BALADA TRISTE
Balada triste de trompetta – Espagne – 2010
Support : Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Alex De la Iglesia
Acteurs : Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang, Manuel Tallafe, Santiago Segura…
Musique : Roque Baños
Durée : 107 min
Image : 2.35 16/9
Son : Espagnol et français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : Extralucid Films
Date de sortie : 21 novembre 2021
LE PITCH
Espagne, 1937. Pendant que la Guerre Civile espagnole fait rage, un cirque ambulant tente de survivre. Pendant cette période tragique, deux clowns vont s’affronter jusqu’à la mort par amour pour une belle acrobate.
La monstrueuse parade
Après une parenthèse télévisuelle concluante (le terrifiant La chambre du fils) et une tentative infructueuse de percer à l’internationale (le trop sage Crimes à Oxford), le plus fou et talentueux des cinéastes européens revient en terre ibérique, plus enragé et virtuose que jamais. Le résultat ? Un chef-d’œuvre subversif et radical, dont la portée symbolique et émotionnelle n’a pas finit de vous hanter. Olé !
Dès son premier long, le totalement anarchiste Action mutante, De La Iglesia aura eu à cœur de s’attacher aux marginaux de tous poils, rebus d’une société fondée sur l’apparence, satanistes rebelles aux autorités, saltimbanques déconnectés du monde réel et autres victimes du consumérisme ambiant. Volontiers provocateurs, violents, parfois bêtes et toujours méchants, les films du cinéaste semblaient jusque-là n’être que le reflet d’une vision particulièrement désenchantée du monde moderne. C’était sans compter une émotion à fleur de peau, caractéristique de tous les grands sensibles, qui ne pouvait s’épanouir que dans la folie et la déraison. Dixième film de De La Iglesia, Balada triste ne déroge pas à la règle. Mieux, il semble en être un aboutissement total. Car en mêlant son intrigue à la grande Histoire de l’Espagne, le cinéaste ne fait pas que conter l’un de ces récits déjantés dont il a le secret. Profondément en colère contre son pays, son histoire et ses contradictions, Ale De La Iglesia le montre comme un concentré de folie n’attendant que l’explosion, la symbolique du clown joyeux et du clown triste, de plus en plus inhumains et défigurés, accentuant la violence du propos. Excessivement sombre dans ses passages drôles, excessivement violent dans ses accès de démence pure, Balada triste s’impose comme le cri de désespoir d’un homme qui ne comprend plus ses compatriotes, et cherche dans le pétage de plomb un salut qui ne viendra jamais.
« un payaso con un machete »
Un tel radicalisme du propos, une telle subversion des symboles, ne peut fonctionner que si la forme se joint à la fête. De plus en plus virtuose dans sa mise en scène (800 balles et surtout Le Crime farpait le montraient déjà avec virulence), Alex De La Iglesia se permet d’emballer son exutoire avec une habileté qui laisse pantois. D’une scène de guerre rageuse à un climax qui doit presque tout au gros Hitchcock, l’incroyable facture technique du film permet paradoxalement au cinéaste d’y inscrire tout son cœur, toute son émotion. Par un discours à la fois pessimiste et amusé, De La Iglesia fait le constat de son ambition personnelle, de ses envies de cinéastes et de ses réflexions d’auteur. Réincarné par deux fois dans la figure d’un clown devenu fou, le cinéaste semble regretter son statut d’amuseur public (il reste un réalisateur de comédies pour la plupart des spectateurs), tout en affirmant ne savoir rien faire d’autre. Qu’il soit armé d’une machette (image terrifiante de Santiago Segura au début du film) ou qu’il annonce que sans les fards, il serait devenu un assassin, la figure du clown permet au réalisateur de se dévoiler comme jamais, dans un acte autodestructeur et suicidaire que la fin du film ne viendra pas atténuer ; bien au contraire.
A la fois comédie noire, film d’amour fou, pamphlet virulent et hommage à ses maîtres (Hitchcock, donc, mais aussi Tod Browning), Balada triste s’impose comme le film le plus complet de De La Iglesia. Un pur joyau explosif, qui sous ses airs de délire absolu n’oublie jamais de se poser les bonnes questions. De La Iglesia est de retour, plus enragé que jamais. Et honnêtement, ça fait un bien fou !
Image
L’image est d’une certaine façon toute aussi brutale et marquante que le film. Avec cette précision constante, limite surréaliste, qui laisse apercevoir la moindre variation de blanc sur la peau, les petites zones brûlées (dans le final) et la lumière qui brille dans les yeux de Carolina Bang, on se croirait presque dans un conte naturaliste. Une superbe copie donc, d’une propreté éclatante, qui jouit de couleurs fortes et vivaces et de noirs pointus. La même copie en somme que l’ancienne galette M6 vidéo où la nécessité d’un passage à la 4K (comme Le Jour de la bête et Perdita Durango) ne se fait pas trop ressentir.
Son
Ici c’est DTS-HD Master Audio 5.1 pour tout le monde, et dans des amplitudes extrêmement proches qui plus est. L’oreille fera forcément préférer la piste espagnole qui joue admirablement avec les effets de montage et la mise en scène jubilatoire de La Iglesia. Extrêmement dynamique, parfois très musclé mais souvent serein et très délicat dans son utilisation des différents canaux, le mixage accompagne à la perfection ce spectacle étonnant.
Interactivité
Faisant tristement partie de la longue liste des bluray défectueux produits il y a une dizaine d’année (M6 Vidéo, TF1 Vidéo et Wild Side Video sont principalement touchés), Balada Triste refait un tour de piste sur support physique grâce à Extralucid. Et au passage on y gagne un superbe digipack au design inédit.
Certains pourraient pester de prime abord en observant la disparition des bonus autrefois proposé chez M6 Vidéo, mais ce serait vite oublier à quelques points ces derniers manquaient cruellement d’intérêt et de réelle pertinence. Les segments promos sont donc désormais remplacés par deux suppléments maison. Le premier est une nouvelle interview du cinéaste, qui explore à la fois le melting-pot référentiel de son film, son romantisme et sa forte teneur politique. Enregistré au Festival Cinespaña, le second item est l’intégralité de la conférence enregistrée par Álex de la Iglesia et son scénariste Jorge Guerricaechevarría. 1h40 certes un peu rallongée par le temps de traduction, mais qui restent tout de même très denses, traversant l’intégralité de la filmographie du duo, agrémenté de souvenirs des premiers tournages en mode guérilla (et logements dans des locaux insalubres), de souvenirs de jeunesse et autres évocations cinéphiliques. Un moment bien sympa et intéressant.
Liste des bonus
Entretien exclusif avec Álex de la Iglesia (17′), Rencontre avec Álex de la Iglesia et Jorge Guerricaechevarría au Festival Cinespaña (107′).