4 MOUCHES DE VELOURS GRIS
4 mosche di velluto grigio – Italie / France – 1971
Support : UHD 4K
Genre : Horreur, Thriller
Réalisateur : Dario Argento
Acteurs : Michael Brandon, Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Bud Spencer,
Musique : Ennio Morricone
Durée : 102 min
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais, italien et français DTS-HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 02 mai 2023
LE PITCH
Voilà plusieurs jours que Roberto Tobias, batteur d’un groupe de rock, est suivi par un homme dans la rue. Lorsqu’il finit par intercepter l’inconnu, la situation dérape et un meurtre s’ensuit. Pris en photo l’arme à la main lors du crime, Roberto reçoit bientôt des menaces d’une mystérieuse personne ayant assisté à toute la scène. Il devient alors victime d’un odieux harcèlement tandis que d’autres assassinats sont commis autour de lui…
Insectivores
Enfin le troisième giallo « animalier » de Dario Argento ressort en France, ravivé par une restauration 4K luxueuse. Un jalon indispensable à l’appréciation du puzzle que constitue la filmographie éclatée de l’ancien maitre italien.
Rarement loquace sur les évènements ou les pulsions qui l’ont amené à réaliser un film, Argento ne cache finalement qu’assez peu son emprisonnement rapidement dans le genre dont il avait lui-même offert l’un de ses plus grands succès : L’Oiseau au plumage de cristal. Un thriller brillant, virtuose et maitrisé auquel répondra l’année suivante la commande Le Chat à neuf queue, tentative de varier les attraits et les articulations d’un giallo extrêmement cintré en y insufflant plus que jamais des inspirations américaines. Un essai qui le laissera assez amère, et qui, allié à quelques projets inaboutis, va donner naissance à 4 Mouches de velours gris, porté par une volonté flagrante d’atomiser justement la fin d’une mode peuplée de titres peuplés d’animaux comme La Tarentule au ventre noir, La Queue du scorpion ou L’Iguane à la langue de feu. Argento veut étouffer le monstre qu’il a en partie enfanté, et va pour cela pervertir littéralement le cadre de ses deux précédents films. De prime abord, ce troisième film est pourtant un pur giallo, presque scolaire dans sa manière d’appréhender son scénario : un crime inaugural souligné de manière théâtrale, un héros assez lâche qui tente de fuir désespérément, une enquête qui traine jusqu’à ce qu’un indice inattendu viennent révéler l’identité du tueur fou… Basique.
Délire collectif
Mais dès l’ouverture, le premier meurtre est présenté comme une machination (et non pas un trompe-l’œil), censée faire croire au pauvre musicien qu’il a assassiné un innocent par erreur. Déployé dans une salle de théâtre poussiéreuse, le dispositif est excessif, surlignant l’irréalisme de l’acte que vient personnifier un témoin masqué d’un visage de poupon. La séquence ne contient cependant aucun trucage de la part du réalisateur, qui à l’inverse de L’Oiseau au plumage de cristal ou plus tard Les Frissons de l’angoisse, ne viendra plus la scruter, la décortiquer pour y découvrir la fameuse image clef. 4 Mouches de velours gris est certes un thriller, mais il est surtout un métrage en constante provocation, déjouant déjà les habitudes du cinéaste, qui semble surtout prompt à mélanger son spectacle macabre avec des ingrédients issus du cinéma érotique (superbe scène de baignoire avec Laura Troschel), de la comédie truculente (Bud Spencer dans le rôle de « Dieu » ou l’inattendu Jean-Pierre Marielle en détective un peu folle) et surtout du mélodrame lorsque le narration se concentre sur le couple dysfonctionnel formé par Michael Brandon (Mission casse-cou) et la fragile mais sublime Mimsy Farmer (Le Parfum de la dame en noir).
Matrice
Un carambolage de rythmes et d’approches qui certes entame parfois le rythme du film, mais surtout lui permet de constamment surprendre, désamorcer pour mieux faire remonter la tension la bobine suivante. Argento expérimente avec sa personnalité toute italienne : ce presque-chaos bigarré et baroque à en effet quelque-chose de profondément romain. Bancal parfois, trop généreux sans aucun doute, mais surtout foncièrement passionnant puisque nait peu à peu les élans qui vont nourrir la suite de la carrière du bonhomme et en particulier cette volonté d’anéantir toutes les frontières entre l’horreur et le poétique, l’impalpable et les constructions architecturales, le réel et l’irréel… le génie et le mauvais goût. Séquence centrale, celle du meurtre de la bonne dans le parc est un manifeste, transformant un contexte rassurant (le jardin d’enfant) ou pur cauchemar gothique en usant de quelques effets de montages, d’un raccord de caméra, qui resserre le temps autant qu’il diffuse l’espace. A cela répondra la punition divine (une décapitation) ou un simple accident de voiture devient dans un ralentit interminable une toile d’une puissance visuelle sidérante. Conçu comme un grand mouvement de free jazz, libre, riche, jubilatoire mais parfois bancal, 4 Mouches de velours gris reste un très grand moment de cinéma.
Image
L’ancien Bluray proposé par Wild Side Video était déjà des plus honorable, mais ce tout nouveau master effectué à partir d’un scan 4K des négatifs 35 mm originaux est naturellement largement au-dessus. Nettoyé de fond en comble, stabilisé à l’extrême mais sans jamais amoindrir le grain de pellicule et le relief de la photographie, le travail souligne l’élégance des reflets argentiques, la richesse d’une colorimétrie subtilement rehaussée par le traitement Dolby Vision, sublimant littéralement le film. Superbe de bout en bout avec un effort considérable apporté aux variations de teintes et à l’omniprésence de zones d’ombres, de noirs, qui révèlent enfin dans leurs subtilités des détails jusque-là inédits.
Son
Le montage français lors de sa rapide distribution chez nous avec été amputé de quelques plans lors des révélations finales. Ceci explique que le doublage français laisse place à la version italienne dans cette séquence. Au-delà de cette petite variété (contrariété), les trois versions (française, italienne et anglaise) sont proposées dans un mono d’origine mais boosté sensiblement grâce à l’apport du DTS HD Master Audio. Gardant leur tonalité d’époque, ces bandes son laisse tout de même entendre une clarté nouvelle (merci la restauration et l’écrasement du souffle en arrière plan). Au petit jeu des différences, c’est clairement l’italienne qui gagne, puisque intégrale (mais sans la voix caractéristique de Marielle) et largement mieux interprétée que la calamiteuse mouture US aux échos légèrement plus distants.
Interactivité
Proposé aussi bien en simple Bluray qu’en UHD chacun dans leurs steelbook respectifs, les deux éditions de 4 mouches de velours gris proposent la même riche interactivité. Des suppléments hérités de différentes éditions à commencer par les deux modules produits à l’origine par Wild Side Video. Le premier permet d’entendre Argento et son 1er assistant de l’époque Luigi Cozzi (Contamination, Le Choc des étoiles) revenir sur la distribution et la rareté du film, puis d’enchainer sur quelques souvenirs de tournage, le choix des acteurs, les notes d’intentions. Comme souvent avec le cinéaste italien, ses propos se révèlent peu passionnants, se contentant le plus souvent de la paraphrase, mais heureusement Cozzi comble agréablement les blancs. Le second est lui purement cinéphilique, donnant la parole alternativement à Jean-Baptiste Thoret (critique), Pascal Laugier (The Secret), Bruno Forzani (Amer) et Doug Headline (ancien critique et réalisateur de… euh… Brocéliande). Il y est question de souvenirs de vidéoclub, mais surtout de particularisme esthétique, de montage, de recherches visuelles et de la place du film dans la filmo de l’italien. Passionnant.
A cela s’ajoute désormais de nouvelles interviews en provenance de Severin Films pour des rencontres avec les acteurs Bud Spencer (qui ne tarit pas d’éloge envers Argento) et Gildo Di Marco (sacrée tronche déjà croisée sur L’Oiseau au plumage de cristal), un regard plus technique sur la mise en place de l’ultime ralenti du film avec Roberto Forges Davanzati et un récit plus complet de la mise en production du film (coproduction, choix des acteurs, des lieux de tournages) avec Angelo Iacono. Un programme franchement complet où il serait très dommage de négliger la bande annonce d’époque, petit bijou de montage et d’effets visuels traumatisants.
Liste des bonus
« Le Giallo perdu » : entretien avec Dario Argento et Luigi Cozzi, de la genèse du film à sa redécouverte après des années d’imbroglios juridiques (27’), « Dans l’oeil de la peur » : le film vu par Doug Headline (auteur et réalisateur), Bruno Forzani (réalisateur), Pascal Laugier (réalisateur) et Jean-Baptiste Thoret (historien du cinéma et réalisateur) (26’), « Discutons avec Dieu » : entretien avec Bud Spencer sur son rôle dans le films et l’ensemble de sa carrière (10’), « S’il vous plaît, M. le facteur » : entretien avec Gildo Di Marco (HD, 16’), « Mort au ralenti » : entretien avec Roberto Forges Davanzati, assistant opérateur, sur le tournage de la scène finale avec la caméra Pentazet (HD, 7’), « Le Temps s’envole » : entretien avec Angelo Iacono sur la fabrication du film et sur le choix du casting (HD, 14’)
Bande-annonce (HD).