Avec cette première incursion dans le cinéma horrifique, Gabriel Abrantes, qui occupe les postes de producteur, scénariste, compositeur et réalisateur (!) ne fait pas les choses à moitié. Amelia’s Children ne trompe pas sur la marchandise du genre et puise autant dans le répertoire vampirique que dans celui de la sorcellerie. Il explore par ailleurs la figure toujours fascinante de la gémellité. Le film séduit et embarque dès son introduction avec ce rapt de nourrisson aussi mystérieux qu’efficace. A l’issue d’une ellipse de plusieurs années, on suit ensuite un homme orphelin qui découvre sur le tard son frère jumeau et sa mère, retirés dans une demeure isolée, avec tout ce que cela charrie, là aussi, de secrets et mystères. De toute évidence, le film commence de fort belle manière, et on lui saura gré de certains aspects particulièrement bien vus. A commencer par son ambiance anxiogène que le cinéaste, bien aidé de son directeur de la photographie, déploie progressivement, par petites touches, décrivant le mystère et l’inexplicable, le léger décalage avec le réalisme avant de plonger clairement vers une forme de surnaturel plus assumée. Il se dégage d’Amelia’s Children un doux parfum d’étrangeté qui n’est pas sans séduire. Le réalisateur emballe d’ailleurs avec une belle maîtrise quelques scènes d’angoisse qui fonctionnent remarquablement bien, faisant naître la tension au détour d’un plan à la suggestion horrifique marquante, au sein d’un décor très particulier, une vaste demeure, baroque et « argentienne » en diable, en plein cœur de la forêt. Niveau mise en scène et d’un pur point de vue formel, ainsi que dans ses intentions, le film est une très belle surprise.

Faux Semblants

Pourtant, on ne peut pas négliger certains défauts assez problématiques qui entachent l’entreprise. Si, on l’a dit, les ambitions sont là, l’écriture pêche souvent par certains choix préjudiciables. Assurer une atmosphère sur la tangente, entre réalisme, onirisme et horreur premier degré est un équilibre exigeant, que le film peine à maintenir faute de rigueur. Notamment dans l’écriture, mais aussi dans l’interprétation. En premier lieu, il est question d’une crédibilité largement remise en cause dès les premières scènes, alors que le personnage principal retrouve une famille ignorée et longtemps recherchée. Abrantes rate très nettement l’impact provoqué par un tel bouleversement. Jamais on ne croit réellement au choc, ni à l’émotion qui pourraient gagner ces personnages à l’occasion de ces retrouvailles. Un aspect renforcé par le choix d’employer dans le double rôle le même comédien, Carloto Cotta, pas un monstre de charisme d’ailleurs, le film s’ingéniant autant que possible à ne jamais cadrer les deux frères de face dans le même plan, à deux ou trois exceptions près. Cette cohabitation forcée est bien trop visible pour nous faire entrer dans les arcanes de cette famille qui cache, on l’imagine, un secret inavouable. Difficile de faire abstraction d’une telle ficelle de conception. Autre choix discutable, celui de l’aspect de la mère, qui prend peu à peu les caractéristiques d’une véritable sorcière. Si on peut imaginer que le grossier maquillage de son visage, que l’on devine être un choix volontaire, est destiné à figurer un abus de chirurgie esthétique ou les conséquences de rituels assez peu catholiques, le tout reste trop grossier pour ne pas faire cheap, difficile là encore de faire abstraction. Enfin, et c’est peut-être le plus dommageable, malgré des intentions évidentes de récit transgressif, on y évoque tout de même des liens incestueux entre une mère et son fils, ainsi que l’assassinat de nourrissons, Amelia’s Children reste toujours bien trop sage, trop en surface, comme pétrifié à l’idée d’aller au bout de ses concepts. Reste alors un film d’épouvante sympathique, qui convoque autant le vampirisme que les récits ancestraux liés à la peur de vieillir, plutôt adroitement conçu sur le plan visuel, mais qui ne parvient pas vraiment à s’extraire du tout venant du genre horrifique. A noter néanmoins la performance crédible de Brigette Lundy-Paine (la série Atypical), convaincante dans le rôle de la compagne, point d’ancrage du spectateur qui devient protagoniste central dans le récit, et découvre les événements et agit, bien plus que son compagnon pourtant directement concerné et impliqué, qui semble subir les choses avec un air ahuri.

Bien qu’il ne s’épargne aucun cliché, Amelia’s Children demeure un film horrifique suffisamment retors sur certains aspects pour mériter le coup d’œil.