BABA YAGA
Italie, France – 1973
Support : Bluray
Genre : Fantastique, Erotique
Réalisateur : Corrado Farina
Acteurs : Carroll Baker, George Eastman, Isabelle De Funès, Ely Galleani…
Musique : Piero Umiliani
Durée : 79 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Italien en DTS-HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 20 novembre 2021
LE PITCH
À Milan, dans les années 1970, la photographe de mode Valentina Rosselli croise un soir dans la rue une femme belle et mystérieuse, tout de noir vêtue, répondant au nom étrange de Baba Yaga. Cette rencontre engendre chez Valentina des rêves bizarres où se mêlent luxure et sadomasochisme, puis des incidents inexplicables provoqués par son appareil photo, sur lequel Baba Yaga semble avoir jeté un sort. Peu à peu, cette dernière parvient à tenir la jeune photographe sous son emprise, et seul son ami Arno Treves paraît en mesure de la délivrer du pouvoir maléfique de la sorcière.
Ciao Valentina !
Seule et unique adaptation à l’écran de l’œuvre de Guido Crepax, Baba Yaga retrouve l’univers fantasmatique de l’auteur tout en se rapprochant des délires psychédéliques des films fumetti de l’époque. Une fantaisie étrange, où la moderne Valentina croise le chemin de la célèbre sorcière Baba Yaga pour un mariage pop & gothique.
Grand nom de la BD italienne et précurseur dans le fond et la forme de l’explosion du medium dans les années 70, Guido Crepax s’est fait un nom en adaptant de nombreuses œuvres littéraires allant du classique Dracula aux aventures d’Emmanuelle, sans oublier plusieurs explorations des textes sadiens, mais aussi en imaginant dès 1968 la belle Valentina, qui connaîtra des aventures jusqu’à la fin des années 90. Une jeune photographe longiligne aux airs de Louise Brooks, une femme indépendante nageant dans le bain des revendications politiques et féministes de son époque, qui justement à tendance à se perdre joyeusement autant dans ses propres rêves que dans l’exploration de ses sens. Par son ton résolument libre et sa construction graphique, avant-gardiste et expérimentale, la série Valentina devient rapidement une œuvre culte qui se doit d’être adaptée au cinéma. Pas forcément le cinéaste le plus connu en provenance d’Italie, ayant connu un premier échec commercial avec sa tentative de modernisation vampirique dans Hanno cambiato faccia, Corrado Farina est cependant un fin connaisseur de l’œuvre originale et un authentique passionné de bande dessiné qui en a déjà exploré les contours dans une poignée de courts métrages documentaires (présent dans la section bonus ça tombe bien).
Sweet 70’s
Il se montre ainsi particulièrement fidèles aux planches de l’artiste, en reprenant très souvent les dialogues alambiqués aux références érudits ou gorgées d’analyses politiques de son temps (clairement plus portés sur la gauche et l’anarchisme), mais aussi et avant tout le cadrage et les enchaînements de cases. Le fondu et la fluidité des illustrations de Crepax se découvrent un mouvement réel, de légers travellings langoureux, des appositions plus heurtées, mais toujours avec cette alternance entre le fantasme langoureux, voir lancinant, et les accélérations plus pop sur fond de musique jazzy. Des rêves érotiques légèrement SM de Valentina à ses rencontres avec une évocation presque giallesque de la sorcière russe Baba Yaga, la mise en scène de Corrado Farina retrouve parfaitement l’exubérance et les errances vaporeuses de la bande dessinée. Formellement assez fascinant, Baba Yaga ne possède pas forcément un scénario aussi excitant qu’on l’aurait voulu. Croisement casse-gueule, et pas toujours compréhensible, entre la chronique sentimentale façon Nouvelle vague et le roman photo niaiseux, mais sans une once de l’ironie d’un Godard (pourtant cité dans le film), le récit peine à passionner malgré la mise en place d’un triangle d’attraction particulièrement prometteur entre les trois personnages féminins. Valentina d’un côté forcément, s’offrant la petite tête d’oiseau d’Isabelle De Funès (nièce de, à la carrière éclair), de l’autre la tentatrice Baba Yaga cachant la sculpturale Caroll Baker (alors en pleine phase italienne) sous sa cape… et au milieu la jolie et pulpeuse mannequin profitant des charmes d’Ely Galleani (Le Venin de la peur), victimes des sortilèges et désirs saphiques, des deux autres. Aux côtés de toutes ces dames, et de cette symbolique, le pourtant imposant George Eastman manque parfois presque d’arguments.
Étonnant délire pop et sensuel reposant essentiellement sur ses explorations visuelles et son atmosphère onirique Baba Yaga pourrait être le versant adulte et « auteur » de ces fameux films fumetti au milieu desquels trône le génial Danger Diabolik de Mario Bava. Des images hypnotiques, mais une expérience qui peut aussi se révéler quelque peu hermétique.
Image
Encore un transfert de très bonne qualité pour Le Chat qui fume, qui nous gratifie ici d’un master HD généreusement nettoyé de la moindre imperfection. Les cadres sont parfaitement propres et stables, les teintes peut-être un poil trop ternes, restent joliment contrastées, les noirs profonds et la définition générale se montre des plus solides. Pas grande chose à reprocher ici.
Son
Seule la version originale italienne est proposée. Une piste sonore disposée dans un DTS HD Master Audio 2.0 qui respecte à la ligne le mono d’origine, sobre, claire et frontale. Quelques effets de saturation et de chuintements se font parfois entendre, mais rien de très étonnant pour un film italien des 70’s.
Interactivité
Encore une édition plutôt chargée pour Le Chat qui a eu la très bonne idée d’interviewer Alberto Farina, fils du réalisateur, qui évoque longuement la carrière de son père, son amour pour la BD, l’œuvre de Crepax et revient longuement sur la distribution calamiteuse du film, la censure et les coupes des producteurs. Il en est à nouveau question dans l’entretien radiophonique d’archive de Corrado Farina qui s’y désole des échecs de ses deux seules réalisations de cinéma mais ne démord pas de son amour pour cet art. On trouve aussi sur le disque une nouvelle rencontre avec Luigi Montefiori, alias George Eastman, qui se remémore l’atmosphère du tournage et ses relations avec ses différents collègues.
Et les fameuses scènes coupées évoquées plus haut ayant été redécouvertes, en SD granuleuse, il y a quelques années, on peut enfin les visionner dans la foulée du film. Quelques dialogues politisés supplémentaires, une évocation outrée des amérindiens, mais aussi bien entendu les deux nus intégraux des actrices principales et quelques caresses sur les cuisses d’Isabelle De Funès, semble-t-il trop langoureuses.
Et si on aimerait bien un jour pouvoir visionner dans des conditions aussi confortables le premier Hanno cambiato faccia du même auteur, on peut ici découvrir trois courts-métrages documentaires signé Farina. Tous consacré aux fumetti, ils abordent tour à tour les publications d’un journal pour enfant en parallèles des terribles évènements historiques du début du 20eme siècles, la révolution artistique et sociale que reflète l’œuvre de Crepax (avec une excellente analyse se style) et enfin l’aspect subversif de la BD et les foudres des autorités bien pensantes. Un vrai connaisseur et un passionné sans aucun doute.
Liste des bonus
Une sorcière à Milan avec Luigi Montefiori (11′), Valentina, Baba Yaga et papa avec Alberto Farina (45′), Interview radio de Corrado Farina (19′), Scènes inédites (9′), Court-métrage Mon cher petit journal de Corrado Farina (11′), Court-métrage BD freudienne de Corrado Farina (12′), Court-métrage BDphobie de Corrado Farina (12′), Film annonce.