AMBULANCE
États-Unis – 2022
Genre : Thriller
Réalisateur : Michael Bay
Acteurs : Jake Gyllenhaal, Yahya Abdul-Mateen II, Elza Gonzalez, Garret Dilahunt, Keir O’Donnell, Jackson White, …
Musique : Lorne Balfe
Durée : 136 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais & Allemand Dolby Atmos, Français & Italien Dolby Digital + 7.1
Sous-titres : Français, Anglais, Italien, Allemand, …
Éditeur : Universal
Date de sortie : 27 juillet 2022
LE PITCH
Vétéran d’Afghanistan, Will Sharp a besoin d’argent pour l’opération qui sauverait la vie de sa femme. Desespéré, il demande de l’aide à son frère adoptif Danny, un criminel, lequel l’entraîne aussitôt dans un braquage à haut risque …
Pin-pon ! Pan-pan ! Boum-boum !
Après avoir reçu un chèque en blanc de la part de Netflix pour violer nos rétines consentantes avec l’hypertrophié 6 Underground, Michael Bay nous revient avec un projet plus « modeste » (souvenez-vous bien de ces guillemets), un thriller mêlant huit-clos et poursuites endiablées dans les rues de Los Angeles. À la fois épuisant et fascinant, Ambulance vient surtout compliquer le débat sur le statut d’auteur d’un cinéaste qui n’en demandait sans doute pas tant.
Même avec une enveloppe de 40 petits millions de dollars (soit le budget pancakes et débardeurs de Vin Diesel sur un Fast & Furious), un tournage express d’une trentaine de jours et un synopsis conceptuelo-riquiqui que l’on croirait tout droit sorti d’un tiroir de feu Larry Cohen, pas facile de canaliser l’énergie de Michael Bay, grand gaillard de 57 ans passé maître dans l’art de la démolition en milieu urbain. Deux braqueurs prenant en otage une secouriste et son patient dans une ambulance pour échapper à la police après un braquage raté, normalement, c’est une histoire qui se boucle en 1h30 montre en main. Voire moins puisque le film danois (signé Laurits Munch-Petersen et sorti en 2005) dont Ambulance est le remake ne durait pas plus de 76 minutes, générique compris. Unité de lieu (un véhicule), unité de temps (quelques heures). Allergique à la moindre notion de rigueur, le réalisateur de Bad Boys et Armageddon transforme le sprint attendu en marathon bordélique atteignant sans sourciller les 2h16 au compteur ! Ralentis dopés à l’americana et drapés dans un coucher de soleil interminable, tôles froissées en pagaille, explosions surréalistes, fusillades apocalyptiques, virages sanglants et engueulades viriles constituent l’essentiel d’un gloubi-boulga so 90’s faisant de l’oeil à Speed, Heat et à tout un pan de la filmo de Tony Scott. Autant dire qu’en 2022, l’objet semble un brin anachronique. Et si l’on met de côté un épilogue au sentimentalisme dégoulinant au cours duquel le film tente de se racheter une conduite, Ambulance a finalement le bon goût de ne pas se conformer aux standards aseptisés du film d’action hollywoodien contemporain et de laisser planer des effluves de « c’était mieux avant ».
Bayhem, Inc.
Est-ce son refus d’évoluer qui a fini par faire de Michael Bay un auteur ? La question se pose. Dernier apôtre du blockbuster clinquant selon Saint Jerry Bruckheimer, Bay s’est enfermé au fil des années dans un esthétisme et une vulgarité qui ont fini par le rendre sinon singulier, du moins attachant, quand bien même le cinéaste ne cesse de mépriser les notions les plus élémentaires de découpage, de rythme et de bienséance. Sa psychologie au bulldozer, son humour gras, ses travellings en contre plongée sous les jupes de ses actrices qu’il filme comme des stars du porno et ses cadres improbables démultipliant jusqu’à l’abstraction l’impact des prouesses de ses artificiers lui ont permis de se construire une image de cancre génial mais dont le cynisme bas de plafond évoque également Donald Trump et Homer Simpson. Capable du meilleur comme du pire en une seule scène ou un seul plan, Michael Bay souffle le chaud et le froid en permanence, s’auto cite avec un égocentrisme démesuré (voir ce dialogue entre deux policiers qui régurgitent des répliques de The Rock et de Bad Boys comme s’il s’agissait de classiques), se confronte sans détour aux cinéastes qu’il admire (la scène du braquage tente ouvertement et sans succès de surpasser celle mise en boîte par Michael Mann dans Heat), use et abuse de nouvelles technologies pour rendre sa caméra plus mobile encore et la faire plonger au cœur du chaos et dirige son casting à la va comme je te pousse, le cabotinage en surrégime de Jake Gylenhaal offrant un contraste vertigineux avec la passivité de Yahya Abdul-Mateen II. Et il faut le voir se débattre comme un forcené avec les éléments les plus wokes du scénario de Chris Fedak (la série Chuck), dont un personnage d’agent du FBI gay, pour le croire.
Le cinéma de Michael Bay se voudrait flamboyant et il l’est parfois, comme le prouve finalement Ambulance qui, malgré ses défauts, se hisse sans peine au niveau de ses meilleurs opus, à savoir Pain & Gain et 13 Hours. On rechignera pourtant encore à le qualifier d’auteur, l’absence d’un véritable point de vue et la répétition ad nauseam de tics stylistiques envers et contre tous ne dépassant pas en bout de course la bonne blague d’un clin d’oeil savoureux dans l’hilarant Hot Fuzz du trio Wright/Pegg/Frost.
Image
Une définition au rasoir, des contrastes éblouissants, des couleurs de compétition et une compression en bêton armé : pas de doutes possibles, Ambulance est un cri d’amour à la haute-définition. Les travellings plongeants réalisés à l’aide de drones dernière génération sont de toute beauté et se révèlent immersifs jusqu’au vertige.
Son
Beaucoup, beaucoup, beaucoup de basses, parfois au risque d’engloutir les dialogues. Mais l’équilibre du mixage Dolby Atmos tient le coup pour un spectacle ininterrompu. Dommage que les pistes anglaises et allemandes soient d’ailleurs les seules à en bénéficier, au détriment d’une piste française en Dolby Digital + robuste mais un chouia moins spectaculaire.
Interactivité
Il fut un temps où Michael Bay savait se montrer généreux avec l’interactivité des éditions vidéo de ses films et on se souvient un brin ému de l’édition Criterion de The Rock et Armageddon, de la box 4 DVD du director’s cut de Pearl Harbor et des makings of de Bad Boys 2 et de Transformers. Il faudra ici se satisfaire de quelques vignettes de 6 minutes (durée standard) riches en images de tournages mais ne laissant que très peu la parole au réalisateur pour nous noyer sous une avalanche de commentaires affreusement suce-boules. Lorsqu’un jour sera fait le procès des assassins du support physique, la featurette promo n’aura pas volé sa place sur le banc des accusés.
Liste des bonus
Making of : « La Capitale des courses-poursuites » (6 minutes) / « Le Chaos selon Michael Bay » (6 minutes) / « Pied au plancher » (6 minutes) / « Offensive aérienne » (6 minutes) / Hommage aux secouristes (5 minutes).