ANTEBELLUM

Etats-Unis – 2020
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateurs : Gerard Bush, Christopher Renz
Acteurs : Janelle Monae, Jena Malone, Kiersey Clemons, Gabourey Sidibe, Jack Huston, Lily Cowles, …
Musique : Roman GianArthur Irvin, Nate Wonder
Durée : 106 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Anglais Dolby Atmos, Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 9 janvier 2021
LE PITCH
Activiste et écrivaine afro-américaine, Veronica Henley est piégée dans une plantation esclavagiste durant la guerre de Sécession. Mais les apparences peuvent être trompeuses…
Get Out !
Pour leur premier long-métrage, les duettistes Gerard Bush et Christopher Renz ne manquent pas d’ambition. Se jouant du carcan des genres, entre thriller contemporain, drame en costume et horreur sociale, Antebellum s’attaquent de front à ces thèmes qui divisent l’Amérique d’aujourd’hui : le racisme et le féminisme.
Avant de poursuivre, un petit avertissement. Si les bandes-annonces et la promo d’Antebellum ont plus ou moins eu l’indélicatesse de déflorer son (brillant) twist central, certaines et certains voudront sans nul doute préserver une part de mystère. Or, impossible d’aborder le film sans passer par la case spoilers. Si vous l’avez déjà vu, vous pouvez continuer votre lecture l’esprit en paix. Vous êtes toujours là ? Bon. Poursuivons.
Par la symbolique du papillon, disséminée un peu partout tout au long de l’histoire (là un tatouage, là un fond d’écran d’ordinateur) et jusque dans sa campagne d’affichage, Antebellum plaide pour l’émancipation. Sortir du cocon qui nous emprisonne pour enfin voler de nos propres ailes. Du passé aller vers l’avenir. Pouvoir s’exprimer, enfin. En tant que femme de couleur, l’héroïne, magnifiquement campée par Janelle Monae, se retrouve à la fois opprimée par le patriarcat et le suprémacisme blanc. Contrainte au silence et retenue contre son gré dans un domaine esclavagiste qui se révèle être un leurre, une prison fabriquée de toutes pièces par des nostalgiques sadiques des plantations du Sud profond, Veronica Henley paie sa liberté d’expression en étant dépouillée de son identité (son nom, sa famille, son éducation), violée quotidiennement et marquée au fer rouge. De par les sévices dépeints (sans aucune complaisance ni voyeurisme) et du cadre dans lequel ils se déroulent, Gerard Bush et Christopher Renz mélangent avec une intelligence sidérante et dans un tout remarquablement cohérent la dystopie inquiétante de The Handmaid’s Tale, le réalisme éprouvant et opératique de 12 Years A Slave et la narration décalée et en trompe l’œil du Prisonnier. Ces influences majeures et parfaitement digérées, auxquelles on pourrait ajouter une louche de M. Night Shyamalan dans cette façon si particulière d’annoncer un renversement de situation en parsemant quantité d’indices dans le cadre, permettent aux auteurs de bâtir des ponts entre les mouvements Black Lives Matter et MeToo sans jamais alourdir une narration à la fluidité exemplaire. Du moins pendant les deux premiers actes, le troisième s’avérant moins percutant que prévu.
Tomber, se relever
D’un pur point de vue cinématographique, l’ouverture d’Antebellum est un authentique morceau de bravoure. Mené par les cordes rugueuses et menaçantes montant crescendo du score de Roman GianArthur Irvin et Nate Wonder, un plan séquence de près de huit minutes s’attache à déconstruire un passé fantasmé à la Autant en emporte le vent, abandonnant le portrait idyllique d’une petite fille et de sa mère jouant au pied d’une flamboyante bâtisse pour dévoiler le cauchemar qui se déroule en coulisses, les soldats en armes, les pleurs, les cris et l’existence morne et tragique d’esclaves noirs. En un plan, tous les enjeux d’Antebellum sont posés. Le passé figé où la ségrégation et l’esclavagisme font se côtoyer richesse et injustice, bonnes manières et tortures moyenâgeuses et ce besoin de rébellion et de liberté, tout le temps, quitte à en crever.
Étouffant et cauchemardesque, le premier acte est lié au second par un raccord son inattendu et (on pourrait le croire) anachronique : une sonnerie de téléphone portable. Le spectateur est alors projeté dans une autre temporalité. Celle de Veronica Henley et de son quotidien dans notre cher XXIème siècle. Un petit déjeuner en famille tout ce qu’il y a de plus banal. Une conférence tout ce qu’il y a de plus banale. Un dîner entre amies tout ce qu’il y a de plus banal. Mais est-ce vraiment le cas ? Trois actes au sein d’un seul et une menace qui gronde par petites touches, entre ces incivilités que l’on subit au quotidien lorsque l’on est une femme ou que l’on est noir(e) ou les deux et ces détails qui font froid dans le dos (un bouquet de fleurs de coton, une gamine qui semble sortie tout droit de Shining) jusqu’à une séquence de kidnapping particulièrement anxiogène.
Tout ceci nous mène à une dernière demi-heure qui doit à la fois mettre les points sur les i, répondre à toutes nos questions et mettre en scène l’évasion tant attendue. Soyons francs, les scénaristes et réalisateurs sont ici rattrapés par la densité de leur script et peinent à y apporter une conclusion pleinement satisfaisante. Le sort infligé aux salauds ne dépasse pas le stade de l’exutoire de série B et la chevauchée vers la liberté de Veronica s’égare dans un crêpage de chignon pas très imaginatif. Une poignée de plans au ralenti remontent un peu le niveau mais Antebellum a trébuché par facilité dans la dernière ligne droite. Une erreur de jeunesse tout à fait pardonnable. Gageons que le prochain film de Bush et Renz saura apporter le même soin et la même intensité à son dénouement qu’à son ouverture.
Image
Tout le défi était de rendre justice aux couleurs naturelles et aux clairs-obscurs de la photographie de Pedro Luque. Encodé en AVC au plus haut débit, le Blu-ray y parvient au-delà des espoirs les plus fous, livrant une copie se rapprochant au plus près de l’expérience cinéma. Éclairée en totalité à la lampe à huile, la scène du grand festin nocturne des confédérés rejoint les sensations chromatiques expérimentales du Barry Lyndon de Kubrick et justifie à elle seule l’achat du film sur support haute (voire très haute) définition. Un régal !
Son
Pour une immersion totale, la piste Dolby Atmos est bel et bien celle qu’il faudra privilégier. Les ambiances y gagnent certes en nuance mais la puissance du score est carrément démultipliée, envahissant par vagues successives toutes les enceintes, jouant l’envoûtement dans un premier temps avant de submerger le spectateur et de le prendre à la gorge.
Interactivité
De plus en plus réservées à un cinéma de patrimoine, les interactivités de qualité, au contenu soigné et au propos dépassant l’autocongratulation généralisée font toujours plaisir à voir sur un film récent. Même si les compliments prennent encore beaucoup trop de place, le making of d’une heure et en deux parties éclaire considérablement sur les multiples notes d’intentions des réalisateurs, de leurs choix de casting au soin apporté à l’image, au découpage et à la direction artistique avec de nombreuses images de tournages et des propos variés. En complément, deux modules reviennent avec concision sur le défi logistique et émotionnel du plan séquence d’ouverture et sur tous ces petits moments qui annoncent plus ou moins explicitement le fameux twist intervenant à mi-parcours. Mixées et étalonnées pour l’occasion, une poignée de scènes coupées viennent développer la relation entre Veronica/Eden et son geôlier avec une tension sexuelle particulièrement malsaine. Des moments assez redondants par ailleurs et dont on comprend aisément l’absence du montage final.
Liste des bonus
Making of en 2 parties (64’), Les indices d’Antebellum (6’), L’ouverture d’Antebellum (4’), Scènes coupées (7’).