AGENT 077 : OPÉRATION SEXY
La muerte silba un blues – Espagne, France – 1964
Genre : Aventure
Réalisateur : Jess Franco
Acteurs : Conrado San Martin, Danik Patisson, Perla Cristal, Georges Rollin, Manuel Alexandre, Maria Silva
Musique : Antón García Abril
Durée : 81 minutes
Image : 1.77
Son : Espagnol et français PCM 2.0
S-T : Français
Editeur/distrib. : Artus
Date de sortie : 07/03/2023
LE PITCH
En Amérique du Sud, le trompettiste Julius et son ami Castro passent en fraude un chargement d’armes pour le compte de Bekell. Alors que Castro est abattu par une patrouille, Smith va en prison. Quinze ans plus tard, il est enfin libéré et découvre que la veuve de son ami, Lina, est désormais mariée à Bekell. Julius devient gênant pour ce dernier. Se sentant menacé, il balance toute l’histoire au commissaire Fenton.
Coup de blues à la Jamaïque
Aux milieux d’une bonne poignées d’expérimentations gothiques à l’européenne, Jess Franco dévie vers les bars lounges et les atmosphères plus feutrées du film noir avec La muerte silba un blues. Une variation très libre et jazzy autour du genre, mais avec tout de même quelques fausses notes.
Prolifique s’il en est – rappelons que le bougre a environ 200 longs métrages crédités à son actif – Jess Franco est souvent ramené à son fond de commerce soit le cinéma d’horreur gothique et l’érotisme plus ou moins corsé. Mais au milieu de ce déluge de commandes de moins en moins friquées, le cinéaste n’a jamais cessé de s’essayer à peu ou prou tous les genres populaires dans l’air du temps. Ainsi, quelque part entre L’Horrible Docteur Orlof et Les Maitresses du Docteur Jekyll, deux de ses plus grands succès et estimé parmi ses plus grandes réussites, on trouve posé discrètement ce La muerte silba un blues (« la mort siffle un blues ») que nos distributeurs français n’hésitèrent pas alors à re-titrer Agent 077 opération Jamaïque ou plus poussivement encore Agent 077 : Opération Sexy. Clairement abusif car il ne sera jamais question ici de l’Agent 077 (personnage calqué sur le succès de Bond par l’italien Sergio Grieco) mais vaguement d’un Agent 069 (et ça n’a rien à voir) et que surtout le film n’a rien d’un thriller d’espionnage ni même d’une comédie gentiment érotique. Passionné par le jazz et le Film Noir américain, et en particulier très inspiré par la virée décadente du fabuleux La Soif du mal (1958) d’Orson Welles, dont il fut l’assistant et le réalisateur de seconde équipe sur Falstaff, Jess Franco s’efforce donc surtout ici de livrer sa vision du genre, ou du moins une revisite forcément impactée par une production, comme toujours, à l’économie et à la structure plutôt lâche voir déstructurée.
Solo de saxo
On reconnaît les petites astuces du monsieur dans l’utilisation de stock-shots et la généralisation d’un flou géographique pour incarner son récit dans une Nouvelle Orléans très réduite à une station balnéaire pseudo-jamaïcaine, on reconnaît aussi sa propension aux flottements scénaristiques, aux digressions musicales et scéniques (beaucoup de jazz donc) et aux personnages vaguement incarnés, toujours flottants et difficilement saisissables. Clairement dans Agent 077 : Opération Sexy on ne comprend pas grand-chose aux enchaînements scénaristiques et on peine à adhérer aux motivations (s’il y en a) de personnages qui passent leur temps à se mentir, se tromper, s’espionner et se trahir allégrement. Le héros, fier et viril Alfred Pereira (Conrado San Martin), n’arrive finalement que sur le tard, préférant se marrer et jouer aux cartes avec ses potes dockers, tandis que Franco à tout son attention tournée vers le couple déclinant formé par Paul Radeck (George Rollin), truands hanté par ses méfaits, et Lina (Perla Cristal), qui ne sont plus depuis longtemps que reproches et amertumes. Un écho apparemment des difficultés conjugales d’un cinéaste en voie de divorce depuis sa rencontre avec la sémillante Lina Romay, qui teinte tout le métrage d’une étrange mélancolie et d’une contemplation quasi-poétique.
Pas toujours palpitante et certainement bricolé de bout en bout, le film reste cependant très séduisant par l’élégance de sa photographie noir et blanc et par une mise en scène s’efforçant de retrouver les constructions aux cordeaux et les jeux d’angles du cinéma de Welles. Un rapprochement particulièrement réussit dans l’unique scène d’action du film, bagarre au point typique des 60’s mais aux contre-plongées et impacts habillements choisis.
Image
On retrouve ici la récente restauration produite par Severin à partir de nouveaux scans des négatifs. Un travail assez admirable surtout que comme souvent avec Jess Franco, le film est un collage de différents éléments (dont des stock-shots) aux qualités et aux grains pas toujours égaux. Le résultat final est donc un peu fluctuant avec des passages plus marqués et moins définits, mais l’essentiel présente des cadres très propres au grain suave qui rehaussent élégamment le très joli noir et blanc argenté.
Son
La version originale espagnole est très agréable avec un bon équilibre entre les performances musicales et les dialogues toujours clairs et fluides même si on peut noter un peu de post-synchro moins précise. De toute façon ça sera toujours mieux que le catastrophique doublage français, totalement à la masse, remplaçant les arrière-plans par des bruitages ridicules et donnant des accents caricaturaux aux acteurs noirs.
Interactivité
Nouveau titre de la collection Jess Franco par Artus Films, Agent 077 : Opération Sexy est glissé dans un digipack cartonné avec fourreau du plus bel effet. Sur les disques Bluray ou DVD on retrouve l’habitué Stéphane du Mesnildot, grand défenseur du cinéma de Franco, qui revient sur les influences films noirs de son cinéma, l’ombre d’Orson Welles et sur les thèmes sans doute plus personnels qu’à l’accoutumé du métrage en question.
Liste des bonus
« Franco a sifflé un blues » : présentation du film par Stéphane du Mesnildot (23’), Diaporama d’affiches et photos (1’).