ARMAGEDDON TIME
États-Unis, Brésil – 2022
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : James Gray
Acteurs : Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta, Jaylin Webb, Anthony Hopkins
Musique : Christopher Spelman
Image : 2.39 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 anglais, DTS 5.1 français, allemand…
Sous-titres : Français, néerlandais, allemand…
Durée : 114’
Éditeur : Universal
Date de sortie : 16 mars 2023
LE PITCH
L’histoire très personnelle du passage à l’âge adulte d’un garçon du Queens dans les années 80, de la force de la famille et de la quête générationnelle du rêve américain.
Revivre
Après ses virées du coté de la jungle amazonienne (The Lost City of Z) et de l’espace (Ad Astra) Retour dans le décor new-yorkais typique et personnel pour James Gray qui signe certainement avec Armageddon Time son œuvre la plus personnelle. Une autobiographie déguisée, mais à la sincérité bouleversante.
C’est enfoncer des portes grandes ouvertes, mais il faut tout de même rappeler que James Gray n’a jamais eu de cesse d’investir constamment son cinéma d’un regard on ne peut plus personnel, à la lisière de l’autobiographie justement, questionnant inlassablement la structure de la cellule familiale (et particulièrement le rapport douloureux au père), l’identité des immigrés de seconde et troisième génération se confrontant au mythe du rêve américain. A force de tourner autour de ses propres origines et de sa propre famille, il a donc fini par franchir le pas et romancer ses propres souvenirs d’enfance. Quelques semaines, peut-être même quelque mois pour être exact, dont il a reconstitué avec un soin maniaque, et une rare précision technique, la réalité en tournant dans le quartier où il a vécu, se remémorant avec son frères des dialogues entendu à table et ravivant une amitié perdue avec un gamin au destin beaucoup moins chanceux que lui. Il capture ainsi surtout avec sensibilité et poésie cette fracture latente qui existe entre le monde d’un enfant imaginatif, à la fibre artistique, et celui d’adultes étouffés sous le concret, sous la réalité du monde. Un monde d’incompréhensions, de non-dits, de douleurs enfouies, de silences déchirants et de dialogues impossibles qu’Armageddon Time sculpte avec une étonnante tendresse, une déchirante compréhension, ne jugeant jamais des parents certes parfois obtus jusqu’à l’inutile violence, mais toujours pétris de bonnes intentions.
Ascendances
Jeremy Strong et Anne Hathaway trouvent peut-être là leurs plus beaux rôles, père et mère sacrifiant involontairement l’identité de leurs enfants sur l’autel d’une possible ascension sociale, quitte à les inscrire dans une école privée aliénante portant toutes les valeurs rétrogrades du futur président Reagan, alors qu’ils en vomissent les discours lors de chaque passage télévisé. Sous la chronique enfantine, sous l’anecdote de quelques remémorations d’un éveil au monde de l’art, de rebellions bêta ou compréhensibles, de conneries diverses et de mises en dangers inconscientes, Armageddon Time est aussi une œuvre profondément politique qui confronte les aspirations deux gosses, Paul Graff et Jaylin Webb (Banks Repeta et Johnny Davis tout deux formidables) à l’injustice totale qui façonne le monde, aux murs qui séparent les privilégiés et les laissés pour compte, aux préjugés raciaux et sociaux contre lesquels il semble bien trop souvent impossible de se battre. Sans jouer ni la carte d’une célébration victorieuse ou d’un désespoir mélancolique, James Gray élève brillamment son film en n’y apportant aucune conclusion, aucune leçon, aucun happy end facile, préférant laisser les dernières paroles en suspend à un grand-père inoubliable de chaleur et de lucidité. Celui incarné avec majesté par Anthony Hopkins, véritable socle fondateur du film, seul à même de comprendre le jeune Paul et de lui inculquer les valeurs salvatrices de la compréhension et de la nécessiter de résister encore et toujours aux bas instincts et à la bêtise des autres. Quelques mots, des sourires, une simple accolade sur un banc avec que la mort ne l’emporte… Du cinéma qui fait grandir.
Image
Avec Darius Khondji, James Gray espérait retrouver une caméra pellicule lui permettant de reproduire l’esthétique très particulière des machines Kodak des années 70 / 80. A priori peine perdu puisqu’ils se sont tournés vers la combinaison entre une camera ultra haute définition Arri Alexa 65 et un objectif Super Baltar offrant à la fois toute l’amplitude de la 4K dernière génération et une captation plus diffuse et granuleuse de la lumière. Le résultat est tout simplement sublime, dépassant aisément le simple élan nostalgique, pour aboutir à une photographie minutieuse, pointue et délicate et à l’atmosphère intimiste. Dommage vraiment qu’Universal n’ait pas investi dans le format UHD pour ce film, même s’il faut reconnaitre que le Bluray s’en sort particulièrement bien avec une définition toujours pointue, une colorimétrie admirable et un grain délicieusement organique.
Son
Forcément plutôt sobre, le DTS HD Master Audio 5.1 de la version originale s’appuie essentiellement sur la restitution des dialogues et de leur dynamique naturelle, disposant avec économie, mais efficacité, quelques atmosphères urbaines réalistes. Les silences sont souvent très présents, donnant alors à l’amplitude des extraits musicaux de l’époque une vraie puissance d’évocation.
Interactivité
Passées trois petites scènes coupées très courtes où seule celle offrant un aspect plus sympathique au grand frère manque un peu dans le long métrage, l’édition propose trois petites featurettes de quatre minutes chacune environ. On y évoque les liens biographiques très personnels de James Gray, le travail avec les acteurs, la figure du grand-père incarnée par Anthony Hopkins a grands renforts d’extraits du film… Forcément on ne creuse jamais vraiment les sujets et le tout semble bien trop courts là où l’absence d’un véritable making of se fait cruellement sentir.
Liste des bonus
Scènes coupées, « Casting : comment interpréter une famille », « Grandir en étant un Gray », « L’héritage d’un grand-père ».