BIG GUNS
Tony Arzenta – France, Italie – 1973
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier, Action
Réalisateur : Duccio Tessari
Acteurs : Alain Delon, Richard Conte, Carla Gravina, Marc Porel, Roger Hanin
Musique : Gianni Ferrio
Image : 1.85 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 113 minutes
Éditeur : Pathé
Date de sortie : 28 juin 2023
LE PITCH
Tony Arzenta, ex-tueur de la mafia, veut se retirer. Mais l’organisation, qui n’accepte pas sa démission, tente de le supprimer et tue, par erreur, sa femme et son enfant. Tony décide de se venger.
Froid comme une arme
Héros du cinéma français et européen, considéré alors comme peut-être LE plus grand acteur du monde, Alain Delon, Le Alain Delon, retourne en Italie pour s’offrir un polar rital âpre et violent à la sauce poliziottesco. Si en 73 l’incartade fait pshiit, Big Guns s’est offert en quelques mois une ressortie salles en copie restaurée et un Bluray classieux.
Etrange que le film n’ait alors pas trouvé son public, redonnant à l’acteur l’occasion de se confirmer (comme il le fera tout au long des années 80) comme un héros de polars noirs et d’actions, alors qu’il était déjà au sommet de sa carrière. Rien de mieux pour refléter sa vision du genre, lui seul anti-héros face à tous, machine de mort et de justesse contre un système dévoué, que le fameux poliziottesco, ce thriller policier italien venant exorciser les démons politiques et civilisationnels des fameuses années de plombs. Mais Big Guns lui emprunte beaucoup plus son décorum cafardeux, son atmosphère fataliste, son environnement criminel que ces rattachements profonds à la réalité italienne d’alors. La grande vendetta de Tony Arzenta, lancé aux basques d’une organisation mafieuse qui a tué sa femme et son fils en tentant de l’éliminer, n’est pas celle d’un pays au bord de la rupture, mais bien d’un seul homme. Un assassin qui espérait enfin prendre sa retraite, se délester de ses armes et retrouver une vie paisible et normale. Comme John Wick quarante-ans plus tard, mais sans chien à la maison. Ici aussi on frôle souvent l’abstraction totale, le film monde dont Alain Delon serait le centre. Centre d’attention, centre de l’action, centre de la violence qui se déploie avec une froideur sidérante.
La vengeance est un plat… qui se mange.
Lui poursuit ses ennemis avec l’immuabilité qu’on lui connait, tandis que les hommes de mains et généraux de la pieuvre (avec quelques salopiauds comme Roger Hanin, Roger Porel ou Richard Conte) sont bien moins économes dans leurs mouvements, ou dans leurs exactions qui tournent souvent à la torture gratuite et au tabassage en règles de pauvres dames. D’ailleurs la meilleure séquence du film, transformant le père de famille en véritable arme de destruction tout au long d’une implacable poursuite en voiture dans les rues milanaises, oppose sans cesse la froideur métallique de Delon à la panique généralisé de ses opposants. L’une des plus belles idées scéniques de Duccio Tessari. Un excellent réalisateur de péplum avec Les Titans, étonnant dans son approche semi-classique du western spaghettis (Un pistolet pour Ringo et Le retour de Ringo), très correct du coté du giallo (Le Papillon aux ailes ensanglantées), il reste cependant un artisan plutôt qu’un auteur. Et il est évident que l’ambition de la star de renouer avec la figure mélancolique et épurée du Samouraï de Melville, fait peser sur ses épaules une pression bien trop lourde. Très efficace dans les aspects les plus musclés, pour ne pas dire bis, du film, avec une violence sèche et percutante, une spatialisation maitrisée dans les poursuites, des ambiances sombres et lourdes, il ploie constamment sous le poids « Alain Delon », taiseux, qui confond clairement l’économie de jeu et d’émotion avec une impassibilité parfois déroutante et un détachement presque obscène pour un homme censé être en deuil.
Un film tiraillé entre sa volonté de pur divertissement italien et les velléités d’auteur de sa tête d’affiche qui ne peut s’empêcher de jouer à nouveau les martyrs sacrifiés dans un dernier plan, lui aussi, un peu maladroit.
Image
Sublime et luxueuse restauration pour Big Guns héritée d’un tout nouveau scan 4K des négatifs originaux et d’un nettoyage en règle de chaque image. Le résultat est éclatant de sérieux et de fidélité, ne venant jamais suppléer à une image à l’origine volontairement terne et tirant vers le grisâtre. Tout est dans les nuances justement avec des couleurs aux variations enfin bien palpables et aux matières rugueuses omniprésentes. Le grain très marqué ou les effets vaporeux n’atténuent jamais la fermeté de la définition et l’inattendu relief des cadres.
Son
Version italienne et française mono sont séparées, chacune attachées à son propre montage. Les deux se montrent tout à fait claires et solides, nettes et sans bavures, avec un rendu assez brut tout à fait dans le ton. Le DTS HD Master Audio 2.0 assure bien entendu une énergie plus ferme. A noter qu’Alain Delon s’est postsynchronisé lui-même dans les deux langues.
Interactivité
Le vrai gros évènement de cette édition HD de Big Guns est la présence pour la première fois hors Italie de la version longue du film. Une petite dizaine de minutes supplémentaires accentuant souvent la violence de l’action, la cruauté générale, replaçant une séquence érotique très « exploitation », et disséminant quelques plans plus longs un peu partout tout au long du visionnage. Cette dernière est bien entendu présentée dans une restauration 4K identique au montage français.
Au DVD du film, un autre DVD s’ajoute. Celui contient une triple interview avec Nicolas Pariser (réalisateur du Parfum vert), Jean-François Rauger (Le Monde) et Laurent Chollet (éditeur et auteur). Un montage alterné qui vient reconstituer les origines du film, les raisons de son échec en salle, la place d’Alain Delon dans le cinéma italien et français de l’époque, mais aussi qui retrace les carrières du reste de l’équipe et qui discute sobrement mais précisément les qualités et particularités du film. Entre connaisseurs du bis italien et fan inconditionnel d’Alain Delon, le dialogue à distance reproduit finalement la dichotomie du film.
Liste des bonus
Entretiens autour du film avec Nicolas Pariser, Jean-François Rauger et Laurent Chollet (38’).