99 FEMMES
99 Women – Allemagne / Italie / Royaume-Uni – 1969
Support : Bluray & DVD
Genre : Érotique, Prison
Réalisateur : Jess Franco
Acteurs : Maria Schell, Herbert Lom, Mercedes McCambridge, Luciana Paluzzi, Maria Rohm, Rosalba Neri, …
Musique : Bruno Nicolai
Durée : 89 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français et Anglais LPCM 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Artus Films
Date de sortie : 17 mai 2022
LE PITCH
Envoyées au pénitencier de Castillo de la Muerte, sur une petite île du Pacifique, des jeunes femmes vont tenter de survivre à la tyrannie et aux sévices imposées par la perverse et sadique directrice Diaz, …
Au gnouf !
Nouvelle salve Jess Franco chez Artus Films, consacrée cette fois-ci à la fin des années 60 et aux productions Harry Alan Towers. Entre une libre adaptation du Marquis de Sade (Justine ou les infortunes de la vertu) et les jugements sanglants de Christopher Lee (Le Trône de feu), 99 Femmes marque la première incursion du cinéaste espagnol dans le sous-genre du film de femmes en prison. Un essai pas toujours concluant mais néanmoins passionnant et où l’érotisme attendu s’efface peu à peu devant des saillies psychédéliques et anarchistes et un discours de fond profondément pessimiste.
Dans sa définition du Women in prison ou WIP, Wikipedia nous propose cette formule d’une clarté exemplaire : « Le genre Women in prison (litt. « Femmes en prison » en anglais) est un thème particulier du cinéma d’exploitation où des prisonnières subissent des sévices dégradants afin d’exciter ou de dégoûter le spectateur. » Avec 99 femmes, l’oncle Jess se propose donc de nous exciter (un peu), de nous dégoûter (beaucoup) mais aussi, cerise sur le gâteau tiède, de nous pousser à la réflexion sur la misogynie et les profondes injustices du système carcéral, qu’il soit à la solde d’une dictature ou d’une démocratie.
Le film s’ouvre sur l’image d’une charogne livrée aux mouches sur une plage qui n’a rien d’idyllique. Trois femmes s’ont amenées par bâteau sur l’île où elles seront emprisonnées. Une rousse (l’ancienne James Bond girl d’Operation Tonnerre, Luciana Paluzzi), une blonde (la sublime Maria Rohm) et une brune (Elisa Montes) … en tenue de cabaret ! Le tout au son de la chanson très très pop « The Day I was born » de Bruno Nicolai. Dans la cour du pénitencier, le trio est échangé contre le cadavre d’une prisonnière et « accueilli » par la directrice Diaz, petit bout de femme incarnée avec une sévérité caricaturale et presque risible par une Mercedes McCambridge aux antipodes de l’icône ultra-sexualisée de la dominatrice Dyanne Thorne, inoubliable Ilsa, louve des SS. Avant même de désaper ses actrices pour le plus grand plaisir des pervers ayant payé leur place, Jess Franco souffle déjà le chaud et le froid, entre imagerie bizarre et colorée et réalisme sordide.
Qui aime bien, châtie bien
Célèbre pour avoir su enchaîner séries B et Z avec une boulimie hors du commun sans se départir d’une vraie politique d’auteur, le cinéaste espagnol s’est en revanche souvent pris les pieds dans le tapis sur la question du rythme et de la direction d’acteurs. Deux reproches qui peuvent s’appliquer à ce 99 femmes où traverser la première heure sans piquer du nez ou ne pas s’arracher les cheveux devant un casting en pilotage automatique relève parfois de l’exploit. Heureusement, entre un dernier acte qui prend le large avec une évasion et une traque haletante en pleine jungle et l’implication de Maria Schell, déterminée à rendre crédible son personnage d’enquêtrice « bienveillante » (tout le contraire d’Herbert Lom, dont la prestation lunaire trahit une présence purement contractuelle), Franco relève la barre et ne sombre jamais dans les tréfonds du bis je m’en foutiste.
Si l’on met de côté deux scènes où s’illustre la très sensuelle Rosalba Neri, d’abord dans une étreinte saphique où la caméra balance du désir au malaise en jouant sur les focales et la mise au point puis dans un flash-back ésotérique tout en jeux de lumières qui annoncent le génial, jazzy et mortifère Venus in Furs, la mise en image de Jess Franco se révèle le plus souvent fonctionnelle. Contraint par sa note d’intention et les attentes du public, 99 femmes coche avec application toutes les cases du WIP : les coups de fouet, les bagarres, les petites tenues et l’image d’Épinal de la blonde enchaînée et suspendue dans une cellule crasseuse. Mais les enjeux sont ailleurs. Tout d’abord, Franco s’attache une fois de plus (et oui!) à illustrer la difficile condition des femmes, condamnées à servir de poupées pour des mâles libidineux, jetées en prison pour leurs mœurs supposés scandaleuses ou, pire encore, pour ne pas s’être laissées faire face à un agresseur. Enfin, le décor donne au cinéaste l’opportunité de se livrer à un plaidoyer contre l’injustice du système carcéral où il ne peut y avoir de dignité ou d’humanisme puisqu’il s’agit en fin de compte de jeter dans une cellule, d’isoler, de punir et de priver de droits. Et tout le film de se résumer à la tentative désastreuse et pathétique du personnage de Maria Schell d’apporter une façade acceptable en un lieu où l’acceptable, par essence, n’a pas sa place. Une évasion avortée, une révolte sans victoire et un abandon : 99 femmes se termine dans les larmes, les crachats et la résignation. Venez pour le soleil et les nanas, repartez avec un sale goût dans la bouche.
Image
Beaucoup de scènes souffrent d’un abus d’edge enhancement et le bruit vidéo parasite la définition. Un sacré bémol qui contraste pourtant avec des intérieurs parfois plus convaincants avec un bon traitement des sources de lumière et une compression solide. La copie est, dans l’ensemble, on ne peut plus propre, avec un grain limité.
Son
La version française présente des différences parfois flagrantes avec la version originale. Si la première met l’accent sur les dialogues et des ambiances agressives, la seconde laisse davantage de place au score de Bruno Nicolai. Des écarts de mixage qui s’expliquent par l’exploitation tardive (et sous un autre titre et avec un montage remanié) du film dans l’Hexagone.
Interactivité
Spécialiste de Jess Franco militant ouvertement pour la réhabilitation de l’impressionnante filmographie du cinéaste, Stéphane du Mesnildot fait reposer l’essentiel de sa présentation sur un portrait mi-figue, mi-raisin d’Harry Alan Towers, producteur insaisissable et aventurier à la réputation sulfureuse, ce qui lui laisse un tout petit peu moins de temps pour causer du casting ou de la mise en scène. Attaché à l’exhaustivité, Artus Films a tenu à inclure le montage français de 1974, plus court de huit minutes, et renommé Les Brûlantes, le tout dans une qualité d’image plus que correcte et même un tantinet plus lumineuse que la copie internationale. En revanche, aucune trace des inserts hards mais, vu leur incongruité, on ne s’en plaindra pas.
Liste des bonus
Montage français (SD, 81 minutes, VF PCM 2.0) / « Brûlante prison » : présentation par Stéphane du Mesnildot (21 minutes) / Diaporama d’affiches et photos (2 minutes) / Bande-annonce originale / Bandes-annonces de la collection Jess Franco.