BLACK FLIES
Asphalt City – Etats-Unis – 2023
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Jean-Stéphane Sauvaire
Acteurs : Tye Sheridan, Sean Penn, Michael Pitt, Katherine Waterston, Raquel Nave, Mike Tyson…
Musique : Nicholas Becker, Quentin Sirjacq
Durée : 120 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 12 septembre 2024
LE PITCH
Ollie Cross, jeune ambulancier de New York, fait équipe avec Gene Rutkovsky, un urgentiste expérimenté. Confronté à la violente réalité de leurs quotidiens, il découvre les risques d’un métier qui chaque jour ébranle ses certitudes et ne lui laisse aucun répit, …
Jusqu’au bout de la nuit
Troisième réalisation pour le grand écran du français Jean-Stéphane Sauvaire (Johnny Mad Dog), présentée à Cannes en 2023, Black Flies plonge la tête la première dans le quotidien éprouvant des ambulanciers de Brooklyn, confrontés chaque nuit à la violence, à la misère et à la mort. Reposant sur l’interprétation forcément intense du duo Sean Penn / Tye Sheridan, sur une volonté de réalisme parfois suffocante et une mise en image immersive au possible, ce récit initiatique échoue cependant à créer la surprise et à susciter l’émotion attendue.
À l’origine de Black Flies se trouve un roman paru en 2014 et du même titre de Shannon Burke, témoignage quasi-autobiographique sur le métier d’ambulancier à New York durant les années 90. Darren Aronofsky est l’un des premiers à s’y intéresser et fait l’acquisition des droits. Très occupé sur Mother ! puis The Whale, le cinéaste laisse le projet prendre la poussière et finit par le céder à Jean-Stéphane Sauvaire. Installé à New York depuis près de quinze ans, Sauvaire se prend de passion pour l’histoire sombre, violente et tragique d’Ollie Cross et de Gene Rutkovsky, le débutant idéaliste et le vétéran au bout du rouleau. Avec l’aide des scénaristes Ryan King et Ben Mac Brown ainsi que de Shannon Burke lui-même, le cinéaste évacue une matière très bavarde au profit d’une narration nettement plus physique et épisodique, glisse un sous-texte très engagé sur la misère sociale et la fragilité d’un métier sous pression et déplace l’intrigue après les années 2000 sans pour autant insister sur les marqueurs temporels (il faut se contenter d’un bref échange sur le trauma du 11 septembre).
Tourné en 23 jours sous la forme de longs plans séquences au mois de mai 2022, avec un casting mélangeant vedettes respectées (Mel Gibson et Robert Pattinson étaient à deux doigts d’intégrer l’équipe avant d’être remplacés respectivement par Sean Penn et Michael Pitt) et acteurs non professionnels, à quelques encablures seulement du domicile du réalisateur, Black Flies ne trouvent sa forme définitive qu’à l’issue d’un montage harassant. Malheureusement et malgré d’évidentes qualités, le film ne séduit pas le public et la critique se montre pour le moins mitigée. Un échec injuste ? Pas forcément.
Noir, c’est noir
Frontale sans être complaisante, la démarche de Jean-Stéphane Sauvaire est tout à fait louable. Renouant avec une peinture réaliste et crasseuse des rues de la Grosse Pomme, un parti-pris formel de plus en plus rare lorsque l’on connaît les transformations subies par la mégalopole depuis une vingtaine d’années maintenant, Black Flies propose au spectateur une odyssée nocturne aux contours étouffants. Les néons, la pluie, le sang, la pisse et la mort dévorent le cadre et il n’est pas exclu de ressortir complètement groggy de certaines scènes. On pense en particulier à un face à face désespérée et poisseux entre Tye Sheridan et le membre d’un gang autour d’un pitbull qui vient de mordre un enfant ou de la découverte d’un cadavre en état de décomposition avancé dans un appartement en pleine pénombre et au milieu du bourdonnement des mouches. Jean-Stéphane Sauvaire ne ménage pas sa peine pour nous faire ressentir le désarroi de ses personnages, son propos passant par un regard très personnel sur les corps et la gestuelle et par une gestion de l’espace claustro phobique à souhait.
Sur la durée, pourtant, le sérieux du projet finit par jouer en sa défaveur. L’atmosphère dépressive et le matraquage exhaustifs et ininterrompu de tragédies en tous genres (drogues, SIDA, alcool, gangs, SDF, tout y passe) sur un ton monocorde entraîne une lassitude contre-productive.et inévitable. Et bien malin celui qui réussira à se raccrocher à une intrigue un tant soit peu vibrante, le parcours du « rookie » un peu naïf gagné par le cynisme ambiant et la corruption rampante de ses idéaux répondant ici à tous les clichés les plus éculés de ce type de récit. Moins porté sur le symbolisme et la folie douce du superbe et incompris À tombeau ouvert de Martin Scorsese et moins bien raconté qu’un épisode lambda d’Urgences ou de New York 911, Black Flies est certes un essai plus qu’honorable et un hommage sincère au lourd tribut que paie chaque jour les ambulanciers et les urgentistes pour sauver leur prochain. Mais il eut été plus avisé pour Jean-Stéphane Sauvaire de ne pas attendre le générique de fin pour laisser respirer un film bien trop replié sur lui-même.
Image
Porté par des choix esthétiques très tranchés (éclairage aux néons, caméra portée, montage impressionniste et un rendu très cru des visages et des corps) Black Flies propose une expérience délicate à retranscrire sur support vidéo. Fort heureusement, ce transfert s’en tire avec les honneurs et met l’accent sur les textures, les couleurs et la définition avec des contours robustes.
Son
La cacophonie volontaire de la scène d’ouverture, les dialogues, une bande-son abrasive et les atmosphères urbaines : les deux mixages proposés abattent un boulot titanesque à partir d’une source complexe. La vraie démonstration de force est ici acoustique.
Interactivité
Une visite dans un temple bouddhiste et une autre à la morgue, toutes les deux dénuées de dialogues, ne parviennent qu’à meubler très artificiellement la section « scènes coupées ». Mieux vaut se tourner vers une série d’entretiens avec de vrais ambulanciers qui témoignent de leurs conditions de travail en toute franchise et reviennent sur leur poste de conseiller technique veillant au grain de l’ultra-réalisme revendiqué par le film. Dans une interview de près de trente minutes, un Jean-Stéphane Sauvaire très loquace revient sur les origines du projet, le casting, le tournage, son style de mise en scène et la réalité de sa carrière à l’étranger. Passionnant.
Liste des bonus
Témoignage des secouristes, Entretien avec Jean-Stéphane Sauvaire, Scènes coupées, Bande-annonce.