ARMAGUEDON
France – 1976
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Alain Jessua
Acteurs : Alain Delon, Jean Yanne, Renato Salvatori
Musique : Astor Piazzola
Durée : 95 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 14 septembre 2022
LE PITCH
Louis Carrier, un modeste artisan, hérite un jour d’une grosse somme qui le fait peu à peu sombrer dans la mégalomanie. Avec l’aide d’un simple d’esprit, carrier projette de faire exploser une bombe lors d’une émission télévisée. L’inspecteur en charge de l’enquête fait appel à un célèbre psychanalyste, le docteur Ambrose, pour l’aider à capturer le maniaque…
Petite apocalypse
Quatre ans après Traitement de choc, Alain Jessua retrouve Alain Delon pour un nouveau thriller aux lisières de l’anticipation. Si la collaboration fut certainement moins cordiale, le résultat marque encore et toujours l’œuvre d’un cinéaste aux accents visionnaires.
Du Alain Delon de 1972 à celui de 1976 un point de bascule s’est opéré, transformant l’immense acteur français en gigantesque star multipliant les films et les genres, mais se montrant de plus en plus intransigeant avec les cinéastes, les écrasant sous son poids et son autorité. Un comportement et une aura de tête d’affiche / producteur qui déplace les foules qui a tendance à transformer tout ses personnages en Alain Delon et tous les films auxquels il participe en véhicule pour Alain Delon. Dans l’interview disposée en supplément de cette édition Bluray, Jessua ne cache pas son incompréhension et ses regrets face à un acteurs qui refusait catégoriquement d’être dirigé. Son psychiatre lancé aux trousses d’un terroriste d’un genre nouveau, s’habille, bouge, parle comme Alain Delon, personnage voulu ambiguë et faillible transformé en héros imparable qui sauve les suicidaires en quelques mots et un regard ferme. De ce déséquilibre Armaguedon ne pourra jamais vraiment se remettre. Et ce même si la caméra du cinéaste s’efforce par contrecoup de resserrer constamment son optique sur la cible : Louis Carrier, autoproclamé, de manière ronflante, Armaguedon, ancien petit ouvrier devenu Ennemi Publique N°1 après avoir transformer un inopiné héritage en trésor de guerre finançant son grand plan.
« The revolution will be televised »
Là où Delon incarne une figure monolithique, l’inattendu mais logique Jean Yanne, retrouve d’une certaine façon son fameux personnage d’anar de droite, de mélange de colère populo et de misanthropie, pour incarner un assassin en construction, un fou dangereux aux accents psychopathes, mais dont les fêlures, les motivations à la fois touchantes et pathétiques, en font une figure des plus tragiquement humaines. Un personnage trouble qu’Armaguedon aborde avec une certaine forme de mansuétude et ce malgré la dangerosité du bonhomme, la froideur de ses calculs et sa manière d’utiliser sans hésitation la naïveté de son acolyte Albert, dit Einstein, superbe Renato Salvatori (Rocco et ses frères, Z…) en colosse simplet. Construit comme une traque à travers l’Europe entre menaces à travers les journaux et premières exactions dans la mise en scène macabres de deux prostitués électrocutés en plein actes, Armaguedon est un polar âpre, sombre et rogné jusqu’à l’os qui traverse ses décors d’un quartier des Halle en pleine déconstruction avec une urgence communicative. En point d’orgue la menace de faire exploser des bombes placées dans la salle d’enregistrement d’un programme de télévision répondant au doux nom de « Welcome la vie ». Du divertissement poubelle à paillette façon La Cinq et TF1, qu’Armaguedon voudrait transformer en pupitre pour exposer sa vision d’un monde plus juste, plus équitable, plus humain. Un plaidoyer ahurissant déversé sous la forme d’une vidéo ringarde et ridicule, entre poujadisme et kitch maladroit, qui renvoi alors irrévocablement le petit Louis Carrier à ses origines des plus modestes, à des motivations tristounes d’un pauvre homme qui s’est toujours efforcé d’exister dans un monde qui avait tendance à l’oublier.
Mine de rien Jessua aborde dès 1973, en plus de l’abrutissement par les mass médias, la quête identitaire des petites gens aux travers des futurs réseaux sociaux, de la recherche de reconnaissance par vidéos Insta et TikTok interposées. Visionnaire, troublant, inquiétant et d’une justesse sociale toujours aussi pertinente.
Image
Le lancement de cette nouvelle collection Studio Canal s’accompagne d’authentiques restauration des films. Ici un travail manifestement effectué avec un véritable retour à la source (surement un scan 4k des négatif) avec nettoyage complet des cadres sans jamais dénaturer le grain de pellicule et son rendu organique. De superbes matières, une définition exemplaire et creusée, mais aussi une revalorisation de la photographie que l’on croyait uniquement grisâtre et terne et qui révèle ici de nouvelles subtilités et des teintes plus chaudes et contrastées.
Son
Rien à redire sur la remasterisation sonore du film qui tout en préservant sa stéréo d’origine, lui apporte une clarté et un équilibre bien moins fébrile, plus net. Très agréable.
Interactivité
Directeur de cette nouvelle collection Nos Années 70, Jérome Wybon se fend bien évidement d’une introduction pour l’occasion. Un petit résumé des origines du film, de ses coulisses compliquées et de ses thèmes particuliers qui trouve un complément beaucoup plus étendu dans l’interview enregistrée avec Alain Jessua. Un supplément déjà vu sur l’ancien DVD où le réalisateur revient sans langue de bois sur sa collaboration houleuse avec Alain Delon, sa vision du métier d’acteur et plus largement sur ses souvenirs du film. Plus qu’intéressant, indispensable pour faire oublier les petits défauts du film. L’ensemble s’achève sur un reportage télévisé d’époque (manifestement restauré lui-aussi) offrant quelques moments de tournage à Hénin-Beaumont (déjà départ de la fin du monde) en compagnie du cinéaste et de Jean Yanne.
Liste des bonus
Introduction de Jérome Wybon (4′), Reportage sur le tournage (4′), Entretien avec Alain Jessua (17′), Bande Annonce.