ANTHROPOPHAGUS
Italie – 1980
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Joe D’Amato
Acteurs : Tisa Farrow, George Eastman, Saverio Vallone, Serena Grandi, Margaret Massantini, Mark Bodin, Zora Kerova…
Musique : Marcello Giombini
Image : 1.66 16/9
Son : Italien, anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 92 minutes
Editeur : Vidéo Popcorn
Date de sortie : 14 mai 2024
LE PITCH
Des touristes arrivent sur une petite île grecque, qu’ils trouvent complètement abandonnée. En explorant les lieux ils découvrent une chambre secrète. Ils sont par la suite poursuivis par un psychopathe cannibale bien décidé à les tuer un par un.
Quand l’appétit va, tout va !
Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont forts… voici Vidéo Popcorn nouvel éditeur fringuant et courageux qui arrive sur le marché français pour déjouer les pronostiques de la fin annoncée du support physique. Et question de bien marquer le coup, ce dernier choisit un grand classique de l’exploitation, un film culte de l’ère VHS et des rayonnages du bas au fond à droite des vidéoclubs : Antropophagus.
Au début des années 80 marquée par l’apparition des films de cannibales, avec en pic cauchemardesque le mythique Cannibal Holocaust, l’industrie italienne se lance dans une compétition au sordide et aux effets poisseux pleins de tripes et de giclées sanglantes. Un cadre dans lequel l’excessivement productif Joe D’Amato (Aristide Massaccesi de son vrai nom) s’ébat joyeusement après avoir exploité le corps de rêve de Black Emmanuelle dans sa série dédiée. Il crée d’ailleurs sa propre société de production, Filmirage, afin de mettre en boite a très peu de frais l’inoubliable Anthropophagous. Un film d’horreur en huis clos sur une île grecque presque déserte où un petit groupe de touristes (dont la Tisa Farrow de L’Enfer des Zombies et Zora Kerova célèbre pour sa poitrine perforée dans Cannibal Ferox) se retrouve confronté à un monstre humain, devenu totalement dégénéré après avoir été amené à déguster femme et enfant sur une barque perdue en pleine mer. Si le film s’ouvre sur un amusant hommage (détournement ?) à la première séquence des Dents de la mer et reprend à son compte, dans la bonne tradition transalpine, de nombreux ingrédients des genres à la mode du moment (du slasher au gothique à l’ancienne), il se construit surtout autour d’une curieuse errance de ses protagonistes dans ces lieux étrangement vides, vaguement exotiques, à la fois moites et froids, où la mort est omniprésente, surplombant chaque plan.
(Vraiment) horrible
Une atmosphère poisseuse et mortifère joliment construite par une mise en scène tour à tour languissante et angoissante, baignés dans les musiques atonales et déliquescences de Marcello Giombini. Avec très peu et donc une grande science de l’économie, Joe D’Amato impose sa marque, dissémine quelques jaillissements plus macabres (de nombreux cadavres, entiers ou non, presque incrustés dans le décor) pour relever la sauce, et faire pencher sa pelloche vers le cauchemar filmique. Un onirisme qui lui permet alors de faire fi d’une direction d’acteurs très aléatoire, de dialogues génériques et de comportement particulièrement incongrus, cultivant l’absurde et le surréalisme jusqu’à une dernière bobine extrême qui n’a pas fini de traumatiser les amateurs de sensations fortes. Avec l’arrivée à l’écran du colossal George Eastman (alias Luigi Montefiori, également co-scénariste du film), Anthropophagus bifurque alors (enfin ?) vers le pur spectacle gore et sordide promis par l’affiche et la légende. Avec un maquillage crado, un front brulé et dégarni et surtout un regard totalement halluciné, le tueur passe aux choses sérieuses avec, essentiellement, l’accouchement sans péridurale et sans consentement suivi d’une dégustation plein cadre de l’embryon et une toute aussi fameuse image finale dans laquelle le cannibale pousse sa logique auto-suffisante à son terme. Deux séquences choc inoubliables, jusqu’au-boutistes, aussi malsaines que dégénérées, qui ne font que concrétiser une folie destructrice perceptible depuis les premières notes du sirtaki malade désespérément sautillant du générique d’ouverture.
Joe D’Amato ne fera jamais vraiment mieux que cette œuvre d’exploitation sur le fil et Antropophagus reste quarante ans après sa découverte, un sacré morceau. Et bon appétit bien sûr !
Image
Pas forcément le film le plus simple à disposer en HD, Anthropophagus a généralement connu des carrières vidéos assez houleuses et surtout marquées par des masters coupés, recadrés, abimés, grisâtres voir lessivés. La copie proposée par le tout jeune Vidéo Popcorn n’est donc certainement pas dénuée de défauts, laissant encore passer quelques points blancs et restes de griffures, affichant de légères décolorations sur les bords de certains plans, mais le bond en avant est aussi évident que notable. Les fans français n’avaient certainement jamais vu le film dans d’aussi bonnes conditions, affirmant enfin des teintes bien plus chaudes et naturelles (même si parfois les visages tirent vers le rosé), et surtout une propreté poussée permettant de profiter enfin pleinement des décors naturels et intérieurs avec une définition particulièrement solide sur l’essentiel des plans. Pas évidents de marier le grain source 16 mm (le film fut gonflé en 35 pour sa sortie salle) avec les traitements numériques faisant naitre parfois un effet de bruit très visible et des macroblocs dans les profondeurs des zones noires. Anthropophagus reste un film d’exploitation craspec à petit budget et la prestation offerte n’est donc pas parfaite (mais est-ce possible sur ce titre ?) mais tout à fait satisfaisante.
Son
Postsynchronisé dans toutes les langues (même si les mouvements de lèvres des acteurs penchent surtout vers l’anglais), Anthropophagus est proposé ici avec les trois doublages italien, anglais et français dans des DTS HD Master Audio 2.0 très mono. Si on note quelques différences de restitution avec une prestation italienne légèrement plus naturelle dans son mix et une française (relativement débile, mais drôle) plus plate, les trois se payent des dispositions bien plus claires et nettes qu’autrefois.
Interactivité
Première sortie pour Vidéo Popcorn qui signe un joli et fin digipack avec fourreau cartonné reprenant, bien entendu, la célèbre affiche du film.
Glissé dans le premier volet, on retrouve un livret signé David Didelot (Vidéotopsie), grand amateur du cinéma bis et de D’Amato en particulier, qui y retrace avec sa verve habituelle les grandes lignes de sa carrières (des premiers jobs en coulisses jusqu’à son déclin honorable dans le milieu du X), avant de dessiner les grandes lignes du film en présence ici, autant d’ailleurs dans sa structure et son style que dans l’impact considérable qu’il eu sur le genre et les amateurs de ciné d’horreur.
Forcément certains sujets et thèmes sont à nouveau évoqués dans la longue présentation filmée d’Arnaud Bordas (Capture Mag, Rockyrama) qui au-delà du portrait général s’efforce aussi de souligner les forces et les effets de la mise en scène de Joe D’Amato et de son cinéma « forain ».
Certains pourraient regretter l’absence de documents à provenances italiennes (interviews et autres) mais pour une première sortie, le jeune éditeur s’en sort vraiment bien. L’édition est limitée 1000 exemplaires.
Liste des bonus
Le livret « Cinéma Bis Per Sempre » par David Didelot (20 pages), Entretien autour du film avec Arnaud Bordas, journaliste, auteur, scénariste (40’), Bande-annonce exclusive Vidéo Popcorn.