AUTOUR DE MINUIT
‘Round Midnight – Etats-Unis, France– 1986
Support : UHDK & Bluray
Genre : Drame, Musique
Réalisateur : Bertrand Tavernier
Acteurs : Dexter Gordon, François Cluzet, Gabrielle Haker, Sandra Reaves-Phillips, Lonette McKee, Christine Pascal, Herbie Hancock, Bobby Hutcherson, Martin Scorsese, Philippe Noiret, Alain Sarde, Eddy Mitchell…
Musique : Herbie Hancock
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 Anglais et français
Sous-titres : Français
Durée : 84 132 minutes
Editeur : Tamasa Diffusion
Date de sortie : 19 novembre 2024
LE PITCH
À la fin des années 1950, Dale Turner, un saxophoniste new-yorkais de génie miné par l’alcool et la drogue, revient à Paris. En compagnie de Buttercup, une amie, il s’installe à l’Hôtel La Louisiane, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Dale Turner se produit dans une cave, le « Blue Note », où il rêve à un nouveau départ. Un jour, il rencontre Francis Borier et se lie d’amitié avec lui…
Our Man in Paris
Le cinéma et le jazz. Le jazz et le cinéma. Les deux grandes passions de Bertrand Tavernier qui ne cessera de nourrir le premier avec le second avec une passion qui culmine dans le magnifique Autour de minuit, histoire touchante de la rencontre entre deux hommes, entre deux pères, deux artistes et deux arts faits pour se rencontrer.
Cinéaste loué pour sa cinéphilie, on en oublie parfois aussi à quel point Tavernier était un grand amateur et un fin connaisseur de jazz. Une musique qui traverse avec plus ou moins d’emphase et de gravité tout son cinéma, qui habitait par exemple son premier L’Horloger de Saint Paul ou qui impulsait directement le documentaire Mississippi Blues coréalisé avec Robert Parrish. Et le très ambitieux, autant financièrement qu’artistiquement, Autour de minuit reste le point culminant de cette rencontre entre l’image fantasmée et cette musique qui vient de l’âme. Évoquant de manière romancée la rencontre entre le grand pianiste Bud Poweel et le graphiste Francis Paudra, mais semble surtout parler de l’amour inconditionnel et immodéré de Tavernier à la fois pour le cinéma (le français Francis Borler est ici un affichiste freelance et ce n’est pas un hasard) et pour cette musique qui aura totalement transformée les années 50. Dans l’esprit du metteur en scène les deux se mêlent parfaitement alors que son réalisme éprouvé est bien visible évidement dans les scènes de jours tourné dans un Paris rhabillé pour l’occasion, les séquences de nuits et les soirées capturées dans les bars à musique viennent directement citer l’ère du film noir, les toiles peintes en arrières plans, les décors surannés hollywoodiens et une atmosphère, enfumée, disparue.
Body and Soul
La nostalgie est constamment palpable, jusque dans les yeux de l’incroyable Dexter Gordon, musicien et acteur, trainant sa grande carcasse et sa voix pénétrante avec un charisme chaleureux, faisant véritablement revivre cette figure du jazzman en bout de course, réanimé par l’amour et l’amitié d’un fan français. Les deux se réparent mutuellement, se nourrissent respectivement, se font grandir, parlant de la vie, de la musique, des enfants et de rien, partageant comme une certaine parenthèse enchantée parisienne, avant que Dale Turner ne soit à nouveau happé par la frénésie et la destruction New-yorkaise. Une citée pour le coup filmé avec l’énergie et l’âpreté des camarades du Nouvel Hollywood. Rarement d’ailleurs la mise en scène de Tavernier n’aura été aussi visible, aussi démonstrative, soulignant une petite histoire de rien, mais enchanté par la magie d’un cinéma sincère et inspiré, par l’enthousiasme débordant et communicatif de François Cluzet et bien entendu par la bande sonore irradiante composée par l’incontournable Herbie Hancock (maitre du jazz funk au passage) et les considérables prestations scéniques. Ne tombant jamais dans le piège du film concert, Autour de minuit réanime l’esprit de cette musique libre, vivante et constamment réinventée, et invite le spectateur à un spectacle amoureux (encore et toujours) aux cotés d’un bon verre et de nombreux copains. Pas étonnant de croiser au détour d’un plan ou d’une scène, des grands musicos comme Freddie Hubbard, Bobby Hutcherson, John McLaughlin ou Chet Baker, mais aussi des caméos plus locaux comme Eddie Mitchell (et un verre qui le met K.O.), Sophie Marceau Philippe Noiret et même Martin Scorsese en impresario au débit mitraillette.
Tavernier se fait plaisir et transmet dans un magnifique geste artistique sa passion pour le jazz avec une telle générosité qu’il nous embarque dans un voyage où le 7eme art (toujours) devient une expérience totale : une œuvre qui se voit, s’écoute mais surtout se ressent.
Image
Après avoir connu quelques projections et un passage remarqué aux USA dans la collection Criterion, la toute récente restauration d’Autour de minuit est enfin disponible à la maison. Un superbe travail effectué par L’Image retrouvée à partir d’un scan 4K des négatifs 35mm avec un gommage admirable des petits défauts des années, une stabilisation complète de la source venant redorer le blason de grain et de matières subtilement organiques. Le résultat est impressionnant de finesse et de précision, surtout que Tamasa a la bonne idée de proposer en plus de l’excellent Bluray, une galette UHD en exclusivité, plus à même encore d’accompagner l’élégance de la photographie, ses lumières urbaines éclatantes et ses nombreuses ambiances feutrées.
Son
Les pistes originale et française sont toutes deux proposées dans des DTS HD Master Audio 2.0 qui marquent là aussi un nettoyage appréciable des bandes d’origines. Pas d’accroc, aucune perdition, et une restitution fluide et limpide des dialogues et surtout des performances musicales. La version française fait un peu tiquer parfois avec ses accents américains un brin caricaturaux sur les acteurs US, tandis que la version originale, mêlant anglais et français résonne de manière bien plus naturelle.
Interactivité
Superbe édition que Tamasa propose là avec en plus des éditions simple (bluray et 4K), un boitier comprenant une affiche, un livret conséquent et surtout le CD de la superbe bande originale signée Herbie Hancock. Au-delà des goodies, un Bluray bonus exclusif assure un programme conséquent avec en ouverture un making of d’époque de près d’une heure essentiellement tourné vers la conception de la musique, son enregistrement et ses performances à l’écran. La suite enchaine avec des interviews passant des témoignages directes de l’époque décrite et des coulisses du film grâce à l’actrice Liliane Rovère, le réalisateur de seconde équipe ou le décorateur, à des retours plus thématiques sur la naissance du Be-bop et les liens constamment entre le cinéma de Tavernier et la musique, jazz ou non. Une approche très complète et souvent passionnante.
Liste des bonus
: 1 CD de la bande originale Round Midnight + 1 affiche du film + 1 livre de 84 pages illustrées, « Avant minuit », making of de Jean Achache (52′), « Bertrand, le cinéma, la musique… » par Thierry Frémaux (34′), « Be Be-bop » le be-bop raconté au piano par Benjamin Moussay (19′), « La folle aventure de Round Midnight » par Frédéric Bourboulon (33′), « Filmer la musique » par Yves Angelo (26′), « L’héritage du réalisme poétique » par Didier Naert (15′), « Alexandre Trauner » sur le plateau de Round Midnight (5′), « Souvenirs d’un tournage » par Liliane Rovère (11′), Film annonce.