BARTON FINK
Etats-Unis – 1991
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Joel Coen
Acteurs : John Turturro, John Goodman, Steve Buscemi, Judy Davis, Michael Lerner, John Mahoney, Jon Polito…
Musique : Carter Burwell
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 116 minutes
Editeur : L’Atelier d’Images
Date de sortie : 15 octobre 2024
LE PITCH
New York, 1941. Auteur engagé ayant rencontré le succès à Broadway, Barton Fink attire désormais l’attention d’Hollywood. Sollicité pour écrire un scénario sur le catch, il quitte la grisaille new-yorkaise pour les fastes du cinéma. L.A. s’entiche de Barton Fink qui découvre l’angoisse de la page blanche. Avec l’aide de son assistante Audrey et de son aimable voisin Charlie Meadows, il trouve l’inspiration qu’il recherche dans un registre des plus sinistres…
Le mot et l’idée
Quatrième opus des frères Coen, Barton Fink s’impose comme un parfait condensé de leur œuvre si originale et décalée. Réflexion brillante sur l’univers du cinéma et de ses chimères, ce film épate au plus haut point.
Pétri d’influences et d’inspirations, le script traite du cauchemar absolu de tout(e) scénariste : l’horreur de la page blanche. Reclus dans sa chambre d’hôtel, Barton Fink (fébrile John Turturro) va vivre une série d’évènements angoissants et déstabilisants au possible. Pressurisé par un ponte hollywoodien, amateur de gros cigares et d’ultimatums stressants, l’auteur fraîchement débarqué de la Côte Est tâtonne au cœur d’un monde régi par l’imaginaire et les illusions. Tout juste « largué » par sa muse, Barton Croise la route de personnages loufoques et insaisissables, parmi lesquels un écrivain alcoolique tout droit sorti d’un roman de Faulkner et sa charmante assistante qui trépassera après une nuit d’amour dans les bras de Mr. Fink. Reste à élucider un mystère : sommes-nous dans le vrai ou en plein rêve ?
Bizarre, Bizarre
Cet aspect fantomatique et surréaliste, régissant tout le film, est d’abord caractérisé par l’espace. L’hôtel où loge Barton Fink est à la fois miteux et grandiloquent. Il s’y passe des choses étranges, impalpables. Seul devant sa machine à écrire, Fink perd peu à peu le fil, sombre dans les tréfonds de la psyché, de l’inconnu, du mystère pur régissant toute création artistique. Autour de lui, les meurtres se multiplient. Qui les commet ? Est-ce lui ? Et qui diable est ce voisin à la bonhomie inquiétante (hypnotique John Goodman) qui, chaque nuit, toque à sa porte ? Plus les séquences défilent, plus le spectateur est perdu, tiraillé entre la vérité et la fiction, le concret et l’illusoire. Deuxième point donc : la caractérisation des personnages. Tous les êtres rencontrés par Fink semblent des artéfacts issus du subconscient torturé de Barton. Il s’agit de silhouettes ectoplasmiques, indéfinies et archétypales. Des individus dont on ne sait pas tout. Des créatures en pointillé…
Un noir si lumineux
Issus du circuit indépendant, Joel et Ethan Coen remportèrent, pour ce long-métrage, la Palme d’Or cru 1991. Célébré par la critique, Barton Fink leur a littéralement ouvert la voie. Devenu « bankable », le duo de frangins scénaristes-cinéastes-producteurs expérimente ici ce qui fera le sel de leur cinéma : un inclassable magma d’humour noir, d’épouvante larvée, de thriller loufoque mâtiné de psychanalyse. Barton Fink ne ressemble à rien, si ce n’est à un film des Frères Coen. Férus de littérature, les deux iconoclastes s’inscrivent dans la lignée des grands auteurs du roman noir et des empereurs du Septième Art. On songe, comme évoqué précédemment, à Faulkner, mais aussi à Jim Thompson, Fitzgerald, Kafka (pour le basculement dans l’absurde), aux maîtres du fantastique (Burroughs, Lynch, Cronenberg façon Festin Nu, le Shining de Kubrick) ou aux rois du « cartoon ». Un coup, on frissonne, l’autre, on s’esclaffe à gorge déployée. On est surtout sonnés quand, lors des toutes dernières séquences, Barton Fink recouvre enfin l’inspiration et que la Cité des Anges se mue en enfer. Une folie luciférienne s’empare alors des interminables couloirs de l’hôtel « jungien ». Et cette déflagration, ahurissante de virtuosité déchaînée, consume la pellicule, nous brûle littéralement la rétine.
Image
Universal, le détenteur des droits, n’a toujours pas l’air décidé à retravailler le film comme il se doit et lui offrir une véritable restauration qualitative. L’Atelier d’images se voit donc contraint de reprendre ici le même master HD, conçu à partir d’une source vidéo plus ancienne, déjà croisé sur le Bluray sorti il y a une bonne dizaine d’années. Ce n’était déjà pas particulièrement impressionnant alors, cela ne l’est pas plus aujourd’hui avec des petites scories encore visibles, des matières effacées et fluctuantes, des effets de lissages bien visibless et une définition trop douce. Quelques gros plans relèvent le niveau, les couleurs restent agréables et le tableau d’ensemble est confortable mais tout cela manque cruellement de finesse.
Son
De très bonne qualité, les pistes sonores stéréo ont bien mieux traversé les années que l’image, et assurent une restitution ferme et équilibrée. Forcément la version originale se dote d’échos plus naturels, avec un relief mieux marqué dans les effets et la dynamique des dialogues, mais le doublage français ne démérite, pas trop.
Interactivité
Là où cette nouvelle édition de Barton Fink par L’Atelier d’images fait la différence, c’est sur son apport éditorial. Présenté sous la forme d’un élégant médiabook, elle propose déjà un livret très complet d’une trentaine de page reproduisant quelques articles publiés dans Positif en 1991 (avec analyse du style des frères Cohen et du film plus précisément) dont une longue et passionnant interview des deux auteurs, suivie par celle de leur acteur.
Du coté des bonus vidéo, l’éditeur a enregistré une longue présentation signée N.T. Bingh, journaliste au fameux magazine de cinéma, qui revient sur les origines du projet, sa réception à Cannes qui contraste avec le peu d’engouement du public, puis qui explore la réappropriation d’une certaine identité hollywoodienne ou le rapproche de quelques motifs de Shining. L’édition enchaine ensuite avec des entretiens produit en 2017 par l’américain Kino Lorber. On y retrouve l’acteur Michael Lerner, interprète du producteur Lipnick, qui parle essentiellement de son jeu et de son personnage, John Turturo qui se remémore une expérience toute particulière et revient sur sa relation toujours forte et profonde avec les frères Cohen, avant de finir par un dialogue croisé avec le compositeur Carter Burwell et le monteur son Skip Lievsay, eux aussi de très grands habitués du cinéma des frangins.
L’édition se conclue avec une poignée de scènes coupées, qui se révèlent plus proches de dialogues alternatifs ou légèrement rallongés, et qui effectivement ne manquent pas au montage final.
Liste des bonus
Un livret (32 pages), « Le film le plus énigmatique des frères Coen » par N.T. Binh, Positif (28’), « La Souris et le lion » : Entretien avec Michael Lerner (16’), « La Sensibilité de Barton Fink » : Entretien avec John Turturro (14’), « Le Son dans la tête de Barton Fink » : Entretien avec Carter Burwell (20’), 9 scènes coupées (13’), Bande-annonce.