BAYAN KO
Bayan Ko : Kapit Sa Patalim– Philippines, France – 1984
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Lino Brocka
Acteurs : Philip Salvador, Gina Alajar, Venchito Galvez, Louella…
Musique : Jess Santiago
Durée : 110 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Tagalog DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français et anglais
Éditeur : Le Chat Qui Fume
Date de sortie : 30 novembre 2021
LE PITCH
Tuning, un ouvrier imprimeur philippin, et sa femme attendent un enfant mais vivent dans la misère. Tuning s’engage alors à ne participer à aucune grève, afin d’assurer son maigre salaire. Mais lorsqu’un mouvement social éclate, le couple se retrouve plus esseulé que jamais.
Hold-up Mental
Le Chat qui fume continue son exploration du cinéma sous tous ses genres (et pour notre plus grand plaisir, surtout le Bis) et prend cette fois un détour par le film d’auteur et pas n’importe lequel, le film d’auteur sélectionné au festival de Cannes.
Mais que les aficionados des séries B des collections du chat qui fume se rassurent, que ce soit dans sa conception, son message ou le public visé, Bayan Ko reste un film bien plus populaire que ceux normalement présentés à Cannes. À première vue, la filmographie abondante de son réalisateur, Lino Brocka, laisse penser que l’homme est avant tout ce qu’on pourrait appeler un « mercenaire de studio ». En 20 ans, de ses débuts dans les années 70, à sa mort prématurée (dans un accident de voiture) en 1991, Brocka a touché à tout et a, à son actif, une cinquantaine de réalisation, qui vont du cinéma au théâtre, en passant par la télévision. Une carrière fertile qui ne lui valut pas tout le temps les honneurs des critiques Philippines, qui ne voyaient en lui qu’un simple faiseur.
Et si tous ses films ne furent pas des chefs d’œuvres, le réalisateur avait une vision et une conception du cinéma finalement assez fine, voire révolutionnaire, puisqu’il n’hésitait pas à accepter n’importe quelle commande à succès pour pouvoir financer des projets personnels et très politiques, auquel ses succès précédents lui garantissaient un public prêt à être cueilli. Une manière de faire qui lui valut de nombreuses arrestations et emprisonnements, la dictature philippine de l’époque étant particulièrement répressive. Et c’est dans ce contexte politique extrêmement tendu que née l’histoire de Bayan Ko, dont le tournage et la post-production seront fait dans l’urgence la plus totale.
Mon pays va craquer
Une urgence qui apparait dès l’ouverture du film puisque la manifestation montrée en introduction n’est pas mise en scène, c’est une vraie marche dans laquelle Lino Brocka a tourné des plans clandestinement et qu’il a intégré en parallèle aux plans de présentation de son personnage principal, Turing, filmé à part. Cette séparation, nécessaire sur un plan logistique, l’est aussi narrativement, Turing sera effectivement, tout au long de la première partie du film, à part des évènements qui secouent le pays et qui seront incarner par la situation de crise de l’usine où il travaille. Un lieu de travail au bord de l’explosion dans laquelle les ouvriers se préparent à une grève à grande échelle par suite de conditions de travail intenables. Turing, bien que partageant les opinions de ses collègues, refuse de les rejoindre dans leur lutte puisqu’il a besoin de son salaire pour payer les frais d’hôpitaux de sa femme sur le point d’accoucher. Un refus qui lui vaudra d’être considéré comme un traitre par ses pairs.
Une première moitié de film qui peut faire penser au cinéma d’Elio Petrie dans sa description des luttes de classes et de la vie ouvrière sans pour autant oublier de montrer des moments de vie plus légers (et s’autoriser à rire avec ses personnages), qui va glisser dans sa deuxième partie vers un autre cinéma tout aussi social, celui de Sydney Lumet et de ses personnages mis au pied du mur, qui n’ont plus d’autre choix que celui de la violence pour alerter de leur situation. Le film se transforme alors en thriller en même temps que son héros se retrouve pris par le temps et que la violence qui secouent le pays semble être prête à déborder dans chaque cadre. Et même si le tournage qu’on imagine problématique n’a surement pas pu permettre à Brocka de peaufiner sa réalisation tel qu’elle aurait dû l’être (le film est pratiquement tourné avec la même focale tout le temps, ce qui peut le rend monotone sur la durée) l’énergie et la véracité qui l’anime fait de Bayan Ko un authentique témoignage à vif, au cœur d’un pays en pleine révolution.
On peut donc remercier Le Chat Qui Fume pour cette ressortie et ce remaster qui nous permet d’avoir accès dans les meilleures conditions à un morceau d’Histoire, et de cinéma qui résonne toujours actuellement.
Image
On ne peut qu’applaudir les efforts fait pour la remasterisation de Bayan Ko qui a bénéficié d’un nouveau master numérisé en 5K et restauré en 4K pour cette édition. L’image fait peau neuve et la copie garde le grain argentique d’origine qui conserve les détails de l’image et rend honneur aux contrastes de couleurs très marqués, comme le rouge, le jaune et le gris lors des séquences de manifestations. Un vrai plaisir pour les yeux.
Son
Une seule piste disponible, la version originale en tagalog, qui utilise mixage DTS Master audio HD 2.0. Le rendu est tout à fait convenable, l’équilibre entre dialogues, ambiance sonore et piste musicale est parfaitement rendu et aucun n’empiète sur l’autre.
Interactivité
Le Chat Qui Fume a tourné spécialement pour cette édition une interview d’une heure de Bastian Meiresonne, spécialiste du cinéma asiatique, qui revient pour nous sur la carrière de Lino Brocka et la place de Bayan Ko dans sa filmographie ainsi qu’une analyse du film. Un bonus passionnant tant elle regorge d’anecdotes sur la carrière du réalisateur et la situation politique du pays à l’époque. On retrouve ensuite deux interviews d’époque, une de Véra Belmont, la productrice du film et une de Lino Brocka, malheureusement toutes les deux très courtes.
Liste des bonus
Entretien avec Bastian Meiresonne (60’), Interview Véra Belmont (8’), Interview Lino Brocka (2’).