36 FILLETTE

France – 1988
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Catherine Breillat
Acteurs : Delphine Zentout, Etienne Chicot, Olivier Parnière, Jean-Pierre Léaud, Jean-François Stévenin…
Musique : Maxime Schmitt
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Aucun
Durée : 88 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : Décembre 2024
LE PITCH
À la fin des années 1980, à Biarritz – Lili, une jeune fille de quatorze ans, passe les vacances d’été dans un camping, avec sa famille. Passablement tourmentée, Lili est en conflit avec ses parents et son frère aîné. Lors d’une escapade nocturne, elle fait la connaissance de Maurice, un quadragénaire. Il entraîne Lili dans des boîtes de nuit, puis à l’Hôtel du Palais, où il réside. Une relation complexe va s’installer entre eux, basée sur le désir et le refus.
Dernier été
Après l’échec de Tapage nocturne, et presque dix ans de tractations, Catherine Breillat revenait au cinéma en 1988 avec un prolongement direct de son premier Une vraie jeune fille. Le nouveau récit d’une adolescence incandescente, d’une quête du désir et de l’identité de femme en devenir aussi sûre d’elle qu’un peu paumée. Une vraie attachiante qui défie effrontément les mâles qui la guette.
Si le Soupirail précédait le film Une Vraie jeune fille, le roman 36 fillette naquit de la frustration de ne pas réussir à lancer la production du nouveau long métrage. Une bonne manière pour la romancière de légitimer un scénario que beaucoup ne comprenaient pas, quettant les valeurs purement morales, les codes confortables de la chronique initiatique et bien entendu l’élévation sensuelle d’une gamine en quête de reconnaissance. Lucide et surtout cruellement cynique, Catherine Breillat se refusait certainement à accepter les doléances du CNC, des camarades producteurs et distributeurs, voulant justement préserver cette trajectoire intensément ambiguë d’une ado indomptée se lançant dans une danse particulièrement risquée avec un homme de trente ans son ainé. Sujet d’autant plus tabou qu’il n’y a pas ici l’attendue fascination, l’angle Pygmalion presque « pardonnable », mais bien un mélange d’attirance et de dégout pour une virilité charmeuse, que l’on pourrait presque désormais voir comme bien trop rodée et glissant vers la mécanique vieillissante. Lui sort le grand jeu, met en place une nasse de non-dit, d’allusions et d’attitude pour l’entrainer dans son lit, alors qu’elle s’y glisse docilement pour continuellement mieux l’assassiner par quelques remarques tour à tour acerbes (« Je veux pas coûter, je veux compter ») et aussi crétines et naïves qu’une gosse de 14 ans qui a grandie trop tôt peut l’être.
La jeune fille et le mort
Le cinéma de Breillat, toujours un peu trop froid est tout de même essentiellement un cinéma qui parle, qui se dit, et rarement son écriture à touché avec autant de justement toute l’ambivalence de l’adolescente tiraillée entre ses aisances et ses maladresses, ses fantasmes et la réalité, entre ses désirs d’affirmations et le contexte patriarcal dans lequel elle s’ébat et bien entendu entre une raison quelle est tout à fait capable d’intellectualiser et un corps qui ne demande qu’à goûter et exulter. Avec son jeu fragile oscillant entre authenticité et postures excessives, la jeune Delphine Zentout est parfaite dans la défroque de Lili et la camera de Catherine Breillat ne laisse absolument rien échapper de ses conflits intérieurs, de ses fragilités, de ses forces et de ses impostures. En particulier durant la longue scène centrale du film dans la chambre d’un grand hôtel de Biarritz où Maurice laisse tomber la séduction pour la pression, psychologique et physique, pour conquérir le corps de sa cible. Un affrontement, littéralement, qui capture sans fard toute la monstruosité pathétique de l’homme, et qui fut inspirée à la réalisatrice par le souvenir d’une tentative de viol dont elle fut elle-même victime. Le pivot du film qui en laissant Lili s’échapper va lui octroyer une part du pouvoir et laissera l’homme à femme atterré, désormais victime d’éjaculations précoces et de faiblesses sentimentales.
Dans ce monde-là, il n’y a pour Catherine Breillat qu’une seule façon d’obtenir véritablement son indépendance : se débarrasser de cette encombrante virginité avec le premier venu. Un coup vite fait dans une tente avec un pauvre garçon à la masse et une Lili qui ressort victorieuse, épanouie, non pas grâce à un plaisir qu’elle n’a manifestement même pas caressée, mais par la résolution qu’elle peut enfin passer à autre chose. Une femme est née.
Image
Le Chat qui fume continue son travail de restauration de la filmographie de Catherine Breillat avec une nouvelle copie exceptionnelle pour 36 Fillette. Retour à la source cette fois-ci encore avec un scan 4 des négatifs et un nettoyage éprouvé des photogrammes. L’image semble dès lors de prime jeunesse avec des cadres parfaitement stables et particulièrement propres (plus la moindre trace à l’écran), le tout accompagné par une rehausse fine et naturelle des couleurs et un piqué à toute épreuve. Le grain de pellicule, tout comme les reflets argentiques, retrouvent de leur superbe et même si la photographie se veut généralement plutôt naturaliste, elle retrouve ici une chaleur inédite.
Son
Pas de surprise, la piste sonore mono d’origine est retranscrite dans un DTS HD Master Audio 2.0 on ne peut plus clair et équilibré. Les dialogues sont bien portés et les quelques rares ambiances environnantes résonnent avec authenticité.
Interactivité
3ème titre de la collection réservée à Catherine Breillat, 36 Fillette en reprend bien entendu l’habillage si particulier, et réussi, avec un boitier scanavo classique et une jaquette sans écriture relevée d’une surjaquette sur la tranche. Le boitier contient aussi un excellent nouveau livret analytique rédigé par Murielle Jourdet.
Du coté du Bluray on profite de la continuation de la longue interview carrière de la réalisatrice qui s’arrête ici forcément sur son troisième long métrage. Souvenirs de longs débats avec le CNC pour obtenir l’avance sur recette, d’un long casting à la recherche de la Lili idéale, d’un tournage particulièrement tendu en partie à cause de ses frictions avec la forte personnalité de l’acteur Étienne Chicot et d’une sortie glaciale en France. La rencontre est complétée par quelques images d’archives capturées durant le tournage avec quelques interventions de la réalisatrice et des deux acteurs principaux, évoquant chacun une direction d’acteurs et un regard sur le métier assez particulier.
Liste des bonus
Livret de Murielle Jourdet (8 pages), 36 fillette » par Catherine Breillat (40’), Tournage du film (7’).