ACTION MUTANTE
Acción mutante – Espagne, France – 1993
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Comédie, Horreur
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Acteurs : Antonio Resines, Alex Angulo, Frédérique Feder, Juan Viadas, Karra Elejalde, Saturnino Garcia…
Musique : Def Con Dos
Image : 2.35 16/9
Son : Espagnol DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 93 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juin 2024
LE PITCH
L’an 2012, dans un monde où les marginaux et les handicapés sont exclus – Après avoir tué accidentellement une personnalité qu’ils voulaient kidnapper pour en tirer une rançon, les membres d’Action mutante, groupe terroriste dont le leader, Ramon Yarritu, vient de sortir de prison, projettent d’enlever Patricia Orujo, la fille d’un riche industriel. Les kidnappeurs profitent d’une réception pour s’emparer d’elle, après avoir massacré la plupart des invités. Puis ils prennent la fuite à bord de leur vaisseau vers la planète Axturias, où la rançon doit être versée…
Le combat de la lutte
Première œuvre de l’espagnol Alex de la Iglesia, futur auteur du Jour de la bête, de Perdita Durango, Mes Chers Voisins, Le Crime Farpait ou Balada Triste, Action Mutante a tout de l’œuvre de jeunesse : chaotique, excitée, mal élevée, trash et méchante au possible. Que des qualités donc.
C’est simplement armé de son court métrage Mirinds asessinas, petit délire absurde autour de la blague « un homme entre dans un bar » et d’un scénario tout droit échappé d’un numéro de Métal Hurlant qu’Alex de la Iglesia aura réussir à convaincre le grand patron du cinéma espagnol, Pedro Almodovar, d’investir dans son projet. Sacré coup de poker, surtout qu’en 1993 le cinéma espagnol, et plus largement européen, n’est pas vraiment friand de délires SF et bourrins, d’univers fantastiques baroques et de comédies noires façon comics. Heureusement Caro et Jeunet ont un peu montré la voie avec le superbe Delicatessen (on en retrouve d’ailleurs ici une partie de l’équipe technique) et ont sans doute donné à De la Iglesia le peu de confiance qui lui manquait pour aller au bout de son trip. Fauché mais pas tant que ça, Action Mutante impressionne toujours autant par sa gestion d’effets spéciaux à l’ancienne, avec maquettes de vaisseaux spatiaux, animatroniques baveux, explosions de têtes et autres giclées de sang, tout autant que par sa direction artistique affirmée, pulvérisant justement les couleurs acidulées des films d’Almodovar, et sa mise en scène déjà diablement efficace même si très folles, parfois bancale, mais constamment agitée, énervée. Un film qui a certainement de la gueule, et qui l’ouvre en grand affichant à chaque seconde un mauvais goût toujours aussi jouissif, suivant les mésaventures d’un groupe terroriste fustigeant une société dans laquelle les marginaux, les différends, les moches sont totalement exclus, mais qui se révèlent d’authentique bras cassés.
Les nouveaux héros
Une mauvaise troupe bigarrée, formée par un géant au QI des plus limités, un cul de jatte qui s’est greffé une charge explosive sur le torse, deux frères siamois qui oublient régulièrement qu’ils sont collés et un nain bossu juif franc-maçon communiste et homosexuel présumé ! Le film fait le plein, surtout que leurs missions s’avèrent le plus souvent totalement foireuse. A l’instar du kidnapping inaugural, simple sur le papier, mais qui se transforme en carnage total, hilarant, sous les yeux médusés du leader Ramon. La suite est à l’aune de ce marasme entre un voyage dans l’espace qui tourne en lutte intestine sur fond de remake débile d’Alien, et un crash sur une planète de western, sans femme et manifestement avec pas beaucoup d’intelligence non plus. La belle mariée kidnappée se vautre alors dans un Syndrome de Stockholm puissance 10, les autochtones (dont l’inénarrable Santiago Segura) salopent direct leur calbute avant de vouloir en faire leur 4 heure et l’ensemble bien entendu part dans tous les sens entre dialogues colorés, séances de tortures à la lame de rasoir, siamois qui trimbale son frangin empaillé et rixe finale dans un saloon aux gunfight digne d’une production hongkongaise. Dans le creuset De la Iglesia aura glissé quelques charges peu dissimulées contres la société des médias, la célébration de la connerie, les joies de la mode et de la consommation et même de belles allusions à l’ETA (il a grandi dans le pays basques) pour aboutir à un manifeste punk méchamment décoiffant et qui n’a certainement pas perdu de son mordant… bien au contraire.
Ce n’est certainement pas son film le plus réfléchi, le plus formel, le plus abouti, le plus intelligent et encore moins élégant, mais avec Action Mutante De La Iglesia dynamitait le cinéma espagnol, ouvrant la voie à toute une génération d’autres jeunes auteurs (Jaume Balaguero, Nacho Cerda, Paco Plaza…) qui n’en demandaient pas tant. Une pierre blanche qui fait beaucoup de bruit.
Image
Le Chat qui fume fournit une très impressionnante restauration d’Action Mutante, avec tout le barda attendu en coulisses (scan 4K et négatifs passés au crible), permettant d’assurer une image d’une propreté immuable (passé les premières minutes « télévisées »), une stabilité massive et surtout un déploiement de couleurs, de dégradés, de contrastes et de noirs qui en met plein la tronche. Le film se débarrasse de nos souvenirs de vieilles présentations cradingues, granuleuses et ternes pour retrouver toute sa fougue juvénile et son intensité argentique. Le Dolby Vision fait des petits miracles et le tout resplendit de mille feux (ou un truc comme ça).
Son
Malgré de jolis efforts, la version doublée française n’a jamais réussi à vraiment approcher la folie de la version originale. Celle-ci est proposé dans un mixage DTS HD Master Audio 5.1 récent qui s’efforce de creuser la dynamique de l’ensemble et de disposer quelques atmosphères latérales et arrières plus enveloppantes et modernes. Pas toujours totalement convaincant, avec du coup une légère baisse de régime sur les dialogues et les avants, qui fera sans doute préférer le DTS HD Master Audio 2.0 plus proche des intentions, frontales, d’origine. A noter qu’il s’agit bien là de la version espagnole intégrale comportant, comme il se doit, les petits emprunts au thème de Mission Impossible, parfois retirés des copies internationales.
Interactivité
Action Mutante a les honneurs d’une sortie associant digipack et fourreau cartonné, format autrefois privilégié par Le Chat qui fume et qui, coût de production oblige, a désormais tendance à se faire plus rare. L’objet est toujours aussi réussi avec son visuel sobre et efficace.
A l’intérieur, si le disque UHD se contente de proposer la bande annonce d’origine, le Bluray se fait plus généreux en replaçant le très sympathique Making of d’époque combinant des interviews d’un tout jeune Alex de la Iglesia et d’un producteur, Almodovar, jouant les Monsieur Loyal bienveillant sur le plateau. On y observe la mise en place de la séquence du mariage, la fabrication de quelques décors ou effets spéciaux, les séances de maquillage et plus généralement une ambiance de plateau particulièrement studieuse. Mêmes sensations sur le complémentaire « Tournage du film » compilation d’instantanés supplémentaires capturés sur les différents plateaux. Du coté des archives l’édition propose aussi le clip du group métal Def Con Cos qui entonne avec ferveur la fameuse chanson générique.
A cela l’éditeur a décidé d’ajouter une interview inédite, tourné dans des conditions très proches de celle des camarades Extralucid pour Le Jour de la bête, Perdita Durango et Balada Triste, où le cinéaste qui a désormais pris de la bouteille revient sur sa première œuvre. Ses courts métrages, sa rencontre avec Pedro Almodovar qu’il considère comme un mentor et une figure incontournable du monde culturel, le tournage du film avec une équipe inexpérimenté mais motivé comme lui, sa fougue et ses erreurs de jeunesses… On sent, malgré la lucidité, le regard bienveillant du papa fier devant son grand premier.
Liste des bonus
« Bonbon amer » : Interview de Álex de la Iglesia (21’), Making of avec interviews d’Álex de la Iglesia et de Pedro Almodóvar (28’), Tournage du film (34’), Clip vidéo, Bande-annonce.