AN AUTUMN’S TALE

秋天的童話 – Hong-Kong – 1987
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Mabel Cheung
Acteurs : Chow Yun-Fat, Cherie Chung, Danny Bak-Keung Chan, Gigi Suk Yee Wong, Wu Fu-Sheng…
Musique : Lowell Lo
Image : 1.85 16/9
Son : Cantonais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 98 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 11 avril 2025
LE PITCH
Jennifer débarque à New York afin d’y faire ses études. Elle retrouve son petit ami Vincent étudiant à l’université. Elle ne sait pas que Vincent est déjà passé à une autre fille. Le coeur brisé et bloquée à New York avec peu d’argent, Jennifer n’a d’autre choix que de se tourner vers son seul parent éloigné Samuel. N’ayant apparemment rien en commun, les deux âmes solitaires vont progressivement développer une amitié improbable…
Quand Chow rencontre Cherie
L’âge d’or du cinéma hongkongais ne se borne pas uniquement à son déluge de films d’action, de sabres, polars et autre figures héroïques spectaculaires, mais a aussi donné naissance à de nombreuses comédies, drames et récits romantiques. D’ailleurs en 1984 c’est An Autumn’s Tale qui rafla tous les prix aux Hong-Kong Film Awards (Meilleur film, acteur, scénario et photographie) et ravit les cœurs des spectateurs.
Rien n’avait cependant vraiment préparé la réalisatrice Mabel Cheung (Les Sœurs Soong, City of Glass…) a un tel engouement, alors qu’elle ne signait que son deuxième long métrage après le précédent Illegal Immigrant (proposé dans le coffret de Spectrum Films) à la destinée bien plus confidentielle. Le premier jalon de ce que l’on considère aujourd’hui comme une trilogie informelle sur la figure de l’immigré chinois constituée avec Eight Tales of Gold et le présent An Autumn’s Tale qui en est le plus célèbre prolongement. Ce dernier traverse d’ailleurs les mêmes réflexions que Illegal Immigrant sur la place de l’immigré hongkongais dans le cadre de la société américaine, et plus particulièrement du décor new-yorkais, les liens entre la philosophie de la réussite locale et celle du modèle idéologique du libéralisme, avec en filigrane la notion même d’identité d’une nation chinoise large et étendue avec en ligne de mire la fameuse rétrocession (encore et toujours). A ce titre, le film se montre encore relativement optimiste envers l’avenir, le choc de la répression sur la Place Tian’anmen ne survenant que deux ans plus tard. Comme pour son premier essai, Mabel Cheung quête ici un certain réalisme, scrutant sans fard les véritables rues de la grande pomme et reconstituant en studio (mais avec beaucoup de précisions) des décors intérieurs souvent bien pauvres, aux limites du taudis. Le quotidien de nos héros, de nombreux américains et plus encore d’immigrés relégués dans les quartiers peu reluisants mais qui malgré certains accents presque documentaires, n’empêche pas une notable précision dans la mise en scène et une photographie automnale du meilleure effet, source d’un certain enchantement.
La meilleure des saisons
Manifestement très marqués par les célèbres comédies romantiques américaines, et en particulier celles plutôt naturalistes de Woody Allen, la réalisatrice, toujours accompagnée de son époux Alex Law (Painted Faces) au scénario, accentue en effet fortement l’aspect sentimental de The Illegal Immigrant et en fait le moteur du récit, autre histoire de deux amant qui au départ s’agacent fortement, peinent à se comprendre, mais qui vont peu à peu se rapprocher non sans cesser de se manquer, de rater les opportunités. Samuel, diti Figgy, déjà bien installé, s’avère encore très fantasque malgré sa trentaine passée, alors que Jennifer peine certes à trouver sa place dans ce nouvel environnement mais a les pieds bien plus ancrés dans le sol. Au-delà de leurs différences de milieu et d’aspiration, c’est surtout tout un tas de petits évènements extérieurs qui grippent la machine (le retour de l’ex, la fierté mal placée de Samuel, une opportunité professionnelle…). An Autumn’s Tale joue effectivement sur des ingrédients très classique et prévisible, mais le fait consciemment afin de rendre plus proche le regard que porte Mabel Cheung sur ce microcosme sino-américain très inspiré par ses propres années passées là-bas et certains de ses proches.
Voilà qui apporte une dimension supplémentaire et une fibre vraiment touchante à cette histoire d’amour légère et contrariée, heureusement sauvée par un très beau happy end. Mais le film doit certainement beaucoup aussi à la présence du duo composé par Cherie Cheung et Chow Yun-Fat déjà présent dans le Story of Woo Viet de Ann Hui, mais qui avaient entre temps largement gagnés leurs galons de stars, elle pour ses participations à Winners and Sinners de Sammo Hung et Pekin Opera Blues de Tsui Hark, lui bien évidement depuis la déflagration du Syndicat du crime de John Woo. Ils sont tous deux extrêmement convaincants et charmants dans leurs rôles respectifs, abordant leurs personnages avec naturel et finesse et leur complicité à l’écran est des plus évidentes. Coqueluches du public, ils seront d’ailleurs à nouveaux réunis les années suivantes pour des films comme Wild Search de Ringo Lam ou Les Associés de John Woo.
Entre le glamour de ses têtes d’affiche et la sincérité de son autrice, An Autumn’s Tale réussit à marier élégamment les aspérités de la chronique intimiste et les charmes plus grand public de la comédie romantique.
Image
Quelle meilleure façon de découvrir An Autumn’s Tale que par cette toute nouvelle copie 4K restaurée à partir des négatifs 35 mm ? Une restauration d’excellence proposant une image extrêmement stable, ferme et détaillée et profitant d’un piquée particulièrement solide et révélateur. Le film retrouve tout son relief et sa profondeur (les plans de New York sont magnifiques), affirme de nombreux détails de l’image et surtout se débarrasse définitivement de la moindre tache, griffure ou point blanc. Surtout, le métrage peut enfin affirmer pleinement tout le travail effectué à l’origine sur la photographie et les couleurs, chaudes, délicates et automnales, subtilement et puissamment restitué ici. Très beau.
Son
Très naturelle dans ses ambiances et net dans ses dialogues, la piste cantonaise DTS HD Master Audio 2.0 reste bien entendu très proche des volontés initiales mais développe sa stéréo avec beaucoup de clarté et un léger dynamisme naturel et bien balancé. Pas d’excès, mais tout à fait suffisant.
Interactivité
Spectrum Films nous propose une superbe édition, sous la forme d’un large digipack glissé dans un coffret cartonné bien solide accompagné par un imposant ouvrage rédigé par Stacilee Ford dans le cadre d’une collection universitaire. Une passionnante analyse de An Autumn’s Tale par le biais de la question de la figure de l’immigrant hongkongais à New York. Elle replace le film dans son contexte social, historique, culturel et économique, pour souligner son aspect révélateur, discuter son réalisme, ses clichés parfois et son appartenance à tout un courant de la Seconde Vague tout autant qu’un héritage d’un certain cinéma américain. Au cœur de la réflexion, il y a toujours ce lien entre l’Amérique, fantasmée souvent, et le modèle idéologique d’un Hong-Kong encore pétrie de rêves de trans-nationalité.
Comme souvent le disque UHD ne contient que le film et les suppléments dédiés se trouvent uniquement sur le Bluray avec ici l’incontournable présentation d’Arnaud Lanuque, rappelant le succès considérable du film à sa sortie, le statut de stars de Chow Yun-Fat et Cherie Chung et leurs autres collaborations à l’écran. Suivent les interviews du scénariste Alex Law et surtout de Mabel Cheung, vraiment très sympathiques, qui racontent avec beaucoup d’humour l’implication de Chow Yun-Fat malgré son changement de statut du jour au lendemain, les bouleversement de passer d’une production très indépendante à un tournage professionnel (même si l’équipe est finalement là même), les petits déboires pas bien méchant avec les mafieux et bien entendu l’inspiration lié aux souvenirs de New York et d’un ami très haut en couleurs.
Ce coffret limité contient en outre un second Bluray consacré à The Illegal Immigrant, premier film de Mabel Cheung aux thèmes très proches de An Autumn’s Tale proposé dans une nouvelle copie 2K très solide. Un film de fin d’étude, transformé en long métrage mais produit avec des camarades étudiants et des non-professionnels, mais qui s’avère tout à fait réussi et convaincant. Une première rencontre entre deux personnages d’origines chinoises, l’un immigré clandestin prêt à tout pour obtenir une nationalité américaine, l’autre fille de naturalisés prête à accepter un mariage blanc contre le financement de son opération chirurgicale du nez. Filmage à la documentaire, ambiance douce-amère et final tragique pour ce film romantique qui s’avère bien plus réaliste et noir que An Autumn’s Tale, s’attardant plus longuement sur la diaspora chinoise new-yorkaise et la présence de réseaux criminels. Le film est naturellement présenté à nouveau par Arnaud Lanuque qui du coup évoque, entre autres, la « Seconde vague » et la place de Mabel Cheung en son sein.
Liste des bonus
Le livre An Autumn’s Tale (176 pages) de Stacilee Ford, Présentation de Arnaud Lanuque (9’), Interviews de Mabel Cheung (19’), Interview d’Alex Law (7’), Bande-annonce.
Le Bluray de The Illegal Immigrant (97’, 1985), Présentation d’Arnaud Lanuque (11’).