ANORA

Etats-Unis – 2024
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Sean Baker
Acteurs : Mikey Madison, Mark Eldelstein, Iouri Borissov, Vache Tovmasyan…
Musique : Matthew Hearon-Smith
Image : 2.39 16/9
Son : Anglais et Français DTS-HD 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 138 minutes
Éditeur : Le Pacte
Date de sortie : 12 mars 2025
LE PITCH
Anora, surnommée Ani, est strip-teaseuse dans un club en vogue de Brooklyn. Un soir, entre deux clients, elle fait la connaissance de Vanya, jeune russe en quête de sensations, mais aussi d’amour. Contre toute attente, une idylle va naître entre eux.
Pretty Woman
Cela fait maintenant 25 ans que Sean Baker sort un film à presque intervalles réguliers. Une production constante et marquée par une ligne claire et des thèmes récurrents : l’histoire de personnages réprouvés, évoluant en marge d’une société dite bien-pensante et bien née, dans l’industrie de la nuit, du sexe voire du porno. Des immigrés aussi, qu’ils soient originaires de Chine, d’Afrique ou d’ailleurs. Des thèmes qui attirent forcément l’œil et l’oreille dans une Amérique aujourd’hui sous l’emprise d’une caste aussi puissante que décadente. Rien de surprenant, alors, qu’Anora ait raflé autant de récompenses à Cannes (la Palme d’Or) et à la dernière cérémonie des Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure actrice pour Mikey Madison). La seule raison ? Non, pas vraiment.
Anora est donc strip-teaseuse dans un club sélect de Brooklyn, fréquenté par des hommes de toute sorte, souvent argentés, et plus particulièrement par une diaspora russophone, dont Ani fait elle-même partie, ce qui lui sert de temps en temps pour être plus remarquée que ses collègues par les clients. Un soir, elle fait la connaissance d’un jeune russe qui se paie d’abord ses services de la même manière que les autres : danse lascive et dénudée, peaux frôlées. Mais le jeune homme ne s’en contente pas. Ani lui a tapé dans l’œil, il aime sa présence, son franc parlé, son accent russe, lorsqu’elle accepte de l’employer, et son caractère bien trempé qui lui vaut d’être remis plusieurs fois à sa place. Après plusieurs rencontres, il lui propose une semaine complète à ses côtés en tant qu’escort. D’abord effrayée par cette demande inhabituelle, elle finit par accepter, moyennant finances, bien évidemment. Mais le jeune homme a de quoi payer. Il l’emmène alors dans son immense propriété, demande à ses gardes du corps de prendre quelques distances et vit avec Ani une folle semaine d’amusements et de sexe. Jusqu’à, enfin, la demander en mariage. D’abord interloquée, elle finit par y croire, y voit enfin l’échappatoire d’une vie plus subie que vécue et convole donc, comme dans un conte de fées à la Pretty Woman, à Las Vegas. Mais le « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » disparaît bientôt au profit du retour des parents de Vanya, des oligarques russes bien décidés à annuler le mariage.
Do Svidaniya
Généralement, quand il est question de gros bras parlant la langue de Poutine, cruauté et coups de feu ne sont pas loin. Pas ici. Bien que le spectateur ressente une certaine oppression (effet clairement voulu) à l’idée que la jeune héroïne évolue dans un tel environnement, jamais son corps ne sera réellement en danger. L’intérêt n’est pas là. L’affiche l’annonce d’ailleurs clairement : il est question ici d’une histoire d’amour. C’est donc non pas le corps mais le cœur qui est visé. Cette propension qu’a Baker de nous donner l’impression de nous emmener en terrain connu pour mieux nous surprendre à chaque pas est la grande force d’Anora. L’autre étant sa finesse d’écriture et le background complexe de ses personnages, incarnés à la perfection notamment par Mikey Madison, parfaite en jeune femme libre mais esclave de son cœur. Certains ont pu reprocher à Baker ses Oscars de meilleur film et meilleur réalisateur face à d’autres nominés, au seul prétexte que rien dans sa réalisation ne supposait un tel prix. Pourtant, c’est bien sans esbroufe et à la seule force de sa plume et d’une direction d’acteurs au cordeau, que le réalisateur new-yorkais ferre le spectateur sans jamais le lâcher. Avec une bonne dose d’humour aussi, notamment dans une deuxième partie qui nous offre une scène centrale particulièrement jouissive qui débouchera sur une conclusion inattendue, toute en finesse, dont les silences renvoient directement au chaos de l’excellente scène d’introduction.
Avec toutes ses qualités formelles, Anora méritait donc bien ses prix. Loin du seul contexte politique actuel qu’il serait bon, pour une fois, de laisser de côté.
Image
Des contrastes saisissants, aux noirs profonds, qui donnent tout leur potentiel lors des scènes d’intérieur, celles du club où les couleurs s’entrechoquent mais aussi celles de la maison, en opposition blanches et claires.
Son
Un DTS-HD Master Audio 5.1 de très belle facture aussi bien en VO qu’en VF (même si on préfèrera toujours la première), qui sait jouer parfaitement sur la spatialisation des enceintes et donne à plusieurs reprises de très agréables sensations d’enveloppement.
Interactivité
Trois entretiens et puis s’en va. Le premier avec Sean Baker himself et Samantha Quan, productrice et sa femme à la ville, où l’on apprend quelques anecdotes de production. Le deuxième, toujours avec le réalisateur, qui revient sur les très belles scènes d’intro et finale. Et le dernier, enfin, qui donne un peu de place à Mikey Madison et sa collaboration avec… Sean Baker. Pas inintéressants, mais largement insuffisants.
Liste des bonus
Entretien avec Sean Baker et Samantha Quan, Discussion autour de la scène d’introduction et la scène finale, La collaboration entre Sean Baker et Mikey Madison.