À LA RECHERCHE DE GARBO
Garbo Talks – États-Unis – 1984
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Sidney Lumet
Acteurs : Ron Silver, Anne Bancroft, Carrie Fisher, Catherine Hicks, Howard Da Silva, Harvey Fierstein, Steven Hill, …
Musique : Cy Coleman
Durée : 104 minutes
Image : 1.85:1, 16/9ème
Son : Anglais & Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : L’Atelier d’Images
Date de sortie : 18 octobre 2022
LE PITCH
Atteinte d’une tumeur au cerveau qui ne lui laisse que quelques mois à vivre, Estelle Rolfe transmet sa dernière volonté à son fils Gilbert : rencontrer la star Greta Garbo. Comptable modeste et timide, le jeune homme va tout faire pour réaliser le rêve de sa mère, …
Une Femme en colère
Injustement méconnu, À la recherche de Garbo appartient à la veine plus intimiste de la filmographie de Sidney Lumet. Tout en livrant ce qui s’apparente à un feel-good movie plutôt typique des années 80, le réalisateur de Serpico et du Verdict transforme la quête loufoque et impossible d’un introverti en éveil humaniste. Il y est notamment question de conscience politique et sociale, de liberté, d’amour et de persévérance.
Unique scénario de Larry Grusin pour le grand écran (tout le reste, à savoir peu de choses, sera pour la télévision), À la recherche de Garbo débute sur un malentendu tout à fait intentionnel. Sur une musique absolument superbe du compositeur et jazzman Cy Coleman et tout en animation, le générique d’ouverture déroule la vie d’Estelle Rolfe, de son adolescence à ses années de femme d’âge mûr. Sa passion pour l’actrice Greta Garbo, son fils unique et ses innombrables engagements politiques sont mis en avant et le spectateur est alors persuadé qu’Estelle, incarnée par une Anne Bancroft en très grande forme, sera le personnage principal du film. Et Sidney Lumet de persister habilement sur cette fausse route pendant une bonne vingtaine de minutes. La toute première scène revient à Estelle, toute seule dans son lit, entourée de livres et pleurant devant un film (Camille, de George Cukor). Gilbert, le fils d’Estelle, est introduit en second et ne sert alors qu’à nous ramener vers la vielle dame qui vient de se faire arrêter par la police pour vol à l’étalage. Un geste de désespoir ? Niet. Estelle est une habituée des coups d’éclats et des arrestations. Elle se plaint de son traitement en cellule, elle interpelle un policier noir en lui suggérant de réfléchir au fait qu’il est peut-être un traître à sa cause et un alibi pour une police majoritairement blanche et raciste et elle donne une leçon mémorable à des ouvriers de chantier sifflant et insultant les belles femmes qui passent depuis le haut de l’immeuble où ils travaillent. Outre la simplicité, la verve, l’humour et l’intelligence avec laquelle le regretté cinéaste vient rappeler au public de 2022 que Black Lives Matter et MeToo n’ont rien inventé, il prend fait et cause pour la daronne Bancroft, dont la révolte est typique de son cinéma. Puis, en un retournement de situation, Lumet change son fusil d’épaule et braque sa caméra sur Gilbert, trentenaire totalement effacé, contraint au silence par sa femme, son travail et la personnalité écrasante de sa mère.
Le prince de New York
Si À la recherche de Garbo s’avère plus léger et solaire que bien d’autres films de Sidney Lumet, à deux doigts du conte de fées pour ainsi dire, ce n’est pas un hasard. Réaliste et lucide quant au sort que la société réserve aux idéalistes et aux contestataires, il n’a en revanche jamais cessé d’encourager et d’applaudir avec enthousiasme (fut-il de courte durée) l’éveil des consciences. En partant à la recherche de la star recluse Greta Garbo, Gilbert s’éloigne progressivement d’un emploi et d’un mariage qui l’étouffent et les rencontres qu’il va faire en chemin vont le changer à tout jamais. Farfelue, excentrique, la dernière volonté d’une Estelle mourante va essentiellement servir de déclencheur pour un passage de relais entre une mère et son fils. Gilbert va tout d’abord mettre un terme aux caprices de sa femme (Carrie Fisher, cassant avec brio l’image de la Princesse Leïa) avant d’envoyer se faire foutre un patron méprisant au sourire d’abruti autosatisfait. Avant cela, il aura fait connaissance avec un paparazzo vieillissant, une vieille femme agent artistique sur le déclin, un homosexuel bavard et solitaire (merveilleux Harvey Fierstein) et une secrétaire qui rêve de devenir actrice et qui en pince en secret pour Gilbert. Et le trait commun de cette galerie de personnages ? L’art. L’art qui fait bouger des montagnes, qui déclenche des révolutions et réveille des émotions que l’on croyait enfouies à tout jamais ou dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Sur le fond et sans prévenir, Sidney Lumet livre un film très personnel où il révèle son propre rapport à l’art. Lumet se reconnaît au travers de Gilbert et l’amour d’Estelle pour la danse est un clin d’œil discret à la mère du cinéaste, elle-même danseuse.
Bien qu’il soit difficile de mettre de côté LA scène du film où Anne Bancroft délivre avec brio un monologue bouleversant de près de sept minutes, face caméra et sans la moindre coupe, À la recherche de Garbo offre à Ron Silver alors âgé de 37 ans son plus beau rôle. Ancré dans la mémoire cinéphile pour les salopards qu’il incarnera plus tard dans Blue Steel, Timecop ou The Arrival, Silver est excellent mais manque toutefois de charisme et n’est pas aussi attachant que prévu. Le rôle de Gilbert exige certes ce déficit de présence mais le choix s’avère par instant à double tranchant et explique sans doute l’échec total du film en salles. Dommage que Lumet n’ait pas fait le choix de remettre le couvert avec Timothy Hutton, tête d’affiche de son film précédent, Daniel, autre joyau sous-estimé et échec XXL au box-office. Décidément.
Image
Invisible jusqu’à aujourd’hui en France et sur quelque support que ce soit, le 31ème long-métrage de Sidney Lumet nous parvient dans une copie de tout premier ordre. Le grain est présent mais sait se faire discret, il y a bien un ou deux points blancs qui se baladent dans un coin du cadre et les contrastes manquent parfois de robustesse mais ce n’est pas non plus ce que réclame la photographie très subtile d’Andrzej Bartkowiak. La définition est au poil, même en basse lumière, et la colorimétrie sait se faire remarquer au moment voulu, notamment lors d’une dernière scène joliment printanière.
Son
Très belle version française restaurée mais qui ne fait pas le poids face à une version originale plus aérée et dynamique. La musique de Cy Coleman y est plus pêchue et les ambiances new-yorkaises ressortent avec davantage de précision et de pureté.
Interactivité
Un peu hésitant mais avec sincérité, Christophe Narbonne revient sur la carrière de Sidney Lumet et la place tout à fait unique qu’À la recherche de Garbo occupe au sein de celle-ci. Il revient ensuite sur une poignée de séquences dont il analyse le contenu. Certains propos sont passionnants mais on aurait aimé qu’ils soient plus étoffés, en particulier sur l’art de la mise en scène de Lumet. Les néophytes y trouveront néanmoins leur compte.
Liste des bonus
« Une conscience humaniste » par Christophe Narbonne, journaliste et auteur (15 minutes) / Analyse de séquences par Christophe Narbonne (5 minutes) / Bande-annonce originale.