos (Almost Human, The Mind’s Eye), George Wendt ou encore le massif Abraham Benrubi (Larry Kubiac dans Parker Lewis), qui poursuivra sa collaboration avec Joe Begos pour Christmas Bloody Christmas. Mais il faut s’arrêter un instant sur l’incroyable Dora Madison Burge, à l’implication démultipliée puisqu’elle est à la fois actrice principale et productrice du film, et se donne corps et âme dans le rôle de cette peintre hantée par la création et la réussite. Sa prestation totale, de tous les plans, n’est pas pour rien dans l’efficacité orgiaque du film. Elle épouse avec une harmonie furieuse la mise en scène baroque et ultra stylisée affirmée par le film. Entre exploration de la figure du cannibale et nouvelle itération du mythe du vampire, Joe Begos a compris que, bien que revisité à tort et à travers, le film de vampire devait être foncièrement organique et viscéral. Bliss est tout ça.
Alors qu’il charrie tout un bagage thématique et formel résolument tape à l’œil, aux frontières nettes du mauvais goût, le film de Joe Begos parvient miraculeusement à faire de son exercice de style un tout cohérent, un film refermé sur lui-même et sur sa protagoniste principale, claustrophobique et suffocant, mais aux accents de violence exaltants. Si le symbolisme autour de l’accoutumance aux drogues dures n’est pas des plus subtils, Bliss s’avère cependant un film totalement galvanisant.
Image
Avec son esthétique granuleuse qui évoque le cinéma underground et renvoi aux films des années 70, Bliss a déjà un parti-pris de mise en scène fort, que l’édition d’Extralucid Films bichonne à merveille pour en faire ressortir tout l’aspect âpre et organique. A cela s’ajoutent des scènes nocturnes aux contrastes puissants et aux vives couleurs vertes, rouges et bleues détonantes, le Blu-ray de Bliss est une orgie visuelle, entre chatoiement et dérapages glauques, fourmillement de détails et précision du piqué. Saisissant.
Son
Grosse expérience et immersion sonore assurée avec une piste en anglais DTS-HD Master Audio 5.1 qui pousse les potards à fond. Le sound design soigné, les titres rock saignants et le score de Steve Moore forment un tout enveloppant mais pas nécessairement douillet, qui vise davantage à agresser volontairement les oreilles, et immerger un peu plus encore le spectateur. Du claquage de beignet en règle.
Interactivité
Si on excepte une courte scène coupée, l’éditeur livre un seul bonus, il donne la parole à Laurent Duroche de la plateforme de streaming Shadowz et ex-journaliste à Mad Movies, qui évoque le projet du film, la carrière de Joe Begos, et livre quelques informations et anecdotes très intéressantes. C’est maigre en termes de contenu, mais c’est passionnant sur le fond.
Liste des bonus
Présentation du film par Laurent Duroche (17’), Scène coupée (1’), Bande-annonce.