BLADE RUNNER : THE FINAL CUT
Etats-Unis – 1982
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Ridley Scott
Acteurs : Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Daryl Hannah, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, …
Musique : Vangelis
Durée : 117 minutes
Image : 2.40 16/9
Son : Dolby Atmos Anglais, Dolby Digital 5.1 Français, allemand, italien…
Sous-titres : Français, anglais, allemand, portugais…
Editeur : Warner Bros Home Entertainment
Date de sortie : 05 mai 2021
LE PITCH
Los Angeles, 2019. Évadés des colonies spatiales, des androïdes de type Nexus-6 ou « réplicants », tentent de s’introduire dans les locaux de la Tyrell Corporation dans le but de rencontrer leur créateur, le tout puissant Eldon Tyrell. Les voyant comme une menace, la police envoie à leurs trousses un Blade Runner, Rick Deckard, pour les éliminer…
D’une version à l’autre
Vous reprendrez bien une tranche de Blade Runner ? Pour sa quatrième (déjà !) édition sur support 4k, le chef d’œuvre de Ridley Scott rejoint la nouvelle collection de steelbooks au look vintage que la Warner dédie aux classiques de la science-fiction. Quand on aime, on ne compte pas !
Impossible d’affirmer qu’il s’agit d’un record mais il existe à ce jour pas moins de sept montages différents (et plus ou moins officiels) de Blade Runner. La faute à qui ? À une post-production agitée et reprise en main par des exécutifs paniqués, à une cohorte de fans toujours à l’affut de la moindre seconde de métrage inédite qui pourrait bouleverser le sens et la compréhension du film, au goût avéré de Ridley Scott pour les director’s cut. Le fait est que le film qui sort sur les écrans américains en juin 1982 ne correspond pas vraiment à la vision qu’en avaient son réalisateur et sa star Harrison Ford. La copie de travail (ou workprint) qui circule lors des projections tests inquiète les financiers. Un constat renouvelé lors d’une projection unique d’un montage légèrement alternatif à San Diego. Trop sombre, trop complexe, l’adaptation des « Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » de Philip K. Dick semble promise à un échec sans appel. Sir Ridley est prié de détourner le regard pendant que l’on ajoute une voix-off explicative, que des bouts de scènes suggérant que Deckard soit lui-même un réplicant sont évacués et que l’on bricole un happy-end à partir de chutes de montage du Shining de Stanley Kubrick (!). Moins prudes que les Américains, les européens ont même droit à quelques secondes de violence supplémentaires. Quelques mois après la fin des prises de vues, le public a donc été mis au contact de quatre montages différents. Le network CBS ajoute son grain de sel en 1986 en mitonnant une version censurée (pas de nudité, pas de sang, pas de gros mots) pour la diffusion sur le petit écran. Et de cinq ! Pour les dix ans de Blade Runner, en 1992, un director’s cut est sorti des placards de la Warner. S’il s’estime heureux de pouvoir reprendre la main avec une version plus conforme aux intentions originales, Ridley Scott sait qu’il lui reste encore beaucoup de travail avant d’en avoir fini avec son magnum opus. Il faut attendre 2007 pour que le Final Cut donne pleine et entière satisfaction au cinéaste. Outre une restauration spectaculaire de l’image et du son et d’infimes changements sur le rythme des scènes, Scott obtient de pouvoir corriger quelques plans ratés à l’aide de bidouillages numériques aussi discrets que réussis. Tout beau tout neuf, Blade Runner repart à l’assaut des cinémas et entame une interminable série de rééditions sur tous les supports vidéo existants. Fans et collectionneurs ne savent plus où donner de la tête.
Le miroir de l’âme
Il faut bien se rendre à l’évidence : peu importe le flacon, l’ivresse est toujours là. Le débat entre les partisans de tel ou tel montage enrichit encore davantage le débat autour d’une œuvre passionnante qui nous pose une question fondamentale : qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains ? Avec sa voix-off à la Philip Marlowe, le cut ciné donne à la réflexion une texture très proche d’un film noir « classique » et renforce le simple rôle d’observateur endossé par Rick Deckard. Le happy-end ensoleillé brise la claustrophobie urbaine d’un futur qui se perd entre le réel et l’artificiel mais prolonge en un sens le romantisme de la quête de Roy Batty. A contrario, Ridley Scott réoriente Blade Runner vers la science-fiction métaphysique, onirique même (le célèbre rêve de la licorne), et surtout immersive. Rouage inconscient d’un système absurde, Deckard devient lui-même un point d’interrogation et le final abrupte tombe sur le spectateur comme un couperet. Toutefois et dans les deux cas, le motif visuel récurrent reste les yeux, le regard. Que ce soit au travers des fameux tests de Voight-Kampf, du panorama d’un Los Angeles méconnaissable se reflétant dans les yeux de l’inspecteur Holden, de la scène où Deckard explore une photographie ou de ces fugaces reflets oculaires rouges qui distinguent les androïdes des humains, les yeux deviennent ici littéralement le miroir de l’âme. L’autre idée géniale tient dans l’importance accordée aux souvenirs comme élément capital de la création d’un être aux émotions complexes. Ces thématiques, Ridley Scott les explorera à nouveau grâce au personnage de David (Michael Fassbender) dans les mal-aimés Prometheus et Alien Covenant, la création de Peter Weyland se présentant comme l’héritier misanthrope et nihiliste de Roy Batty (Rutger Hauer), le « vrai » héros de Blade Runner.
Avec sa direction artistique foisonnante, mille fois copiée et intemporelle, ses effets visuels dont la beauté surréaliste continue de mettre en échec toutes les images de synthèse du monde (le fait d’un certain Douglas Trumbull), son casting parfait de bout en bout (Rutger Hauer et Daryl Hannah, bien entendu, mais aussi Sean Young, Joe Turkel et William Sanderson), la musique électronique de Vangelis et des explosions de violence singulières et mémorables, le film de Ridley Scott fait aujourd’hui parti de l’imaginaire collectif, une symphonie noire qui prend aux tripes et nous plonge l’esprit dans un caniveau humide où la fumée se mêle au sang, aux larmes et au vacarme d’un million de silhouettes colorées.
Image
Avant de se répandre en compliments, pointons tout de même la déception de ne pas pouvoir profiter des anciens montages sur support UHD, ces derniers ayant désormais peu de chances d’être réédités autrement que sur un « simple » blu-ray. Peut-être en 2022, pour le quarantième anniversaire du film, qui sait ? Considéré comme définitif par Ridley Scott, le Final Cut se paie heureusement un transfert de très, très haute volée pour son passage à la 4K. Présent en très basse lumière, le grain sait se faire oublier au profit de détails ravivés, de couleurs spectaculaires et de teintes au naturel estomaquant. L’équilibre entre la tenue des noirs et la profondeur de champ rend tout à fait justice à la photographie de Jordan Cronenweth et au style visuel marqué et reconnaissable entre mille de Sir Ridley. La perfection, en toute simplicité.
Son
Le mixage Dolby Atmos, réservé à la version originale, ne tombe jamais dans le piège d’un gonflage artificiel et révisionniste de l’expérience acoustique telle qu’elle fut pensée en 1982. Les effets sont clairement découpés, la musique retrouve l’ampleur souhaitée et les voix se détachent au centre, moins empêtrées dans le brouhaha des scènes de foule. Un cran en dessous, le 5.1 alloué aux autres langues n’en reste pas moins d’une solidité indiscutable.
Interactivité
La première édition en 4K parue pour le 35ème anniversaire en 2017 (et aujourd’hui épuisée) reste à ce jour la plus complète puisqu’elle reprend l’intégralité des suppléments conçus pour le coffret DVD maousse de 2017, avec ses scènes coupées, ses featurettes et la présence de quatre autres montages du film. Le steelbook qui sort ces jours-ci fait office de compromis. Les commentaires audios sont toujours là, de même que la présentation du Final Cut par Ridley Scott dans une courte vidéo introductive. Le making-of pantagruélique de plus de trois heures réalisé par le fidèle Charles de Lauzirika est aussi de la fête mais toujours coincé sur une galette DVD loin des standards actuels de définition et de qualité. Des heures de visionnage en prévision donc, mais rien d’inédit et la frustration de ne pas pouvoir profiter de bonus essentiels. Seul cadeau de cette nouvelle pompe à fric : un poster reprenant l’affiche dessinée par Drew Struzan. Nous sommes faibles, mais faibles …
Liste des bonus
Trois commentaires audio, Introduction au Final Cut par Ridley Scott, « Des Temps Difficiles », le making-of de Blade Runner (214′), Bande-annonce.