12 HOMMES EN COLÈRE (1997)
Twelve Angry Men – Etats-Unis – 1997
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : William Friedkin
Acteurs : Jack Lemmon, George C. Scott, Ossie Davis, Armin Mueller-Stahl, Courtney B. Vance, Mykelti Williamson, James Gandolfini, Tony Danza, …
Musique : Kenyon Hopkins, Quartet West
Durée : 117 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais & Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : L’Atelier d’Images
Date de sortie : 4 juin 2024
LE PITCH
Les douze membres d’un jury populaire doivent se prononcer sur la culpabilité d’un jeune latino accusé d’avoir assassiné son père. Alors que le verdict semble évident, l’un d’eux commence à émettre des doutes ….
Panic Room
Délicieuse surprise que la sortie en blu-ray de cette troisième itération officielle de 12 hommes en colère, cette fois-ci sous la forme d’un téléfilm réalisé par un William Friedkin alors au creux de la vague. Fasciné par la mécanique du doute et le caractère volatile et influençable de l’opinion populaire, le réalisateur de L’Exorciste propose une mise à jour subtile et enfiévrée du scénario original de Reginald Rose, le tout servi par un casting en béton armé. À (re)découvrir de toute urgence !
3 octobre 1995. Devant leur poste de télévision, plus d’une centaine de millions d’américains retiennent leur souffle dans l’attente du verdict de l’affaire O.J. Simpson, le procès le plus médiatisé de tous les temps. Parmi ces téléspectateurs, le cinéaste William Friedkin qui n’a pas laissé échapper une seule miette de cette saga juridique hors norme. Après avoir assisté à l’acquittement par un jury populaire de l’ancienne vedette de football, accusé du double meurtre de son ex-femme et de l’amant de celle-ci, le cinéaste de 60 ans éprouve l’envie soudaine de revoir 12 hommes en colère, juste histoire de voir si le film de Sidney Lumet tient toujours l’épreuve du temps, presque quarante ans après sa sortie. Exemple très rare du « film parfait », 12 hommes en colère repose sur un concept fort servi par un texte impeccable de Reginald Rose, par la mise en scène à la précision chirurgicale de Sidney Lumet et par l’interprétation et l’implication sans failles de sa star, Henry Fonda. Mais le contexte a son importance. Écrit en 1954 pour être joué en direct à la télévision (sous la direction de Franklyn J. Schaffner) puis adapté pour le cinéma en 1957, 12 hommes en colère répond à l’idéal de justice d’un pays traumatisé par les dérives du Maccarthysme. Idéalistes, Lumet et Fonda cherchent à éclairer le public et à ne pas perdre foi en la bataille pour la vérité, même (et surtout) lorsque les probabilités ne sont pas en notre faveur. Moins optimiste que ses pairs quant à la nature profonde de l’être humain, Friedkin n’a que peu d’intérêt pour la vérité et préfère recentrer le débat sur le doute, prenant ainsi le texte de Reginald Rose et l’argumentaire de son personnage principal au pied de la lettre. Sitôt le concept d’une nouvelle adaptation validé par la chaîne câblée Showtime, Rose est directement sollicité par Friedkin pour « moderniser » sa création. Jadis très WASP, le jury est désormais multiracial et multiculturel (un niveau de conflit dont les répliques tiennent ouvertement compte), quelques lignes de texte sont rajoutées, la notion de temps réel est moins évidente et l’ajout d’une pièce supplémentaire au décor (des toilettes) casse la linéarité du débat.
Un casting en colère
Frondeur et inflexible, William Friedkin se moque ouvertement de la comparaison avec le classique de Sidney Lumet et s’en tient à sa note d’intention : démontrer la fragilité des convictions et observer le retournement de l’opinion majoritaire dans un sens contraire. Dans une pièce fermée à clef d’un tribunal new-yorkais, dans une chaleur étouffante qui précède un orage, Friedkin rejoue le climax de L’Exorciste à l’échelle de tout un film et laisse le doute faire son œuvre, tel un poison lent. Physique, viscérale, étouffante, inconfortable, la mise en image de Friedkin colle à ses personnages et laisse échapper un fumet persistant de sueur rance. Imitant le ténor du barreau Johnny Cochrane, artisan de l’acquittement d’O.J. Simpson alors que les preuves suggéraient le contraire, Friedkin place la carte raciale suffisamment en avant pour éclairer sous un jour nouveau la « démonstration » et le contre-argumentaire du juré N°8 (Jack Lemmon succède avec talent à Henry Fonda) et un profond sentiment d’amertume vient ternir sa victoire lorsque la caméra choisit plutôt de s’attarder sur la démarche blessée du juré N°3, campé par un George C. Scott impérial dans son dernier grand rôle.
C’est un autre point sur lequel cette version exprime une différence fondamentale avec le film de Lumet. Malgré sa douzaine de personnages à l’écran, le réalisateur de Serpico faisait reposer la dynamique des affrontements autour du duel entre Henry Fonda et Lee J. Cobb. Nettement plus à son aise dans le chaos et la diversité, Friedkin fait briller avec une équité plus évidente un casting hétéroclite mais cohérent et qui en impose sévère. Jugez donc : Ossie Davis (La colline des hommes perdus, de … Sidney Lumet), Courtney B. Vance (futur interprète de Johnny Cochran dans la mini-série The People v. O.J. Simpson de Ryan Murphy, coïncidence?), William Petersen (qui retrouve Friedkin douze ans après Police Fédérale Los Angeles), James Gandolfini (sur le point d’exploser avec Les Sopranos), Mykelti Williamson (totalement à l’opposé de son rôle bienveillant dans Forrest Gump), Tony Danza (inattendu mais incroyablement convaincant et à des années lumières de Madame est servie), Armin Mueller-Stahl (froid et charismatique), le vénérable Hume Cronyn, le sous-employé Dorian Harewood (« Eightball » dans Full Metal Jacket) et la tronche burinée d’Edward James Olmos (dont l’intensité et l’autorité annonce déjà son interprétation du commandant Adama du reboot de Battlestar Galactica).
Après les échecs consécutifs de Blue Chips et Jade, William Friedkin se refaisait ici une santé, prouvant une fois encore qu’il n’avait décidément peur de rien ni de personne, signant sa réussite la plus éclatante des années 90 et un chef d’œuvre fébrile que l’on aurait tort d’oublier sous prétexte qu’il ne s’agirait que d’un téléfilm.
Image
Disponible pour la première fois en France grâce à l’éditeur L’Atelier d’Images, le téléfilm de William Friedkin est présenté dans une copie irréprochable malgré un très léger bruit vidéo lors des plans les plus sombres et une définition qui ne fait pas toujours des étincelles. Le master employé est visiblement le même que celui ayant servi à l’édition US de Kino Lorber. Les couleurs et les contrastes ont été boostés un soin évident et la propreté est de mise.
Son
Doublage oblige, la version française noie davantage les ambiances sous les dialogues mais reste très agréable et réussie, avec une dynamique convaincante. La version originale est plus équilibrée. La musique, uniquement présente sur le générique de fin bénéficie d’un mixage stéréo très précis aux basses surprenantes.
Interactivité
Le journaliste et critique Stéphane Moïssakis condense le maximum d’informations en moins de vingt minutes et insiste sur les différences de point de vue entre le film original et la version de Friedkin, donnant d’ailleurs fortement envie de revoir les deux à la suite. Didactique et efficace même si on aurait forcément eu envie d’entendre William Friedkin sur le sujet. Décédé en 2023, le cinéaste n’avait, à priori, jamais accordé d’interview sur son film. Ne reste que l’incroyable cérémonie des Golden Globes de 1998 lorsqu’un Ving Rhames ému aux larmes fit monter Jack Lemmon avec lui sur scène pour lui remettre le prix qu’il venait pourtant de gagner pour son interprétation de Don King. Une vidéo à revoir en boucle sur Youtube.
Liste des bonus
Entretien avec Stéphane Moïssakis (18 minutes), Bande-annonce.