ADIEU MA CONCUBINE
霸王别姬 – Chine, Hong-Kong – 1993
Support : 4K UHD & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Chen Kaige
Acteurs : Leslie Cheung, Zhnag Fengyi, Gong Li, Lu Qi, Ying Da, Ge You…
Musique : Zhao Jiping
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 Mandarin et Français
Sous-titres : Français
Durée : 172 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 21 mai 2024
LE PITCH
Pékin, 1924. Douzi entre à l’académie de maître Guan pour apprendre l’art de l’opéra chinois. Très vite, il se lie d’amitié avec le jeune Shitou. Devenus adolescents, les deux garçons obtiennent les rôles principaux de l’opéra, « Adieu ma concubine », ceux du roi Chu et de sa maîtresse Yu. Ce grand classique de la culture chinoise les mènera vers la gloire. Dix ans plus tard, désormais connus sous les noms de Dieyi et Xiaolou, les inséparables Douzi et Shitou jouent inlassablement ce même opéra. Mais un chamboulement va bientôt advenir. Amoureux de son partenaire depuis toujours, Dieyi apprend les fiançailles de Xiaolou avec Juxian, une ancienne prostituée…
Le roi et moi
Grande œuvre de Chen Kaige, qui n’atteindra plus jamais ni la même flamboyance ni, malheureusement, la même reconnaissance internationale, Adieu ma concubine fut aussi l’adoubement d’un nouvel éveil du cinéma chinois, souligné au passage par une Palme d’or partagée avec le tout aussi tragique La Leçon de piano de Jane Campion.
Très en vogue dans les années 90, la romancière Lilian Lee fut à de nombreuses reprises adaptées au cinéma avec Rouge de Stanley Kwan (1987), Green Snake de Tsui Hark (1993) ou The Terracota Warrior de Ching Siu-tung (1989), pour ne citer que les plus connus. Et Adieu ma concubine s’inscrit totalement dans cette dynamique de grands récits passionnels où les amours et les destins sont constamment brisés ou prisonnier d’une fatalité dans laquelle ils ont été inscrit dès les premières pages. Ici ce carcan est moins mystique que sociétale, et frappe directement les deux grands acteurs de l’opéra chinois, Dieyi et Xialou, dont les rôles phares du roi Chu et de sa maitresse ont été inculqué à coups de triques (la première heure est absolument terrible), plus tard rejoints par la future épouse du second, Juxian, ex-prostituée mais qui en trainera la marque, et la colère, toute sa vie. Un triangle amoureux d’autant plus houleux et souvent déséquilibré que Dieyi est un homme dont la sexualité a été féminisé dès le plus jeune âge pour se conformer à l’image de son personnage. Sa personnalité se confond constamment avec son rôle, autant que son amour pour Xialou n’est jamais loin du dévouement de la concubine du célèbre Opéra… D’autant plus troublant que le magnifique Leslie Cheung (Histoires de fantômes chinois, Le Syndicat du crime, Happy Together…) vient lui-même prêter ses traits androgynes et sa fragilité profonde au maniérisme d’un personnage constamment habité par son art.
« Mourir sur scène »
Une interprétation renversante qui trouvent un bel équilibre avec la fière sensualité de Gong Li (Épouse et concubine, Miami Vice, Vivre !…) et la force de caractère plus « virile » de Fengyi Zhang (Les 3 Royaumes de John Woo). Des personnages complexes et marqués, constamment tiraillés, qui nourrissent un grand mélodrame aux airs de fastueuse fresque au travers des bouleversements de la Chine continentale moderne. L’ère des seigneurs de la guerre, l’invasion japonaise et la résistance, la nouvelle république et la prise de pouvoir du parti communiste, défilent en toile de fond et ne viennent percuter leur trajectoire presque uniquement quand elle menace leur liberté de représentation, d’assouvir leur art en public. Dans Adieu ma concubine l’Histoire n’est effectivement là que pour restreindre leur devenir et leur potentiel. Et ce jusqu’au tribunal populaire de la Révolution culturelle qui finira par tout faire exploser. Au service d’une certaine flamboyance, d’un romantisme échevelé et d’un réalisme constamment confronté à la majesté des représentations scéniques ultra codifiées et luxueuses, le réalisateur Chen Kaige (Terre rouge, Temptress Moon, L’Empereur et l’assassin…) trouve dans ce dernier élans l’apogée de son cinéma. Définitivement emporté par le bruit et la fureur du monde, le récit rejoint de manière extrêmement douloureuse ses propres souvenirs d’une erreur de jeunesse qui le poussa à dénoncer son propre père.
Une douleur et une culpabilité omniprésente dans la dernière partie d’un métrage brassant autant les questions du traditionalisme, du paternalisme cruel, du tabou et de l’hypocrisie autour de l’homosexualité que de l’identité culture et profonde de la Chine. Comme le dit très sobrement Wong Kar-wai : « Un film obsédant et envoûtant ».
Image
Après un détour par les salles de cinéma, la nouvelle copie 4K d’Adieu ma concubine est désormais disponible sur disque UHD, et en avant-première mondiale, grâce à Carlotta. Une restauration effectuée à partir d’un nouveau scan 4K des négatifs et un travail admirable de nettoyage, stabilisation et réétalonnage qui offre une seconde vie au film. Un transfert d’autant plus appréciable qu’il se heurte à une colorimétrie aux teintes certes éclatantes mais aussi le plus souvent très subtiles, presque pastels, et à une photographie cultivant autant un grain prononcé que des textures volontairement vaporeuses. A l’arrivée le rendu est impressionnant avec une prestation riche et organique, vibrante et cinématographique aux argentiques renversants.
Son
Les pistes sonores ont, elles aussi, connu un important travail de restauration avec un nettoyage en règle des moindres imperfections, perditions ou saturations. Le DTS HD Master Audio 2.0 est on ne peut plus clair et équilibré, tandis que le beaucoup plus récent DTS HD Master Audio 5.1 vient creuser avec beaucoup de naturel les différentes atmosphères du film, que ce soit lors des scènes de rues ou des nombreuses prestations sur scènes. Le doublage français est lui aussi présent dans ces deux standards, mais le doublage, malgré ses efforts, a bien du mal à répondre à l’intensité et à la crédibilité de la version originale.
Interactivité
Proposé soit dans un boitier scanavo classique soit dans un coffret collector beaucoup plus luxueux (avec reproduction de photos du film, de l’affiche et du livret de presse de 1993), Adieu ma concubine est aussi accompagné de deux suppléments présents autant sur le disque UHD que sur le Bluray. On y retrouve donc le making of produit en 2003 et réunissant les trois acteurs et le réalisateur pour quelques interviews rétrospectives entrecoupées d’images de tournages. La force du sujet, les recherches autours de leurs personnages, le traitement historique et les séquences les plus marquantes sont évoquées avant de laisser place à un montage d’extraits du film et d’images de présentations à travers le monde sur fond d’une chanson pop de Leslie Cheung.
Inédite, la rencontre avec l’historien Hubert Niogret permet de pousser plus loin la réflexion en dressant le portrait de la fameuse 5eme génération de cinéastes (incluant aussi Zhang Yimou par exemple…), leur approche plus libre et politique du cinéma chinois, en évoquant la personnalité du réalisateur Chen Kaige et les aspects biographiques d’Adieu ma concubine, puis en s’arrêtant autant sur les particularisme du film que sur sa distribution éclair en chine (le film était bien entendu peu apprécié par le régime) et l’étrange discrétion du reste de la carrière du cinéaste pour l’occident.
Liste des bonus
« La Cinquième génération » : Entretien avec Hubert Niogret, historien du cinéma (23’), Making of, avec le réalisateur et les trois comédiens principaux (23’), Bandes annonces.