THE LAST OF US SAISON 1
États-Unis – 2023
Genre : Fantastique
Créateur : Craig Mazin & Neil Druckmann
Réalisateurs : Craig Mazin, Neil Druckmann, Peter Hoar, Jasmila Zbanic, Ali Abbasi…
Acteurs : Bella Ramsey, Pedro Pascal, Merle Dandridge, Anna Torv, Melanie Lynskey, Nick Offerman, Scott Shepherd…
Musique : Gustavo Santaolalla, David Fleming
Durée : 9×50 minutes
Distributeur : Prime Video
Date de sortie : 12 mars 2023
LE PITCH
Dans un monde post-apocalyptique, un homme doit escorter une adolescente liée au destin de l’humanité à travers les États-Unis.
The Walking Life
Lorsque l’annonce d’une adaptation du jeu vidéo de Naughty Dog par HBO tomba, pour beaucoup l’affaire était déjà pliée. La chaîne payante américaine promettait déjà de signer encore une série rugueuse, faite du même bois que Game of Thrones et livrer quelques nouvelles images à même de traumatiser son auditoire. Perdu. Pourtant, tout leur donnait raison sur le papier. A commencer par la présence de deux acteurs principaux passés par la case GoT. Mais non, avec deux des créateurs du jeu au volant, le nouveau rouleau compresseur estampillé HBO allait finalement prendre tout le monde de court et ne pratiquement jamais se trouver là où on l’attendait. Surprenant ? Pas vraiment.
The Last of Us commence par le drame de Joel Miller, un quidam lambda qui dans les premières heures d’une catastrophe planétaire liée à la mutation d’un champignon parasitaire va perdre son unique enfant, tuée bêtement en pleine débâcle. Ellipse. Vingt ans plus tard, à plus de cinquante ans, Joel est devenu un loup solitaire cynique et fatigué, qui passe son temps à magouiller aussi bien avec la FEDRA (agence fédérale sensée gérer les conséquences de la catastrophe mais plus répressive qu’autre chose) et les Lucioles (un groupe de résistants qui tente eux aussi de s’organiser tant bien que mal). Jusqu’au jour où ces derniers le charge d’escorter une adolescente à travers le pays sans lui en dire beaucoup plus. Un voyage qui promet, entre infectés cachés dans l’ombre et pillards de toutes sortes, d’être sacrément dangereux. D’autant que la gamine est loin d’être une enfant de choeur.
Si le jeu vidéo offrait des morceaux de bravoure assez monumentaux, c’était pour mieux toucher au coeur lors de moments beaucoup plus calmes voire intimes entre les deux personnages. Un père à tout jamais en deuil face à une adolescente orpheline. Chaque nouvelle étape de leur long voyage n’étant finalement là que pour nourrir leur relation et faire jaillir l’espoir et l’amour au milieu d’un monde en ruines. Une ambition logiquement inchangée pour la série. De là à se contenter d’un simple copié/collé, il n’y a qu’un pas qui ne sera heureusement jamais franchi.
Sowing the seeds of love
Pour incarner Joel et Ellie, le choix se porte donc sur le très charismatique Pedro Pascal et la très talentueuse Bella Ramsey. Des physiques qui tranchent déjà avec les personnages numériques et qui vaudront aux acteurs (surtout à la jeune fille d’ailleurs) de se prendre quelques vilaines remarques. Passons. En réalité, les deux acteurs incarnent très rapidement leur personnage à la perfection. Joel est bien le ténébreux taciturne capable d’accès de violence, Ellie l’adolescente joyeuse et très drôle doublée d’une belle tête de pioche comme n’importe quelle gamine de son âge. Autour d’eux, les showrunners se contentent du minimum dans leur développement du monde à tout jamais transformé par l’invasion du cordyceps. A peine reviennent-ils quelques fois sur le monde d’avant via des flashbacks savamment dosés. Mais pour le reste, le voyage de Joel et Ellie se contentera d’une simple linéarité. Parfait pour apprécier leur relation naissante et nourrit à chaque nouvelle rencontre, bonne ou mauvaise. La perte de l’être cher reviendra donc presque comme un vinyle tournant en boucle tout au long des neuf épisodes. Un refrain lancinant dont l’ampleur est décuplée par les prestations de quelques guests stars le temps d’un épisode (Anna Torv, Nick Offerman, Melanie Lynskey…). Des personnages tellement bien campés, d’ailleurs, que l’on regrette souvent qu’ils disparaissent aussi soudainement. Le deuil. Encore.
Côté action, Mazin et Druckmann y vont piano, évitent soigneusement les scènes choc (plusieurs morts ont d’ailleurs lieu hors cadre, de plus en plus rare chez HBO) et n’utilisent même que très peu le catalogue bien fourni d’infectés qu’ils ont à leur disposition (le fameux « claqueur » mis à part). Ce qui n’empêche jamais la série d’être toujours étonnamment bien rythmée et de tout de même livrer un morceau de bravoure d’importance en plein cœur de sa saison. Un savoir-faire qu’ils empruntent aux réalisateurs choisis pour donner vie au show. Dont l’Iranien Ali Abbasi (le très étonnant Border) qui prouvent encore cette volonté d’explorer de nouvelles sensibilités. Comme celle, à fleur de peau, de la musique toute en guitare sèche de l’Argentin Gustavo Santaolalla.
On craignait que l’adaptation d’un jeu vidéo se solde encore par un échec cuisant. C’est tout le contraire. Neil Druckmann et Craig Mazin arrivent à déjouer tous les pièges dans lesquels ils étaient susceptibles de tomber et livrent au final un merveilleux prolongement de leur univers vidéoludique. Un univers sensible à mille lieues d’une unique violence frontale gratuite, où seuls comptent les sentiments des personnages. Et quand on sait à quel point The Last of Us 2 repoussa encore ces frontières, on ose imaginer ce que sera sa deuxième saison.