AGUIRRE
Aguirre, der Zorn Gottes – Allemagne – 1972
Support : Bluray
Genre : Aventure
Réalisateur : Werner Herzog
Acteurs : Klaus Kinski, Helena Rojo, Del Negro, Ruy Guerra, Peter Berling,
Musique : Popol Vuh
Durée : 90 minutes
Image : 1.33
Son : Allemand DTS HD Master Audio 5.1, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Potemkine
Date de sortie : 06/12/2022
LE PITCH
En 1560, une expédition espagnole quitte les hauts plateaux péruviens pour s’enfoncer dans la forêt amazonienne à la recherche du mythique Eldorado. L’entreprise est démente mais Aguirre, commandant en second, refuse de renoncer. Il renverse son chef et prend la tête du groupe. Dès lors, ses hommes devront le suivre, quoi qu’il en coûte : Aguirre s’est mis en tête de se tailler un empire autour de la fabuleuse cité d’or et d’y fonder une dynastie…
La soif de l’or
Première collaboration entre Werner Herzog et l’ingérable Klaus Kinski, Aguirre est autant le récit d’une épopée folle à travers l’Amazonie, à la recherche d’un El Dorado mythique, que le journal témoin d’un tournage hors norme. Un film de survivant, une œuvre sur la vacuité de la gloire.
A l’instar du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, Aguirre est un récit d’aventure, la reconstitution d’une quête historique jusqu’au bout de la résistance humaine. A l’Afrique et une mission anglaise, Herzog préfère l’Amérique du Sud et l’inspiration du côté des expéditions espagnoles de XVIème siècle, et même si certains détails historiques perdurent, le métrage se concentre moins sur ceux-ci que sur l’avance progressive et profonde jusqu’au cœur des aspects les plus sombres et destructeurs de l’âme humaine. Et pour le cinéaste cette « reconstitution » ne peut en passer que par une totale mise en condition de l’équipe de tournage. A peine sept semaines de tournage (dont une juste pour les déplacements techniques), un budget réduit de 360 000 dollars et une équipe la plupart du temps réduite aux minimum, le métrage s’imprègne constamment des péripéties et des aléas du tournage, que ce soit une crue subite qui transforme le paysage et entraine la perte de matériel et de denrée alimentaire, d’une embarcation non sécurisée qui se retrouve emportée dans un mini-vortex…. Sans compter bien entendu sur les colères historiques d’une star ne supportant ni l’inconfort du tournage, ni de ne pas être constamment le centre de l’attention… Même lorsqu’un assistant local est obligé de s’amputer lui-même par suite d’une morsure de serpent vénéneux, Kinski tapera le scandale car son café n’est pas à son goût ! Un acteur totalement dérangé, pour un tournage fiévreux, qui aboutit forcément à une atmosphère constamment délétère, pulsée par une colère sourde, par une volonté aveugle, par une fièvre inextinguible.
Le temps et l’oubli
La folie est dès lors perceptible dans tous les regards, dans la fatigue des corps, dans les visages émaciés, tout autant que dans le portrait d’êtres humains perdant peu à peu contact avec le réel, poursuivant une chimère (la fameuse cité d’or), se trimbalant en plein jungle avec un canon en fonte et des chaises à porteur, combattant des autochtones le plus souvent invisibles, et ne montrant in fine qu’un léger étonnement lorsque, comme un soulagement, la vie finie par leur être ôtée. Jamais Herzog ne célèbre le courage et l’abnégation des aventuriers, il illustre plutôt leur incongruité dans un ordre naturel au-delà de leur compréhension et la vacuité totale d’une quête de pouvoir, en particulier celle d’Aguirre totalement destructrice et absurde, s’imaginant conquérir le continent et renverser le roi d’Espagne. Le métrage se décline ainsi dans un cadre resserré, pressurisé, escamote constamment les passages attendus, spectaculaires et possiblement excitants, refusant de filmer des batailles frontales et laissant les meurtres importants se dérouler hors champs. Un rythme qui semble s’essouffler de séquences en séquences, pour mieux laisser dans ses dernières images la vision unique et mémorable d’un Kinski figé et seul sur un radeau envahi par les cadavres et les singes clamant à qui peut encore l’entendre : « Moi, colère de Dieu, j’épouserai ma propre fille et fonderai la dynastie la plus pure du continent ». L’antithèse en somme de cette ouverture, magistrale et poétique où la longue file humaine apparaissait comme par magie, sur une cime de la cordillère des Andes, révélée délicatement par un mouvement de la brume. Des hommes qui avançaient déjà vers leur perte, des rêves de luxe, de notoriété et d’immortalité encore à l’esprit, juste avant qu’il ne le perde définitivement.
Image
Le film a été restauré en 2014 à partir d’un scan 2K des négatifs 35mm de la collection personnelle du réalisateur. Outre la possibilité de revenir à la source même du film, le disque Bluray en offre au passage la version la plus fine et fidèle possible proposant une image nettoyée de la moindre imperfection, constamment stable et habitée par des reflets argentiques et un léger grain organique particulièrement appréciable. La palette de couleurs retrouve tout sa force, sans excès ni dénaturation, restant constamment au plus près des sensations « réelles » du film. Superbe.
Son
La piste originale allemand est proposée dans un DTS HD Master Audio 5.1 qui s’efforce de donner un peu plus de coffre et de relief à l’atmosphère audio. Quelques effets d’ambiances et détails d’atmosphères s’incarnent sur les enceintes latérales et arrières, mais ce sont souvent les sources avant qui sont prégnantes. Le doublage français d’époque, d’excellente qualité dans les interprétations, est resté dans son mono d’origine frontal, direct, mais toujours net et équilibré.
Interactivité
Cette nouvelle édition proposée en Steelbook reprend à l’identique le disque proposé en 2014 chez le même éditeur soit dans le coffret Werner Herzog, soit en single avec une copie DVD. Mais son contenu est toujours aussi intéressant à commencer par les deux courts métrages totalement absurdes, voir burlesques, Derniers mots, sur un musicien crétois qui refuse de parler (mais qui parle), et Mesures contre les fanatiques, s’intéressant à quelques passionnés de course de chevaux… et un fou de flamants roses. Tout deux restaurés aussi en 2K.
De leur coté la présentation du film par Hervé Aubron et l’interview complémentaire de Pierre-Henri Deleau (ancien chargé de la sélection de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes) s’attardent plus directement sur les qualités du film, ses thèmes, son tournage, son décalage constant avec le réel et l’incompréhension qu’il a pu longtemps susciter.
Aucune trace malheureusement des scènes de tournages, pourtant si célèbres, opposant frontalement l’acteur et son réalisateur, mais pour en avoir des échos très complet il suffit de se tourner vers le commentaire audio passionnant du cinéaste.
Liste des bonus
Présentation du film par Hervé Aubron (6’), Courts métrages de Werner Herzog : « Derniers mots » (13’), « Mesures contre les fanatiques » (12’), Entretien avec Pierre-Henri Deleau (21’), Commentaire audio par Werner Herzog.