WEST SIDE STORY
Etats-Unis – 2021
Genre : Comédie musicale, Drame
Réalisateur : Steven Spielberg
Acteurs : Ansel Elgort, Rachel Zegler, Rita Moreno, Ariana DeBose, David Alvarez…
Musique : Leonard Bernstein
Durée : 156 minutes
Distributeur : 20th Century Studio
Date de sortie : 08 décembre 2021
LE PITCH
Dans le West Side, bas quartier de New York, les affrontements sont nombreux entre la bande des Sharks, menée par Bernardo et celle des Jets, menée par Riff. Maria, la sœur de Bernardo, connaît parfaitement les règles, mais elle va tomber amoureuse d’un Jets…
Bulles de champagne
Qui oserait rivaliser avec un classique de la comédie musicale comme West Side Story ? Chantons sous la pluie ? Les parapluies de Cherbourg ? La la land ? Et surtout, qui aurait le courage de retoucher à ce classique de Broadway sinon Steven Spielberg metteur en scène autant admiré que conspué !
Il faut dire que cette histoire a la faculté de rester intemporelle puisque le récit s’inspire d’un petit écrivaillon du XVIe siècle du nom de William Shakespeare. L’amour étant immortel, les sentiments le sont également ! Le reste n’est qu’histoire. Le cinéma s’empare du chef d’œuvre littéraire Roméo et Juliette à maintes reprises jusqu’à l’année 1957 où le compositeur Leonard Bernstein et le chorégraphe Jérôme Robbins le transforment en show pour Broadway. 1961 sera sous le signe de la consécration et de la postérité mondiale avec la sortie du film du même nom sous la direction de Robert Wise. Ce long-métrage s’avèrera important à plus d’un titre.
Outre l’histoire d’amour incomprise entre deux cœurs de deux ethnies différentes, il traite déjà de phénomènes sociétaux qui n’ont guère évolués depuis. Mais surtout, le film inconsciemment peut-être, va révolutionner la mise en scène d’un genre plus qu’établi Outre-Atlantique. Les nombreux chefs-d’œuvre des films de Vincente Minnelli et compagnie avaient créé un cadre que personne n’osait bousculer. L’intelligence et la modestie de Wise vont le pousser à faire passer les intérêts de son film avant ses talents formalistes de réalisateur (on lui doit les classiques Nous avons gagné ce soir ou La Maison du Diable) en recrutant l’équipe gagnante de Broadway. Si Bernstein est obligatoirement de la partie niveau musical, le réalisateur laisse à Robbins le soin de réorganiser ses chorégraphies. Bien lui en pris. De ce fait, West Side Story fait avancer la narration filmique car ce n’est plus l’histoire à proprement parler qui fait cheminer le récit mais ce sont les danses et les chansons qui en sont le moteur. L’équilibre parfait entre mise en scène et spectacle atteint ici son apothéose.
Nécessité ?
Lorsque l’info incongrue sur la préparation d’un remake tombe, l’idée a de quoi interloquer devant l’inutilité d’un tel projet. Mais lorsque le nom de Steven Spielberg est cité en tant que metteur en scène, c’est plein d’excitation et de crainte que nous l’accueillons. Tout d’abord, chaque film du cinéaste provoque une attente indéniable auprès de la planète entière (et même au-delà-mais pour cela nous n’avons pas de source) ; cependant comme souvent, lorsqu’un cinéaste porte un sujet à cœur depuis des lustres, ça ne finit pas toujours dans la réussite. Il s’était déjà essayé au remake d’un de ses films de chevet : Un nommé Joe que Victor Flemming réalisa en 1943 pour en faire Always. Force est de constater que son film n’est pas resté dans les annales. Et lorsque l’on sait que la comédie musicale est un genre qui le tente depuis toujours, l’inquiétude est grande. Même s’il s’est déjà frotté brillamment à l’exercice dans l’intro ébouriffante d’Indiana Jones et le temple maudit, le doute est permis.
Mais alors pourquoi se frotter à un remake au lieu de créer une œuvre originale ?
Jour de fête
Tout simplement parce que le film lui parle personnellement. Il est Spielberg et n’a plus rien à prouver à qui que ce soit. Il fait ce qu’il désire et à son âge il n’a pas de temps à perdre à tergiverser sur une idée originale alors que tout ce qui lui plait est déjà présent. Le spectacle en l’état lui parle et ses thématiques lui sont propres. La famille, l’exclusion, un monde au bord du gouffre économique et social. Autant de valeurs qui étaient déjà sous-jacentes dans le film original qu’il peut réactualiser aujourd’hui. Jamais frontal, il distille ses réflexions au gré d’un décor, d’une réplique. Ce que le cinéaste veut avant tout, c’est le show. Il ne veut pas s’imposer, jouer au révolutionnaire, mais au contraire répondre à cet amour vibrant qu’il a pour le West Side Story original. Il ne vole pas le film à ses créateurs, ne le dépoussière pas, ne le revisite pas. Il reprend plus le spectacle de Broadway que le film en prenant certaines libertés. Il crie son amour pour ce spectacle qu’il a vu et revu en famille étant plus jeune (il dédicace d’ailleurs son film à son père). Mais surtout. Oui surtout, il prend un plaisir fou à le filmer, à le partager. Le spectateur ne peut que suivre, s’emballer au rythme des séquences, des chorégraphies. Les décors, les couleurs explosent aux quatre coins de l’écran. La photo de Janusz Kaminski est à son paroxysme (ce directeur de la photo est une des meilleures choses qui soient arrivées dans la carrière de Spielberg), toujours en mouvement, elle fait corps avec les danseurs. La scène du bal et de la rencontre des deux amoureux maudits est à elle seule un résumé de ce savoir-faire. Tous les talents engagés convergent dans cette scène pour se conclure par un des plus beaux baisers du cinéma. Rien que cela. Les acteurs ne sont pas en reste. Spielberg a toujours maitrisé leur direction. Danseurs, acteurs, les deux se mélangent avec autant de bonheur. Le couple vedette Ansel “Baby Driver” Elgort et Rachel Zegler (dont c’est le premier film) croient en leur rôle. Les seconds rôles, eux sont encore meilleurs. Charismatiques et aériens les chefs de gang des Jets et des Sharks explosent, virevoltent dans leur rôle respectif. Impossible de savoir si tout ce petit monde est chanteur ou acteur tant le mélange fonctionne à merveille. Et que dire de Rita Moreno (la Anita du film original) qui revient ici à l’écran dans un rôle majeur bien au-delà de l’hommage (elle est d’ailleurs créditée au générique comme productrice).
West Side Story, ne s’imposait pas comme remake, c’est vrai car Spielberg ne réinvente rien. Mais contrairement à un cinéaste comme Gus Van Sant qui reprit plan par plan le classique de Hitchcock, Psychose, il lui donne une âme nouvelle, un corps nouveau prouvant que le musical est à l’épreuve du temps tout comme l’est son cinéma d’ailleurs. Ce film généreux est à l’image de son metteur en scène. Après tout, Spielberg ne représenterait-il pas l’amour du cinéma à lui tout seul ?