A L’EST D’EDEN
East of Eden – Etats-Unis – 1954
Support : 4K UHD
Genre : Drame
Réalisateur : Elia Kazan
Acteurs : James Dean, Julie Harris, Raymond Massey, Burl Ives, Richard Davalos, Jo Van Fleet…
Musique : Leonard Rosenman
Durée : 117 minutes
Son : Dolby Atmos, Dolby TrueHD 7.1, DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 Anglais, Dolby Audio 2.0 Français, allemand, italien…
Sous-titres : Français, Allemand, Italien…
Editeur : Warner Bros. Entertainment France
Date de sortie : 22 novembre 2023
LE PITCH
1914. Adam Trask exploite ses terres à Salinas Valley, aidé par ses deux fils, Cal et Aaron. Tous deux croient que leur mère est morte. Cal est persuadé que son père ne l’aime pas. Un jour, il apprend que sa mère n’est pas morte mais qu’elle tient une maison close. Dès lors, ses rapports avec son père vont se dégrader de plus en plus…
On ne choisit pas sa famille
Faisons simple : Si vous voulez voir la meilleure interprétation de James Dean, courrez voir A l’Est d’Eden. Si vous voulez découvrir le meilleur film d’Elia Kazan regardez A l’Est d’Eden. Si vous voulez lire le meilleur livre de John Steinbeck ouvrez A l’Est d’Eden. Les raisons sont multiples et justifiées.
La Bible, livre historique indémodable. Mythologique pour les uns, vivier spirituel pour les autres. Selon où l’on se place, elle reste une source inépuisable pour le monde en général et le cinéma en particulier qui s’accaparent de ces récits d’une manière frontale chez Cecil B. Demille ou significative comme ici. C’est dans la thématique du premier livre de la Genèse que John Steinbeck puise le cœur de son nouveau roman. A l’est d’Éden n’est ni plus ni moins qu’une retranscription fantasmée de l’histoire d’Abel et de Caïn (enfants d’Adam et Eve). Chassé du jardin d’Éden pour le meurtre de son frère, Cain part errer dans l’Est du pays à la recherche de sa nouvelle identité. L’auteur des Raisins de la colère et Des souris et des hommes se fait une spécialité de la mise en abyme de l’âme humaine. Son nouveau roman creuse davantage le sillon. Il n’a de cesse de développer les racines de notre humanité. A l’Est d’Éden s’articule autour de deux frères que les choix vont séparer. Quand l’un fait le bonheur du père, le second n’a de cesse de l’exaspérer. Il ressemble trop à cette mère partie du jour au lendemain voir l’herbe pas plus verte ailleurs, laissant la fratrie aux mains d’un père aimant, rigide mais protecteur à l’image de Dieu dans la Bible. Drame majeur, le récit peut vite être plombant mais la finesse d’écriture de Steinbeck emporte le lecteur dans la recherche de cette mère absente, pivot central de l’enfance, ce jardin d’Éden perdu.
La fureur de « vouloir » vivre
Le fait que le réalisateur Elia Kazan s’empare du roman est d’une logique implacable tant son univers fait corps avec les thématiques du roman (l’auteur et le metteur en scène avaient déjà collaboré sur Viva Zapata). Psychologue des sentiments humains, il ne cesse de leur chercher la rédemption ; Le lys de Brooklyn, Un tramway nommé désir, Sur les quais abordent déjà cette lutte des sentiments. Kazan, continue la mission qu’il s’est donné. Il renouvelle l’exploit, en tournant son film en couleurs et en cinémascope (une première chez lui), pour lui donner davantage de relief humain. Le pari est réussi, son film est un miroir déformant de la réalité. Il pense chaque scène. Sa gestion de l’espace est d’une infime méticulosité appuyant les sentiments tourmentés de ses personnages. Les cadrages s’approchent ou s’éloignent selon les points de vue, la palette de couleurs utilisée et les jeux de lumières ne sont jamais anodins à l’image des dialogues. Les conversations malaisantes mais nécessaires avec le patriarche se trouvent décadrées pour souligner le trouble envahissant des contradictions ; la montée en puissance de la guerre et la haine de l’autre est habilement amenée en filigrane. Kazan se fait sociologue. On y observe beaucoup dans son film ; des regards derrière les rideaux, des visages cachés par des blocs de glaces, des ombres derrière un arbre…. Un film d’une qualité rare à la mise en scène impressionnante de maîtrise. Bien sûr, chaque acteur à l’écran est à sa place, juste et irréprochable dans leur rôle ; mais il y a surtout le jeunot James Dean. Enfant de l’Actors studio, il y fait la connaissance d’Elia Kazan. Cet écorché vif habite son rôle. De tous les plans, il n’hésite pas à se mettre en danger à la limite du surjeu. James Dean nous livre une interprétation à la palette de jeux inoubliables à moins que ce ne soit son âme qui se dévoile devant nos yeux.
Sept décennies après sa création, le film est bien à la hauteur de sa réputation. La finesse d’écriture nous plonge dans les sentiments les plus enfouis de l’espèce humaine. Là où sont cachés nos peurs, nos regrets, notre identité, notre rédemption, notre jardin secret, notre Éden.
Image
Warner fête son centenaire en donnant une nouvelle jeunesse à ses classiques. A l’Est d’Eden mérite bien ce cadeau. Issue d’un master 4k bénéficiant de la technologie HDR 10, la copie offre un étalonnage rendant justice au technicolor. Une colorimétrie tranchée, des images lumineuses et des noirs soutenus. Si la texture argentique a de beaux restes, les gros plans, eux peuvent sur certaines séquences souffrir d’une définition moins nette et contrastée rappelant dans ces moments l’âge du film.
Son
Les puristes se rueront sur la version 2,0 très claire et frontale. Mais il peut être dommage de passer à côté du mixage en Dolby Atmos qui joue habilement sur des dialogues clairs et une bonne dynamique musicale. Il s’y détache par moments des ambiances simples et convaincantes comme les passages orageux et les bruits des trains en fond sonore. Les francophiles ne sont pas en reste ; le doublage s’intègre parfaitement à la piste sans empiéter sur la musique bien présente de Leonard Rosenman.
Interactivité
On aurait pu penser que l’évolution vers la 4k allait également upgrader les bonus Warner mais, que nenni. L’éditeur continue à proposer ses commentaires audios en vo non sous-titrée. Une perte considérable pour les non anglophiles sachant que Richard Schikel est un excellent érudit de l’histoire hollywoodienne. Pire, les bonus du blu-ray ont littéralement disparus.
Liste des bonus
Commentaire audio de Richard Schickel.