A BOUT DE SOUFFLE, MADE IN USA

Breathless – Etats-Unis – 1983
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Jim McBride
Acteurs : Richard Gere, Valérie Kaprisky, Art Metrano, John P. Ryan, William Tepper, Robert Dunn…
Musique : Jack Nitzsche
Durée : 100 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais Mono DTS-HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : BQHL Éditions
Date de sortie : 21 novembre 2024
LE PITCH
Petit malfrat spécialisé dans le vol de voitures, Jesse Lujack quitte Las Vegas pour Los Angeles dans l’espoir d’empocher une coquette somme d’argent et de séduire Monika, une étudiante française, dont il est tombé éperdument amoureux. En chemin, il est arrêté par un policier qu’il abat par accident…
Pulp fiction
Premier effet Kiss Cool, le réalisateur new-yorkais Jim McBride est parvenu à imposer sa vision singulière sur un projet pour le moins saugrenu, livrant un long-métrage à la fois distinct et complémentaire du classique de Jean-Luc Godard dont il est le remake. Deuxième effet Kiss Cool, À bout de souffle, made in U.S.A. échoue à hisser son couple glamour au niveau de celui jadis formé par Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg, le résultat d’un casting désincarné.
Question à un million d’euros : qu’est-ce qui a bien pu pousser le producteur Martin Erlichman (celui qui a « découvert » la chanteuse Barbra Streisand) a se lancer dans un remake d’À bout de souffle de Jean-Luc Godard, film emblématique de la Nouvelle Vague française, avec deux décennies de retard et l’appui financier d’Orion Pictures et de la MGM ? Le mystère demeure mais on peut se dire qu’il a eu le nez creux en confiant les rênes de ce traquenard à Jim McBride, un cinéaste discret et très éloigné du microcosme hollywoodien. S’emparant sans réserve d’un script signé par le débutant L.M. Kit Carson (qui écrira plus tard Paris, Texas pour Wim Wenders et Massacre à la tronçonneuse 2 pour Tobe Hooper, deux salles, deux ambiances !), Jim McBride ne se contente pas de délocaliser l’action à Los Angeles et d’inverser les nationalités de ses deux protagonistes principaux. Il se désolidarise de l’approche provocatrice et visionnaire de Godard pour livrer une romance décalée et crépusculaire, tournée vers le passé plutôt que vers l’avenir. Il rejette également la nonchalance du film de 1960 pour un sentiment d’urgence et un fatalisme pop qui font mouche. Son anti-héros, Jesse Lujack, semble émerger d’une autre époque, à mi-chemin entre les 50’s et les 60’s, ne dérobant le plus souvent que des bolides incarnant un rêve américain désuet à l’aube des années 80. Sapé comme le bad boy du rock n’ roll Jerry Lee Lewis (l’utilisation de son tube « Breathless » dans la bande originale tombe à pic!), il se perd dans la lecture des aventures du Silver Surfer, le personnage de comics le plus mélancolique et le plus métaphysique qui soit et place l’amour fou au sommet de ses idéaux. Ce ton si particulier, annonciateur d’un cinéma indépendant hollywoodien dont la cool attitude ne parvient pas tout à fait dissimuler des pulsions morbides de plus en plus évidentes, se marie à merveille avec des décors californiens qui montre ainsi l’envers de Los Angeles, entre couleurs pastel et quartiers décrépis et abandonnés.
Amour, gloire et beauté
Qu’À bout de souffle, made in U.S.A. soit ainsi parvenu à imposer une identité qui n’appartient qu’à son metteur en scène est une franche réussite, pour le moins inattendue. Malheureusement, son impact est amoindri par une double erreur de casting, à la fois compréhensible et regrettable.
Devenu une star grâce aux succès consécutifs d’American Gigolo et Officier et Gentleman, Richard Gere pouvait en première lecture apparaître comme le choix idéal pour camper Jesse Lujack. Beau gosse, charismatique, bon acteur, celui qui fit une percée remarquée dans les sublimes Moissons du ciel de Terrence Malick ne pouvait que faire un malheur dans la peau d’un voyou tragique et romantique. Très appliqué et calculé jusque dans la moindre tentative de cabotinage, le jeu de Gere manque au contraire cruellement de spontanéité et de folie. Ses inspirations, de James Dean à Marlon Brando en passant par Tony Curtis et Peter Fonda, sont louables mais il ne parvient jamais à s’extraire d’un « cool » trop préfabriqué pour être honnête.
Le constat est plus sévère pour Valérie Kaprisky. Choisie au terme d’un immense casting réalisé à Paris, l’actrice et ancienne mannequin, alors âgée de 19 ans, ne pouvait pas être plus à l’opposée de l’image de garçon manqué renvoyé par Jean Seberg dans le film culte de Godard. Incarnant le fantasme par excellence de « la petite française », sorte de lolita à la sensualité explosive, Kaprisky se contente d’offrir au rôle de Monika sa plastique de rêve et semble ailleurs le reste du temps. Trop distante, trop en surface, la jeune femme se fait bouffer toute crue par ses partenaires et ne parvient guère à susciter autre chose qu’un ennui poli.
Même privé d’un puissant ancrage émotionnel, À bout de souffle, made in U.S.A. a l’immense mérite de ne ressembler à aucun autre film de son époque et puise sa force dans un entre-deux culturel et formel qu’un certain Quentin Tarantino s’emploiera consciencieusement à piller pour son célèbre Pulp Fiction, lequel se réclame aussi de Godard. La boucle est bouclée.
Image
Déjà très moyen à l’époque de sa sortie en 2001, le DVD jadis édité à la sauvette par MGM ne fait clairement pas le poids face au master très solide que nous propose ici BQHL et qui ressemble à s’y méprendre à celui du bluray US de Shout Factory. L’image est propre, avec une définition très douce et des couleurs joliment restituées. On détecte toutefois un excès de fourmillement dans les scènes sombres ainsi que des effets de lissage très brefs mais évidents lors de quelques dénudées en intérieur.
Son
Difficile de reconnaître la voix de Lambert Wilson doublant Richard Gere dans une version française très frontale et beaucoup trop faiblarde pour emporter l’adhésion. Plus musclée, la version originale semble trop souvent à l’étroit dans son mixage mono. C’est propre et clair, mais une stéréo plus développée n’aurait pas fait de mal.
Interactivité
Exclusif à cette édition, un long entretien récent avec Valérie Kaprisky lève timidement le voile sur un tournage américain très professionnel mais qu’elle semble avoir vécu comme un rêve, sur un petit nuage. On reste donc dans le vague malgré une poignée d’anecdotes amusantes. On retrouve aussi un making-of d’époque qui ressemble en fait davantage à une bande promo où Valérie Kaprisky nous est présentée comme la nouvelle star glamour d’Hollywood. Une archive pour le moins étrange et cocasse.
Liste des bonus
Entretien avec Valérie Kaprisky (36’), Making-of.