1984
Nineteen Eighty-Four – Angleterre– 1984
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Anticipation
Réalisateur : Michael Radford
Acteurs : John Hurt, Richard Burton, Suzanna Hamilton, Gregor Fisher, Cyril Cusack…
Musique : Dominic Muldowney, Eurythmics
Durée : 110 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français et Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 18 décembre 2024
LE PITCH
Manipulant et contrôlant les moindres détails de la vie de ses sujets, Big Brother est le chef spirituel d’Oceania, l’un des trois États dont la capitale est Londres. Le bureaucrate Winston Smith travaille dans l’un des départements. Mais un jour il tombe amoureux de Julia, ce qui est un crime. Tous les deux vont tenter de s’échapper, mais dans ce monde cauchemardesque divisé en trois, tout être qui se révolte est brisé.
2 + 2 = 5
1984, le livre reste encore aujourd’hui, un monstre de littérature avant-gardiste, la prémisse d’un flot d’ouvrages dystopiques présents dans tous les rayonnages des librairies. Visionnaire et anxiogène, l’histoire masque à peine la réalité de certains pays de l’époque. Il prouve encore, s’il le faut, que sa réflexion sur les états de masse est toujours sous-jacente dans notre monde actuel.
De la Birmanie à l’Inde, de l’Angleterre à l’Espagne. L’œil critique d’Eric Arthur Blair a suffisamment bourlingué pour se faire une idée du monde dans lequel il vit. Partageant les conditions des classes d’en bas, il s’engage activement dans le socialisme pour s’élever contre l’impérialisme colonial d’en haut. C’est au début des années 30 qu’il privilégie la voix du journalisme, et s’attaque à ses écrits sous le nom que le monde découvrira, celui de George Orwell. Ses voyages et ses pérégrinations l’obligent à reconnaître le même constat. Si les méthodes divergent, les peuples peuvent rapidement plonger dans l’obscurantisme pour peu qu’ils soient manipulés avec intelligence. La montée d’Hitler au pouvoir ne peut que renforcer sa réflexion. Si sa Ferme des animaux exprime déjà cet état de fait au lendemain de la guerre, son roman 1984 publié en 1949 enfoncera davantage encore, cette porte ouverte.
Le goût du risque
On peut reconnaître une œuvre majeure lorsque celle-ci rentre dans l’inconscient collectif. Il suffit de nommer Big Brother ou de parler de monde Orwellien pour le comprendre. Pas besoin d’avoir lu ou vu 1984, pour savoir de quoi il s’agit. Le film de Michael Radford est déjà la quatrième adaptation du roman mais sans doute la seule dont le monde se souvient. Le réalisateur a voulu tourner le film à l’époque du roman et sur les lieux mêmes retranscrits par Orwell. Projet risqué pour un metteur en scène quasi inconnu à l’époque. Le projet n’aurait sans doute pas vu le jour sans son casting. Connu pour son passage dans Alien et Midnight Express, John Hurt a gagné ses galons sous les tonnes de latex d’Elephant Man rendant la difformité humaine par son jeu expressif et ses intonations mélancoliques. Ici, l’acteur peut enfin se mettre à nu et jouer sans maquillage. Présent d’un bout à l’autre du métrage, il interprète tout en introspection l’emblème de l’oppression. Lawrence Olivier cède ici sa place à Richard Burton que les producteurs n’envisagent pas à cause de ses problèmes de boisson le rendant fortement caractériel. Ceci n’est pas un mal vue la prestation laconique qu’il en fait. Pour son ultime film, il joue sur la froideur de son rôle qui culmine dans un face à face anthologique avec John Hurt, dans la torture aussi bien physique que psychologique. Film dans le film, cette séquence à l’image de l’Expérience de Milgran dans le I comme Icare d’Henri Verneuil explore et démontre les mécanismes du lavage de cerveau. Point culminant du film, le metteur en scène y arrive par les petites touches qu’il parsème tout au long de son métrage. Radford s’applique dans la conception de son adaptation et dès sa scène d’introduction, il exploite l’image comme un endoctrinement que subissent les masses via un écran de télévision. Il n’a pas besoin d’effets spéciaux pour illustrer ses propos. La photo du génial Roger Deakins suffit pour retranscrire le climat anxiogène tout droit sorti du bloc soviétique où le portrait omniprésent du chef de parti, le fameux Big Brother, prône à chaque coin de l’écran. Son image se prive de couleurs comme sont prohibés les sentiments humains. Le traitement que fait Michael Radford à son film, sans concession et anti-commercial à souhait, peut laisser sur le carreau par son hermétisme. Mais l’ouvrage de référence ne mérite-t-il pas quelques efforts de la part du lecteur comme du spectateur.
Héritage
Le sujet a été vu et revu depuis la sortie du livre en 1949, la seconde guerre mondiale a prouvé les méfaits de la propagande et de l’obscurantisme. Nombreux sont ceux qui se sont emparés du sujet mais rares sont ceux qui ont aussi bien transformés l’essai si ce n’est l’approche de Ray Bradbury quelques années plus tard avec son Fahrenheit 451. Cette relique du passé par la date, inspire encore et encore ; on le retrouve aussi bien dans le Thx 1138 de George Lucas que dans la vision d’Alan Parker de The Wall des Pink Floyd. Récemment encore, la télé s’en est emparée avec la série Silo fleurtant sur le même concept. Autant d’œuvres aussi intéressantes les unes que les autres. Mais son meilleur pendant vient de l’esprit aussi libre qu’incisif de Terry Gillian et de son Brazil sorti l’année suivante.
L’héritage est nombreux mais utile pour ne pas replonger dans les travers égoïstes de l’espèce humaine. Alors pourquoi l’histoire se répète-t-elle ? Éteignez votre TV, prenez un livre et lisez. Big Brother aura beaucoup plus de mal à vous contrôler ! George Orwell nous a averti avec plusieurs décennies d’avance. Ses conseils sont toujours avisés. De là découle toute la force de l’intemporalité.
Image
Remastérisée en 4K, l’image est tout simplement incroyable. Un travail d’orfèvre remarquable. La photo de Roger Deakins avec ses ambiances oscillant entre gris et noir, et parfaitement maîtrisée avec un piqué à toute épreuve. L’image conserve le rendu désaturé voulu par le directeur de la photo. Les détails sur la peau (gouttes de sueur, épiderme, regard) sont d’une précision hors pair tout comme la composition des décors. Les fissures dans les murs, le papier qui se décolle… Une copie parfaite pour plonger encore plus facilement dans ce monde anxiogène.
Son
Le film est proposé dans trois versions. Une française et deux en VO. La piste française a tendance à privilégier la musique aux voix. Plus d’une fois il nous faut jongler avec la télécommande pour optimiser les dialogues. Les pistes anglaises sont bien mieux réparties en termes de balance. Si les effets sont rares, l’équilibre sonore passe beaucoup mieux. Rimini laisse le choix entre une piste avec la musique du groupe Eurythtmics imposée par les producteurs ou la version voulue par le metteur en scène avec le score de Dominic Muldowney plus en phase avec le propos intemporel du film.
Interactivité
Tout commence par un livret de 40 pages tiré du hors-série Le point consacré à Orwell. Ce sont six approches différentes tournant autour de l’auteur et de la réception du roman. Rimini nous gâte ensuite avec trois excellents modules. Le premier est une interview inédite de Michael Radford datant 2022 enregistré à Londres. S’exprimant dans un français impeccable, l’anglais d’une modestie remarquable, détaille étape par étape tout le déroulé créatif de son film. Caroline Vié et Laurent Aknin reviennent sur leurs souvenirs du film sous la caméra d’Alexandre Jousse. Encore traumatisée par son passage sur les plateaux de tournage, Caroline Vié revient avec beaucoup d’humour sur son aventure pendant que le sympathique Aknin se concentre sur le film proprement dit. Le dernier module est une intervention de François Brune. Fin connaisseur de l’œuvre d’Orwell, il y va de son analyse du roman et contextualise son monde dans celui d’aujourd’hui. Trois bonus bien denses, soit trois bonnes raisons supplémentaires de se procurer cette édition.
Liste des bonus
Le livret « George Orwell et 1984 » avec 6 articles archives du hors-série « Le Point – Grandes biographies – George Orwell » (nov-déc. 2022, 40 pages) , « Michael Radford raconte 1984 » (35’), « Retour en 1984 » d’Alexandre Jousse avec Caroline Vié, envoyée spéciale sur le tournage, et Laurent Aknin, auteur de « Ésotérisme et cinéma » (24’), « Réflexions à propos de 1984 » : Interview de François Brune, auteur de « Sous le soleil de Big Brother (Précis sur 1984 à l’usage des années 2000) » (37’), Bande annonce (2’).