ANATOMIE DE L’ENFER
France – 2004
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Catherine Breillat
Acteurs : Amira Casar, Rocco Siffredi, Alexandre Belin, Manuel Taglang, Jacques Monge, Claudio Carvalho…
Musique : D’Julz
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 77 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juin 2024
LE PITCH
Dans une boîte de nuit, une femme, fait une tentative de suicide dans les toilettes. Elle est sauvée par un homosexuel, que son acte intrigue. Se sentant incomprise et dévalorisée en tant que femme dans une société dominée par la masculinité, elle propose à l’homme une expérience et l’invite chez elle pour quatre nuits consécutives, où elle se dénudera complètement, à la condition qu’il regarde son corps sans désir ni dégoût.
Une origine du monde
Trente ans après les explorations tournée vers l’avenir du soi d’Une Vraie jeune fille, Catherine Breillat signe son 12ème film et engage le constat d’une réconciliation impossible l’homme et la femme. Un dialogue désespéré entre deux être et deux corps, jusqu’au bout de leurs nuits.
Catherine Breillat n’a jamais vraiment abordé le cinéma comme art réaliste voir naturaliste, et surtout n’a jamais fait grand cas de la crédibilité de la fiction, préférant toujours mettre son récit au service du message et de la réflexion initiale. Mais c’est certainement Anatomie de l’enfer qui est le plus marqué par cette nécessité de faire plier la forme et l’environnement à la démonstration pure. Dépouillant presque totalement l’espace diégétique, rapidement résumé à une unique chambre décrite à la fois comme la première couche et une arène mortelle, éliminant la moindre trace de gras des dialogues tous entièrement tourné vers l’exactitude de l’échange, Anatomie de l’enfer tient alors beaucoup plus de l’exergue théâtrale et de la démonstration littéraire que de la fiction classique. Quelques parts entre le Salo de Pasolini et la ligne extrême d’un Lars Van Triers, Breillat n’a jamais peur de développer des dialogues injouables, évoquant dès lors l’anti-réalisme d’un Rohmer, mais où, qui plus est, chaque mot, chaque pose, chaque silence et chaque regard à un sens. La femme (superbe Amira Casar) met ainsi au défit l’homme (le Rocco, corps alpha) de dépasser son dégout de ce corps étranger, et de l’explorer et le découvrir à son tour pour en apprécier toute l’étrangeté.
Le choc des planètes
Comme une rencontre entre deux espèces, deux formes de vie diamétralement opposées, sentiment exacerbé par une réalisatrice qui joue ici sur une figure féminine qui n’arrive jamais vraiment à s’aimer (victimes du monde masculin tel qu’il est) et d’un ersatz masculin, phallocrate pathétique et finalement terriblement fragile, qui vie ce face-à-face comme une épreuve insurmontable, entre humiliation et mise à mort de la virilité. Deux sexes, irréconciliables malgré leur emboitement gynécologique qui débattent, s’ébattent, s’entrechoquent mais ne semblent jamais vraiment se rencontrer, noyés justement dans ce déluge de dialogues littéraires, de mots forcément signifiants, dans cette lucidité du tout et du soi, qui réduit effectivement la sexualité à une mécanique organique et sociétale, interdit l’érotisme et donne à la sensualité possible des reflets morbides. Anatomie de l’enfer peut alors avoir la pesanteur et le détachement d’un essais de philosophie, d’un cours magistral lointain et exclusivement cérébral, évacuant d’ailleurs véritablement la notion d’un débat avec le spectateur. Breillat y assène ses vérités, les souligne, les martèle, tue peu à peu ses personnages sous leur poids, là où déjà l’image effectuait admirablement le travail.
Croisant la suavité esthétique d’un Caravage, la froideur cliniquement amoureuse d’un Courbet et le détachement anatomique d’une autopsie, la photographie glacée de Giorgos Arvanitis (Dorothy, La Blonde aux seins nus…) et les compositions précises de Breillat dressaient déjà à eux seuls le constat des espaces vides et d’un corps féminin à la fois si lointain et si près, jusque dans ses fluides. L’image du roi du X tétanisé devant son membre recouvert du sang menstruel d’Eve valait bien tous les discours.
Image
Si Le Chat qui fume a moins communiqué sur cette remasterisation que celle d’Une Vraie jeune fille, le travail effectué n’en est pas moins probant. L’ensemble est extrêmement propre et posé, cadres et définitions sont constamment fermes et tenus, mais c’est surtout dans le travail sur les couleurs que la copie impressionne le plus. La colorimétrie est certes volontairement très limitée, mais avec soin et chaleur, la copie HD restitue à merveille les délicates variations de blancs et de noirs, l’éclatante autorité des rouges, le tout avec un grain fluide et harmonieux.
Son
Le DTS HD Master Audio 2.0 met bien évidemment en avant les voix, les dialogues, et les silences. L’ensemble est aussi frontal que le cadre du film et les échanges sont parfaitement clairs, relevés de petites intentions dans les atmosphères extérieures.
Interactivité
Second opus de la collection Catherine Breillat avec toujours cet habillage extrêmement sobre, cette mini sur-jaquette qui permet de laisser un visuel sans écriture et nouveau livret analytique et particulièrement bien écrit signé Murielle Joudet. Un regard vraiment pertinent sur l’œuvre de Breillat et le film en question. Mais celui-ci ne pouvait être mieux décortiqué que par son autrice elle-même dont on retrouve ici l’entretien tourné pour la première édition DVD d’Anatomie de l’enfer. Une heure face caméra entre propos philosophiques et réflexions esthétiques qui explore tous les recoins des images et leur sens. Un vrai bonheur pour les fans de la réalisatrice, même si le ton froid et parfois assez répétitif par rapport à l’œuvre existante peut aussi en lasser d’autres. Hérité lui aussi du DVD, le petit segment « Images de tournage » permet d’observer la mise en place du faux corps nu de la petite fille et les trucages utilisés pour la scène abstraite du suicide.
Liste des bonus
Livret de Murielle Joudet (8 pages), « Anatomie de l’Enfer » par Catherine Breillat (archive, 60’), Images de tournage (1’30”).