WANDAVISION
Etats-Unis – 2021
Genre : Fantastique
Réalisateur : Matt Shakman
Acteurs : Elizabeth Olsen, Paul Bettany, Kathryn Hann, Teyonah Parris, Randall Park, Kat Dennings, Josh Stamberg, …
Musique : Christophe Beck
Durée : 360 minutes
Distributeur : Disney +
Date de sortie : 5 mars 2021
LE PITCH
Westview, New Jersey. Wanda Maximoff est mariée à Vision et mène une existence de rêve dans un univers de sitcom. Mais ce tableau idyllique est sur le point de se fissurer …
Ma sorcière bien-aimée
Pensée comme une friandise luxueuse pour patienter entre deux long-métrages du Marvel Cinematic Universe, WandaVision s’est finalement retrouvée au centre de toutes les attentions, la faute à la pandémie de COVID-19 et à la fermeture des salles obscures. Malgré un point de départ aussi ambitieux qu’inattendu, la création de Jac Schaeffer et Matt Shakman s’étiole à mi-chemin et se révèle plus frustrante que prévue.
On avait laissé Wanda Maximoff ivre de tristesse suite à la mort de son bien-aimé Vision et à deux doigts de coller une branlée à Thanos lors du climax dantesque d’Avengers Endgame. On la retrouve aujourd’hui en femme en foyer radieuse, aux bras d’un Vision ressuscité, dans un pavillon de banlieue tout beau tout propre. Le tout en noir et blanc, au format 4/3, les rires d’un public hors-champ venant saluer le moindre mot d’esprit, la moindre gaffe. Trois épisodes durant, Marvel tient avec bonheur sa promesse de ne pas inscrire WandaVision dans le même moule que ses précédentes productions pour le petit écran, qu’il s’agisse de la routine pépère d’Agents of SHIELD ou de la parenthèse adulte et brutale de Daredevil et consorts sur Netflix. La reconstitution de trois décennies de sitcoms américaines, allant de I Love Lucy à The Brady Bunch, en passant par Bewitched (Ma Sorcière Bien-aimée) et The Dick Van Dyke Show est hallucinante de précision et ce ton réconfortant, presque badin, s’enrichit de notes inquiétantes et dissonantes qui évoquent à la fois Twin Peaks et Pleasantville. Des touches de couleur s’infiltrent dans le noir et blanc, un bout de viande avalé de travers se transforme en moment de tension hitchcockien, un étranger habillé comme un apiculteur et entouré d’abeilles menaçantes sort de nulle part avant d’être zappé comme par magie et les ellipses créent un malaise palpable. La continuité narrative avec le reste du MCU semble brisée, lointaine et la minisérie s’échine à développer un univers à part où les talents du couple formé par Elizabeth Olsen et Paul Bettany s’expriment sans retenue. L’effet de surprise bat son plein. Du moins jusqu’à l’épisode 4, authentique douche froide rattachant les wagons avec la fin d’Avengers Age of Ultron, d’Avengers Endgame et de Captain Marvel et s’appliquant à rationaliser bêtement et mollement les prémices d’une histoire piochant pourtant dans l’excellent House of M de Brian Michael Bendis et dans le run dessiné par John Byrne chez les West Coast Avengers. À vouloir lever le mystère trop tôt histoire de ne pas larguer un public trop habitué à ce que l’on prenne par la main, les showrunners se tirent une balle dans le pied et ne parviennent à sauver les meubles que par bribes fugaces tout du long des cinq épisodes restants.
Marmite télévisuelle
Forcée de faire l’aller-retour entre le terrain de jeu illusoire de Wanda et les forces du SWORD qui tentent de la neutraliser depuis l’extérieur, la narration est vite déséquilibrée et peinent à développer des personnages secondaires un tant soit peu intéressants. Pire encore, le caméo (ATTENTION ! SPOILERS!) d’Evan Peters en Quicksilver importé depuis l’univers cinématographique X-Men vire au fiasco absolu. Les auteurs auraient pu (auraient dû !) contourner le fan service pour ouvrir la porte aux possibilités infinies des mondes parallèles mais ils préfèrent l’expliquer au détour d’une simple réplique dans le dernier épisode en reproduisant mais en beaucoup moins drôle le twist cynique d’Iron Man 3 concernant le Mandarin. On le sait, la production a été interrompue par la pandémie avant de reprendre. Ce qui explique probablement le changement de direction et la précipitation de la dernière salve d’épisodes. La reprise en main par les costards cravates à la botte de Kevin Feige, grand manitou du MCU, est plus que visible et la débauche d’effets numériques spectaculaires fait intrusion sans jamais convaincre, réorientant le bizarre vers un déroulement nettement plus banal.
Dans ce grand bazar bancal, il ne reste plus qu’à se satisfaire des miettes. Dans la peau d’Agatha Harkness/Agnès, Kathryn Hann se sort sans bobos d’une partition de sorcière ricanante aux motivations old school (plus de pouvoirs !!!) tandis qu’Olsen et Bettany font jaillir l’émotion jusqu’à des adieux touchants. Quant à la thématique centrale du deuil, elle parviendrait presque à faire mouche, s’approchant de l’Everest traumatique de « The Body », sans doute le meilleur épisode de Buffy Contre les Vampires. C’est peu mais c’est mieux que rien.
Alors que The Falcon & The Winter Soldier s’apprête à débarquer sur Netflix, bientôt suivi par Loki, il serait temps que les auteurs trouvent le courage d’envoyer promener Kevin Feige et sa ligne éditoriale de plus en plus castratrice. Les héros de notre enfance méritent autre chose que des vannes à l’emporte-pièce, une garde-robe à la mode et une absence totale de prises de risques.