AS TEARS GO BY & NOS ANNÉES SAUVAGES
旺角卡門, 阿飛正傳 Days of Being Wild – Hong-Kong – 1988, 1991
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Policier
Réalisateur : Wong-Kar Wai
Acteurs : Andy Lau, Maggie Cheung, Jacky Cheung, Alex Man, Leslie Cheung, Carina Lau, Rebecca Pan
Musique : Danny Chung, Teddy Robin Yat, Terry Chan
Image : 1.85 16/9
Son : Cantonnais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 99 et 95 minutes
Éditeur : The Jokers
Date de sortie : 12 juillet 2023
LE PITCH
As Tears Go By : Ah Wah, un petit gangster, sévit dans les quartiers de Hong Kong aux côtés de son meilleur ami, Fly. Epuisé par cette spirale de violence, il souhaite fuir le monde impitoyable des triades, et mener enfin une vie meilleure aux côtés de celle qu’il aime.
Nos Années sauvages : Yuddy collectionne les conquêtes et n’en peut vite plus de ces jeunes femmes qui, à peine séduites, imaginent déjà la vie à deux, le mariage, la monogamie. Pas son truc. Exit Su, trop fleur bleue, le voilà désormais qui fréquente Leung, un peu plus affranchie – elle danse dans des night-clubs. Du coup, Su attend en bas de l’appartement de son ancien amant, inconsolable, quand surgit, prêt à la secourir, le policier de proximité qui fait sa ronde dans le Hong-Kong des années 60.
Jeunesses retrouvées
Après une ressortie en salle l’année dernière dans ces mêmes copies somptueusement restaurées, les deux premières réalisations de Wong Kar Wai reviennent en édition Bluray / UHD chez The Jokers. Deux essais et presque deux coups de maitre où toute l’évanescence (in)temporelle de son cinéma éclate déjà avec évidence.
Pourtant les choses n’étaient pas forcément évidentes avec le premier As Tears Go By, projet dont la réalisation lui fut confiée justement pour ses années de bons et loyaux services aux services d’une industrie plutôt tournée vers la comédie HK et les films de gangsters virils comme Flaming Brothers avec Chow Yun Fat. Le film s’y intègre d’ailleurs assez volontiers suivant la trajectoire tragique et forcément violente de deux amis d’enfance, Wah (Andy Lau) et Fly (Jackie Cheung), le premier veillant sur le second alors que celui-ci court après des rêves de gloire et d’argent faciles. Poursuite de mauvais payeurs, confrontations multiples avec un gang adverse… le récit est un grand classique où celui qui espère désespérément s’échapper du milieu y est constamment rappelé par son amitié et son sens de l’honneur. Mais dans l’illustration extrêmement moderne d’un Hong-Kong au ras du bitume, dans l’omniprésence des néons et des séquences d’actions percutantes voir ultra-violentes, le jeune cinéaste impose indéniablement un savoir-faire plus que certain. Polar solide et efficace certainement, mais le film amorce aussi avec grâce les premiers élans romantiques de Wong Kar Wai qui ne cesse de s’évader vers cette rencontre contrariée entre Andy Lau et la délicate Maggie Cheung, véritablement capturées comme des bulles hors du temps, des rêves de lendemains charmants et sensuels, où les premières obsessions visuelles et thématiques (scènes de chambres, figures des escaliers qu’on monte et descend, photographie soyeuse…) prennent déjà racine.
« Les histoires d’amour finissent mal… »
Malgré (ou grâce à) la greffe, du film de mec au romantisme délicat, le succès du film en salles, lui permet de poursuivre cet horizon dans Nos Années sauvages, avec un défilé de jeunes stars locale encore plus affolant, mais où justement le détournement devient total. Des restes de trames vaguement criminelles, il n’en reste plus que quelques bribes (deux-trois scènes avec Leslie Cheung), Wong Kar Wai s’emparant désormais totalement de sa production pour s’engager fermement dans un cinéma qui lui est complètement personnel. Nos Années sauvages suit les errances et les croisements amoureux de jeunes gens entre le Hong-Kong et les Philippines des années 60, lié à la nostalgie d’une chine d’autrefois et de ses propres souvenirs de jeunesse. Des amours éphémères, des confidences en chambres, des passades qui s’achèvent dans les larmes ou dans l’oubli, le tout emballé par des airs de mambo mélancoliques. Un ballet presque flottant, fait de petits instants volés, de ces petites « minutes » qui changent la vie, où Maggie Cheung serveuse dans tombe sous le charme de Leslie Cheung, charmant séducteur hanté par une mère qui l’a abandonnée, fait tomber à son tour le beau policier Andy Lau lors de l’une de ses rondes nuit alors que son ancien amant profite des frivolités dans les bras de la danseuse Carina Lau qui ne laisse pas non plus insensible le plus discret Jacky Cheung… Toutes les incertitudes et les émois de la jeunesse filmées avec un détachement feint, constamment sublimés par une photographie léchée, un montage inspiré, entre contraction et dilation du temps, où le spectateur se perd avec bonheur, enivré par le spleen de la caméra.
Déjà bien ambitieux, le réalisateur avait imaginé donner une suite directe au film, laissant d’ailleurs un curieux épilogue avec un Tony Leung s’apprêtant longuement avant le fondu au noir, mais pour le coup l’échec du film lors de sa sortie le fit revenir à des environnements plus contemporains. Mais ces quelques minutes persistantes, finiront bel et bien par retrouver un écho 10 ans plus tard avec le renversant In The Mood for Love. Dès ses deux premiers films, tout est là, non pas à l’état de brouillon, mais déjà de manière évidente et intensément cinématographique.
Image
Suivants donc la sublime édition de In The Mood for Love, As Tears Go By et Nos Années sauvages profitent eux aussi d’une restauration complète et luxueuse en 4K. Un retour aux négatifs, impeccablement nettoyés et stabilisés, avec un raffermissement colossal d’une définition que l’on avait surtout connu jusque-là granuleuse et lourdement lissée (voir le précédent Bluray français de Nos Années sauvages). Les matières sont belles, délicates, fermes et le grain de pellicules est toujours mis en valeurs soulignant la suavité des images et les reflets argentiques enfin retrouvés. Les couleurs plutôt vives du premier film, celles plus évanescentes du second sont négociées avec finesse. On n’avait jamais vu ces films dans d’aussi belles conditions.
Son
Les pistes originales monos se parent désormais de DTS HD Master Audio 2.0 plus modernes. Bien entendu les intentions restent toujours frontales et plutôt fermes, mais on gagne clairement en clarté et surtout en équilibre entre les différentes notes (dialogues, musiques…) sans effets de saturations ou défaut quelconque.
Interactivité
Peu ou pas de documents connus autour des deux premiers films de Wong Kar Wai et le réalisateur lui-même se montre, comme souvent, assez discret sur la question. The Joker a donc fait appel à deux spécialistes du cinéaste pour venir compléter leurs éditions. Sur As Tears Go By c’est le critique Charles Tesson, co-auteur avec Olivier Assayas du célèbre numéro Hong-Kong Cinema (1985) des Cahiers du cinéma. Il explore avec plaisir les débuts de réalisateur, ses racines de scénariste pour Patrick Tam et l’inscription de sa première œuvre dans le décorum du polar HK. C’est justement cet aspect hybride entre la commande et les premières marques d’un style très personnel qui l’intéressent le plus.
Sur Nos Années sauvages, la place est laissée à Gilles Ciment (producteur et distributeur entre autres pour Wong Kar Wai) qui raconte la méthode très libre du cinéaste de l’intérieur. L’absence de scénario figée, la constante évolution de ses projets et les tournages interminables (avec livraison des films in extremis le jour de la premier projection), qui donnent naissance à un réseau de film qui se répondent et se complètent dans une étrange mais fascinante logique.
Liste des bonus
As Tears Go By : Présentation de Charles Tesson (38’).
Nos Années sauvages : « La Méthode Wong Kar Wai » par Gilles Ciment (27’).