C’est effectivement un petit film curieux que ce Bernie (rien à voir avec la farce furieuse de Dupontel) inspiré d’une véritable affaire criminelle qui marqua les esprits, en particulier texans, aux débuts des années 90 : un brave garçon et thanatopracteur appliqué, connu pour sa gentillesse et pilier de la communauté de Carthage, aurait assassiné de trois coups de fusils la plus riche dame de la ville. Un True Crime où déjà les positions d’affection sont inversées, lui figure apprécié de tous pour sa générosité, sa bienveillance et sa bonne humeur, elle (interprété par l’imparable Shirley McLane), détestée pour son caractère acariâtre, ses remarques cinglantes, ses jugements assassins, de toute façon définitivement brouillée avec toute sa famille. Deux personnages que tout oppose et qui pourtant se seront rapprochés, seront partis en vacances ensemble, vivaient quasiment 24/24 l’un à coté de l’autre, tout d’abord dans une belle fable sur l’amitié rédemptrice avant qu’une relation maladivement possessive et oppressive ne se mette en place et pousse le brave garçon à l’irréparable.

Justice personnelle

Malin, Richard Linklater toujours en quête d’une réinterprétation de la fiction (voir Fast Food Nation, Boyhood ou la trilogie romantique « Before ») va alors justement jouer avec les codes du documentaire criminel mariant judicieusement de la pure fiction reconstituée (et fortement réinterprétée) et de nombreux insères documenteurs joués par de véritables texans et parfois même quelques véritables habitants de la ville, dans lesquels ils re-racontent les évènements par les regards biaisés des bons voisins et leurs commérages. C’est que l’opinion public, la réputation et les ragots véhiculés par les uns et les autres auront totalement pris le pas sur la vérité ici, obligeant même le procureur (Matthew McConaughey le chapeau de cowboy vissé sur le crâne) à délocaliser le procès pour espérer un minimum d’impartialité. Effectivement, impossible d’en vouloir à cet attachant Bernie, maniéré, précieux et toujours souriant, la main sur le cœur, amoureux des comédies musicales (qu’il pratique avec talent), d’autant plus qu’il est interprété par un Jack Black bien plus contenu que dans Rock Academy (sa précédente collaboration avec le metteur en scène) mais définitivement irrésistible et réjouissant. Bernie n’est donc pas une comédie à gros sabots, mais une chronique subtile, toujours sur le fil de l’ironie, de l’émotion douce-amère, d’une curieuse tendresse, qui n’empêche certainement pas un regard d’une rare justesse sur la subjectivité du jugement de la populace et sa relation toujours débattue avec la justice.

Une douce satire qui s’amuse de ce petit théâtre tragique, de cette vérité inaccessible, et de la complaisance de ces « braves gens » pour une figure connue et réputée. Bernie c’est un peu cette star du coin à qui on pardonne tout, héros d’un film curieux qui se refuse à prendre partie.