ACHOURA
France, Maroc – 2018
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Tala Selhami
Acteurs : Sofiia Manousha, Younes Bouab, Omar Lotfi, Iván González, Moussa Maaskri, Mohamed Choubi
Musique : Romain Paillot
Image : 2.35
Son : Français et arabe DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1
Sous-titre : Français
Durée : 96 minutes
Distributeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 décembre 2022
LE PITCH
Jouant à se faire peur, quatre jeunes se rendent dans une demeure condamnée, réputée maudite. L’un d’eux disparaît dans des circonstances mystérieuses. Les trois survivants refoulent le souvenir de ce qui s’est passé, jusqu’à ce que Samir ne resurgisse 25 ans plus tard. La bande recomposée va devoir se confronter à son passé.
La croisade des enfants
Seconde réalisation de Talal Selhami après un premier essai, Mirage, dont on attend toujours une distribution officielle en France, Achoura a certes connu un destin moins confidentiel, mais pas beaucoup plus aisé. Après cinq ans d’attente et grâce au Chat qui fume, le film connaît enfin une sortie française directement en vidéo. La conclusion d’un long parcours du combattant.
Tala Selhami a clairement à cœur de faire vivre un cinéma de genre marocain, d’y ouvrir une nouvelle voie en dehors des carcans des films d’auteurs et des grosses comédies populaires (un peu comme en France) même si manifestement cela ne lui facilite vraiment pas la tâche. Son premier film Mirage, en plus de n’avoir jamais eu de distributeur chez nous, a déjà été marqué par de nombreux compromis, mais son second Achoura aura finalement connu une longue gestation laborieuse. Une production bousculée, entre autres, par la faillite du coproducteur français (suivi d’une difficile récupération des droits) ou l’abandon tardif de la première société d’effets spéciaux, là où déjà l’entreprise d’un film d’horreur ancré dans un Maroc contemporain et loin de la carte postale touristique n’allait certainement pas de soi. Des aléas qui sont malheureusement plus que perceptibles dans le film achevé, en particulier du coté d’effets numériques pas des plus heureux, avec une créature en images de synthèses bien datée là où son homologue en animatronique, trop rare, rend admirablement hommage au recherches visuelles d’Alex Tuis (Logan, Horsehead).
La vengeance du djinn
Dommage pour cette créature pourtant centrale dans le film, évocation moderne du croquemitaine traditionnel Boughattat, ré-imaginée ici comme un dévoreur d’enfant et personnification d’un passage à l’âge adulte et de l’anéantissement de l’innocence. Un vrai film de monstre donc qui au-delà de son authentique curiosité culturelle vient surtout proposer une relecture tout à fait personnelle de l’œuvre de Stephen King, entre quelques images extirpées des Enfants du Maïs et surtout une structure générale éditée du chef d’œuvre ça. Un affrontement en deux époques donc avec d’un coté un souvenir d’enfance refoulé et de l’autre un groupe d’adultes dispersés et bien traumatisés qui vont devoir enfin mettre fin à ces disparitions inexpliquées d’enfants. L’atmosphère de conte glauque est parfaitement installée, la mythologie parfois malaisante est bien en place, la réalisation démontre constamment le savoir-faire du cinéaste, mais l’ensemble trime à prendre forme, empêtré dans une chronologie éclatée inutilement tarabiscotée et des personnages qui peinent vraiment à exister. Quelques choix curieux au montage certes, mais aussi avant tout d’énormes défauts dans la direction des acteurs, rarement convaincante du côté des adultes (excepté Moussa Masskri toujours aussi imposant), totalement calamiteuse concernant les enfants, et qui ne cesse d’handicaper les ambitions sincères du métrage.
On y sent constamment poindre un univers étouffé, limité par une durée trop courte et mal maîtrisée, par des concessions budgétaires, techniques et artistiques, dont seuls quelques belles fulgurances viennent attester des talents évidents de son auteur. Espérons vraiment qu’une troisième chance lui sera donné et que cette-fois il puisse vraiment mener sa vision sans subir les coups du sort.
Image
Le Bluray d’Achoura propose aisément un transfert solide et de très belle qualité. La source uniquement numérique est parfois perceptible sur quelques plans plus softs ou de légers reflets de lumières symptomatiques, mais l’ensemble affirme une belle tenue avec une définition bien creusée, et un traitement très soignée des couleurs et des noirs. Un master habilement contrasté, naturellement plus pointu encore lors des quelques séquences d’extérieur jour, mais qui du coup à tendance aussi à rendre les incrustations numériques plus visibles encore.
Son
La version originale du film mariant les langues française et arabe en fonction des scènes et des protagonistes est disponible dans deux mixages. Le classique 2.0 plutôt sobre et frontal idéalement propre pour ceux qui n’ont pas d’installation à la maison, et le plus généreux et spectaculaire DTS HD Master Audio 5.1 qui rappelle constamment les ambitions atmosphériques du film avec une dynamique bien marquée et des effets particulièrement enveloppants.
Interactivité
Le Chat qui fume a produit une édition particulièrement chargée par Achoura, avec tout particulièrement une large place laissée aux interventions du réalisateur Talal Selhami que ce soit par le biais de son commentaire audio ou de sa longue interview inédite. Il y discute sans détours des nombreux soucis rencontrés par la production du film et des faiblesses résultantes à l’écran, tout autant que ses ambitions premières, ses influences, son approche du genre et de la culture marocaine. Des propos toujours francs et particulièrement intéressants donc on retrouve encore des échos dans un segment consacré aux effets spéciaux (avec des extraits de storyboard et de design faisant état de visions plus impressionnantes) ou lors du long making of en forme de journal de bord. Un court entretien sur la musique du film et des rencontres plus complètes avec la productrice Lamia Chraïbi et les acteurs Sofiia Manousha et Ivan Gonzalez complètent parfaitement l’ensemble.
Liste des bonus
Le film par Simon Laperrière (19′), accents québécois (1′), Film-annonce (2′).