5 TULIPES ROUGES
France – 1949
Support : Bluray
Genre : Policier, Sport, Comédie
Réalisateur : Jean Stelli
Acteurs : Suzanne Dehelly, Jean Brochart, René Dary, Pierre Louis, Raymond Bussières…
Musique : René Sylviano
Durée : 97 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Anglais
Editeur : Pathé
Date de sortie : 16 octobre 2024
LE PITCH
Au cours du Tour de France, plusieurs coureurs en tête de la course, portant le célèbre maillot jaune, sont retrouvés assassinés. Le meurtrier laisse systématiquement une tulipe rouge à côté des corps, telle une signature macabre. L’enquête est menée par l’inspecteur Ricoul, aidé par la téméraire journaliste Colonelle, qui mettront tout en ?uvre pour découvrir l’identité du criminel.
Mais qui en veut au maillot jaune ?
Dans une ambiance à la fois légère et mystérieuse, Cinq tulipes rouges mêle le suspense d’un polar à l’effervescence du Tour de France. Réalisé par Jean Stelli, le film propose une exploration originale de l’univers du cyclisme tout en plongeant le spectateur dans une enquête captivante. En tant que témoignage d’une France gouailleuse et d’un cinéma populaire de l’après-guerre, il constitue une petite rareté qui mérite d’être redécouverte.
Il n’est pas commun de voir le Tour de France au cœur d’un film. Pourtant, avec Cinq tulipes rouges, Jean Stelli n’en est pas à son premier coup d’essai : il avait déjà réalisé Pour le maillot jaune, un autre film autour de la Grande Boucle, teinté de romantisme. On devine que le réalisateur nourrissait une véritable passion pour le cyclisme, car dès les premières images de Cinq tulipes rouges, l’authenticité du film est frappante. Et pour cause : il a été tourné au beau milieu du Tour de France 1948. Le spectateur est alors plongé dans les coulisses de la caravane, au plus près des relations entre les coureurs et leurs directeurs techniques. On s’émerveille devant les paysages majestueux qui défilent au rythme des étapes tout en étant immergés dans les coulisses médiatiques de l’événement. Le Tour de France est autant un événement sportif qu’une vitrine promotionnelle pour L’Équipe dont le logo omniprésent dans le film pourrait presque passer pour du placement de produit (spoiler : c’en est !). L’importance du journalisme est telle que l’un des deux personnages principaux n’est autre qu’une journaliste autour de laquelle se cristallise une belle galerie de personnages pittoresques incarnés par des visages connus tels que René Dary (la série Belphégor), Pierre Louis (La Vache et le prisonnier) ou encore Raymond Bussières (Quai des Orfèvres).
« Ah bah v’la aut’ chose ! »
Puis, l’intrigue bascule avec l’apparition des meurtres. C’est là qu’entre en scène un commissaire de police tout droit sorti d’un roman de Simenon. À partir de ce moment, le récit se teinte de mystère. Le commissaire Ricoul, campé par Jean Brochard (Les Diaboliques) avec une sobriété assumée, n’impressionne ni par son esprit aiguisé ni par un charisme particulier. Il incarne la vieille France, conservatrice et un peu pataude. Son véritable intérêt réside dans son duo avec la véritable star du film : Colonelle (formidable Suzanne Dehelly !), la journaliste de France-Soir bien décidée à jouer un rôle actif dans la résolution de l’enquête. Elle navigue dans un univers masculin, s’habille et fume comme un homme, et lorsqu’elle propose au commissaire de partager sa chambre pour des raisons pratiques, elle lui lance ironiquement qu’elle n’aimerait surtout pas le voir en caleçon. Elle incarne une France plus ouverte, mondaine et résolument avant-gardiste.
Jean Stelli, également auteur de romans policiers à ses heures perdues, était jusqu’alors surtout connu pour ses mélodrames, notamment grâce au succès du Voile Bleu. Ici, bien que son histoire de meurtres sur le Tour de France ne soit pas un chef-d’œuvre, elle reste plaisante à regarder. On retrouve avec plaisir les codes des whodunits à l’anglaise, avec quelques éléments préfigurant ce qui fera les grandes heures du giallo : une photo révélatrice d’un souvenir enfoui, des gants de cuir, et un certain fétichisme autour d’une fleur. Mais point de perversion à l’horizon ! Le ton du film reste léger, style que l’on doit au dialoguiste Charles Exbrayat, qui deviendra plus tard un écrivain de romans policiers à succès, principalement édités dans la collection Le Masque.
Redécouvrir Cinq tulipes rouges, c’est aussi redécouvrir Jean Stelli, un réalisateur aujourd’hui tombé dans l’oubli en raison de la rareté de la diffusion de ses films. Certes, on pourrait pointer du doigt certaines maladresses : des acteurs parfois inégaux ou une mise en scène correcte mais sans éclat. Mais il est difficile de ne pas apprécier ce cinéaste discret, dont la seule ambition semble avoir été de créer des films agréables à regarder. À une époque où les propositions cinématographiques nous promettent régulièrement tout et n’importe quoi, cette simplicité devient une qualité à part entière.
Image
Nouveau titre de la collection « Pathé présente », Cinq tulipes rouges bénéficie d’une restauration 4K réalisée par L’Image Retrouvée. Le résultat est bluffant pour un film qui célèbre ses 75 ans cette année ! Si l’on observe quelques plans flous et des pertes de définition sporadiques, cela reste un travail remarquable pour une œuvre de catalogue qui ne vise pas les sommets commerciaux. Le soin apporté à cette restauration témoigne d’une véritable dévotion de la part de Pathé pour son patrimoine cinématographique. Chapeau !
Son
Sans surprise, le même soin a été apporté au son ! La piste audio se révèle claire et exempte des habituels craquements ou souffles disgracieux. Le rendu est à la fois propre et étonnamment dynamique, offrant une restitution sonore qui semble être la meilleure possible au vu de l’âge du film. On est loin d’un simple ravalement, et cette restauration réussit à capturer l’essence sonore de l’œuvre.
Interactivité
« La Grande Boucle fait son cinéma » propose des entretiens croisés de Benoît Heimermann, Matthieu Letourneux et Didier Griselain. Rien n’est laissé de côté : le lien étroit (si, si…) entre cyclisme et cinéma, la carrière de Jean Stelli et de ses comédiens, ainsi que l’aspect profondément médiatique du Tour de France. Avec ses 45 minutes, ce bonus « à la française » saura satisfaire les passionnés et les curieux désireux de décortiquer un peu plus Cinq tulipes rouges et découvrir les coulisses de sa fabrication et son contexte historique.
Le reste de l’interactivité se résume à quatre bobines d’actualités Pathé consacrées au Tour de France 1948. Ces archives sont le vestige d’une époque où la grande messe du JT n’existait pas encore et où les informations étaient diffusées en salles de cinéma. Si ce contenu peut paraître anecdotique, il offre pourtant une immersion précieuse dans une autre époque, parfaite pour saisir l’ambiance et la manière dont l’événement était perçu.
Liste des bonus
« La Grande Boucle fait son cinéma » : entretiens autour du film avec Benoît Heimermann, Matthieu Letourneux et Didier Griselain (45’25”), Le Tour de France 1948 en quatre actualités Pathé d’époque (8’14”).