BELLISSIMA
Italie – 1951
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Luchino Visconti
Acteurs : Anna Magnani, Walter Chiari, Tina Apicella, Gastone Renzelli, Alessandro Blasetti, Tecla Scarano…
Musique : Franco Mannino
Durée : 115 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Italien DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Les films du Camélia
Date de sortie : 5 juin 2024
LE PITCH
Une femme pauvre de Rome rêve pour sa fille d’une étincelante et lucrative carrière au cinéma. Elle n’hésite pas à dépenser les maigres économies de son ménage, et même l’harmonie familiale, pour que sa fille soit choisie parmi des centaines d’autres pour être la vedette du prochain film d’Alessandro Blasetti. Mais après un certain nombre de désillusions, ses yeux vont s’ouvrir sur la réalité du monde du spectacle.
Au nom d’Anna
Fable amère sur le milieu du cinéma italien et somptueux portrait de femme, Bellissima, sorti en 1951, marquait la rencontre entre deux géniales figures du cinéma italien, le cinéaste néo-réaliste Luchino Visconti et La Magnani, la plus grande actrice italienne d’alors.
Trois années après le « docufiction » La Terre tremble sorti en 1948, qui souffrit d’une sortie mouvementée et d’un échec commercial, Visconti renouait avec le succès avec Bellissima. Ce film fut également l’occasion pour le réalisateur de pouvoir enfin diriger Anna Magnani. En effet, l’inoubliable Pina de Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini, n’avait pu tourner dans le premier film de Visconti, le manifeste néo-réaliste Les Amants diaboliques sorti en 1943, en raison d’une grossesse.
Pour ses retrouvailles avec La Magnani, incarnation de la femme italienne forte et indépendante, Visconti lui offre un film à sa mesure. Omniprésente à l’écran, volubile, passant par toutes les émotions, l’actrice délivre ici une de ses nombreuses interprétations marquantes. Totalement investie dans son rôle, elle ira jusqu’à improviser certaines séquences notamment ses larmes douloureuses et son appel au secours, lorsqu’elle perdra ses illusions sur le milieu du cinéma.
Comme l’avoua plus tard Visconti : « L’histoire était vraiment un prétexte. Le vrai sujet, c’était Anna Magnani. Je voulais faire avec elle le portrait d’une femme, d’une mère moderne, et je crois l’avoir assez bien réussi, parce qu’Anna Magnani m’a prêté son énorme talent, sa personnalité. C’est cela qui m’intéressait. »
L’envers du décor
Si la figure d’Anna Magnani peut en effet résumer à elle seule un film tirant par bien des aspects sur le mélodrame, Visconti n’en oublie évidemment pas de dresser un autre portrait, celui de la Rome ouvrière et pauvre de l’après-guerre, ainsi que celui, peu aimable, du cinéma italien personnifié ici par les studios de Cinecittà où se déroule la première partie du film.
Malgré les avertissements de son mari qui ne comprend pas la passion de sa femme pour le Septième Art, Maddalena ira donc jusqu’à traîner sa fille Maria dans les griffes d’un milieu tentaculaire et labyrinthique, où les arrangements et les « recommandations » s’avèrent obligatoires pour espérer un rôle. Transférant son rêve d’actrice sur la personne de sa fille, Maddalena se fera piéger et verra son enfant humilier par un milieu qui ne pourra jamais être le sien et ne restera qu’une chimère. Peu connu dans nos contrées, Walter Chiari (excellent dans Les Femmes des autres de Damiano Damiani) campe ici à merveille le séducteur patenté et l’escroc de pacotille lorgnant ses futures « victimes » à la sortie des castings. On retrouve également avec plaisir dans son propre rôle le cinéaste Alessandro Blasetti, l’un des fondateurs du néo-réalisme et grande figure du cinéma populaire italien.
Satire ironique sur les illusions de la société du spectacle, et plus largement de la société capitaliste, autant qu’un admirable portrait d’une femme prolétaire porté par l’immense talent d’Anna Magnani, Bellissima reste une œuvre à part dans l’exceptionnelle filmographie de son auteur. Saluons donc cette sortie en HD du film, et la nouvelle activité des Films du Camélia, auparavant spécialisés dans la distribution, qui lancent avec Bellissima une collection, Dolce Italia, à suivre de très près.
Image
Réalisée en 2023 par la Cineteca Nazionale de Rome, la restauration 4K du film fut effectuée à partir du négatif original. Difficile de faire la fine bouche notamment si on compare cette édition au DVD sorti chez Films sans frontières en 2011. Les cadres sont stables et l’image se dévoile sans défaut. Toutefois, on regrettera un grain argentique quelque peu évanoui et une colorimétrie guère optimale.
Son
Le Master Mono est efficace, les dialogues parfaitement clairs et le mixage de la BO rend grâce au talent de Franco Maninno. A noter que seule la version originale est proposée, avec ou sans sous-titres.
Interactivité
Depuis 2022, Les Films du Camélia ont lancé leur activité d’édition Blu-Ray et DVD avec des sorties aussi marquantes que l’invisible The Appointment ou le superbe coffret consacré à Dario Argento. Ces éditions se dotent de plus d’un travail éditorial de qualité comme le prouvent les bonus ici présents.
Le (très) court-métrage d’animation de Sarah Saidan est une belle curiosité rendant hommage au film et renforçant la désillusion de La Magnani. Justement, le documentaire consacré à l’actrice romaine, la « Mamma Roma », est le point culminant des bonus proposés. Composé d’images d’archives, d’anciennes interviews (dans un français irréprochable) et de témoignages de personnalités comme Fellini, qui s’avoue intimidé par l’actrice, La passion d’Anna Magnani est un petit bijou nous donnant envie de redécouvrir les nombreuses réussites de l’actrice comme La rose tatouée que Tennessee Williams adapta au cinéma uniquement pour avoir l’actrice au générique.
Enfin, Gian Luca Farinelli, directeur de la Cinémathèque de Bologne et directeur du festival Il Cinema Ritrovato, revient, en français, sur les carrières de Visconti et Magnani, et rappelle le contexte du film.
Liste des bonus
Entretien avec Gian Luca Farinelli, directeur de la Cinémathèque de Bologne et directeur du festival Il Cinema Ritrovato (2024, 23’) ; « La Passion d’Anna Magnani » : documentaire d’Enrico Cerasuolo (2019, 52’) ; « Bellissima » : court métrage d’animation de Sarah Saidan (2019, 1’10”) ; Bande-annonce.