THE FLASH
États-Unis – 2023
Genre : Science-Fiction, Super-héros
Réalisateur : Andy Muschietti
Acteurs : Ezra Miller, Michael Keaton, Sasha Calle, Ben Affleck, Kiersey Clemmons, Michael Shannon, Ron Livingston, …
Musique : Benjamin Wallfisch
Durée : 144 minutes
Distributeur : Warner Bros.
Date de sortie : 14 juin 2023
LE PITCH
Capable de se déplacer à une vitesse extraordinaire, Barry Allen endosse le costume de Flash et assiste Batman et la Justice League dans leur lutte contre le crime. Mais au quotidien, Barry désespère d’arriver à prouver l’innocence de son père, accusé à tort du meurtre de sa mère, et emprisonné à vie. Ayant découvert par accident qu’il était capable de remonter le temps, Barry va tenter de changer le cours de l’histoire et de sauver sa mère, sans penser aux conséquences de son geste…
Rien ne sert de courir
Authentique créature de Frankenstein, accouchée dans la douleur, The Flash arrive enfin sur nos écrans. Victime d’une post-production chaotique s’étant étalée sur près de deux ans (et d’un tas d’autres trucs aussi), le film d’Andy Muschietti porte les stigmates de l’interventionnisme frénétique d’une armée d’exécutifs aux intérêts divergents. Ô miracle, sous les coutures bien visibles qui permettent à ce monstre aux contours mal définies de tenir sur ses jambes, il y a bien un cœur qui bat, le cœur d’un film de super-héros à l’ancienne. Il suffit juste de savoir où chercher.
Fin des années 80 et début des années 90. Dans le sillage du succès monstre du Batman de Tim Burton, la Warner Bros se plonge dans le répertoire des comics de DC pour y trouver sa prochaine poule aux œufs d’or. Si un retour de Superman est déjà envisagé, deux super-héros retiennent l’attention des cols blancs du studio : Wonder-Woman et The Flash. Si la première entre dans une lente phase d’écriture n’aboutissant à rien, le second se paie sans attendre une série TV sur la chaîne CBS. Mis à part un thème musical super-héroïque concocté par Danny Elfman et la prestation allumée d’un Mark Hamill en super-méchant ricanant, les 22 épisodes de cette unique saison ne marquent guère les esprits. Refroidi, le studio va dès lors jouer la montre.
Flash-forward en 2013 au lendemain de la sortie de Man of Steel de Zack Snyder. Pour concurrencer Marvel, Warner et DC lancent leur propre univers cinématographique et Flash est de nouveau sur les starting-blocks. Avant d’avoir droit à son film solo, le bolide écarlate repasse à nouveau par la case du petit écran, avec davantage de succès cette fois-ci. Sous les traits de l’excellent Grant Gustin, The Flash version CW ravit les fans du super-héros mais le studio a d’autres plans. Jeune acteur prometteur, Ezra Miller hérite du rôle et s’offre une introduction en guise de caméo dans Batman V Superman : L’aube de la justice. Alors que les scripts et les traitements s’accumulent sur le bureau des producteurs, le studio doit affronter la tourmente dans lequel l’accueil critique et public « compliqué » du super cross-over de Zack Snyder vient de les plonger. Au Comic-Con de San Diego de 2017, Warner et DC annoncent fièrement que le film The Flash sera une adaptation du comics Flashpoint de Geoff Johns et Andy Kubert. Derrière l’enthousiasme suscité par le passage au grand écran de l’un des meilleurs arcs narratifs du speedster de Central City se dissimulent déjà l’ambition du studio de se servir du prétexte du voyage dans le temps pour remettre à zéro les compteurs d’un univers étendu qui prend l’eau de toutes parts.
Speedy Gonzalez
Derrière la caméra, les annonces vont bon train. Les duos Phil Lord / Chris Miller (21 Jump Street) et Jonathan Goldstein / John Francis Daley (Game Night) se disputent la place avec Robert Zemeckis en personne. Mais c’est finalement Andy Muschietti, à la suite du carton mondial du diptyque Ça, adapté de Stephen King, qui emporte le morceau. Malgré son passif dans le film d’horreur, le choix est pourtant logique. Très attentif à la puissance des liens émotionnels et familiaux qui unissent ses personnages, le cinéaste argentin est le candidat idéal pour aborder le drame personnel de Barry Allen, obsédé par le meurtre de sa mère avec laquelle il entretenait une relation quasi-fusionnelle. Muschietti s’approprie l’histoire de son héros au point de faire de Nora Allen, la mère de Barry, une hispanique qui dansent et chantent à la moindre occasion sur les superbes titres latinos « Pedro Navaja » et « Piensa en mi ». Cette proximité culturelle entre le réalisateur et ses personnages est tout au bénéfice des enjeux dramatiques. Chose rare, le choix cornélien que s’impose Barry Allen par sa propre faute (sauver sa mère ou sauver l’univers) n’est pas traité par dessus la jambe mais avec un vrai sens de la tragédie. La sincérité et la naïveté du mélodrame touchent donc aux racines de la bande-dessinée, au sens le plus noble du terme.
Il en va de même pour l’humour et la dynamique entre les deux Barry Allen, l’original et son alter-ego plus jeune et moins expérimenté. Andy Muschietti cherche autant à ressusciter l’esprit léger des comics de l’âge d’or avec des gags qui n’ont jamais peur de flirter avec le ridicule et le burlesque (comme cette pluie de bébés lors de la scène d’ouverture) qu’à livrer un commentaire méta sur le caractère puéril, hyperactif, épuisant et gratuit du cinéma super-héroïque contemporain. À son double qui ne prend rien au sérieux, Barry Allen n’hésite pas à lancer un « tu te crois drôle, mais c’est vraiment pas le cas » qui en dit long sur ce que Muschietti pense réellement des pitres costumés de Marvel et DC.
Ces aspects, clairement les plus réussis et intéressants du film, bien aidés par une direction d’acteurs très soignée et l’abandon du Scope habituel pour des cadrages 1.85:1 plus intimistes et réminiscents des cases de bandes-dessinées, donnent un aperçu très clair du film qu’Andy Muschietti avait en tête. Avant que les costards cravates ne salopent le résultat.
Sans queue, ni tête
En annonçant le retour de Michael Keaton dans le rôle de Bruce Wayne / Batman, les scénaristes mettent brutalement le doigt dans l’engrenage du fan service outrancier et compliquent inutilement une histoire de voyage dans le temps (ce qui est déjà casse-gueule en soi) par le concept désormais pénible du Multiverse. Si l’explication à base de spaghettis dans la cuisine de Bruce Wayne vaut déjà son pesant de grand n’importe quoi, l’abus de caméos foireux aggravent encore le cas d’un film qui témoigne plus que n’importe quelle autre des constants changement d’orientation du DCEU (D.C Extended Universe) au cours de ces dernières années.
Marqué par les pétages de plomb de l’acteur Ezra Miller (pourtant très juste à l’écran), par des reshoots et des remontages incessants, par les luttes de pouvoir en coulisse et les menaces d’annulation pure et simple et un budget inflationniste qui ne semble se justifier que par des SFX foutus à la poubelle et repris à zéro tous les mois jusqu’à quelques semaines avant la sortie du film, The Flash surprend par sa laideur, sa facture très inégale et ses coupes qui sautent aux yeux. Jusqu’à un dernier tiers passionnant sur le papier (la défaite inévitable – et répétée avec cruauté – des héros face à Zod) mais complètement défiguré à l’arrivée par des CGI douteux, une intrusion au forceps de Christopher Reeves, Helen Slater et même Nicolas Cage par le biais d’une avalanche de deep fakes honteux et jusqu’à un épilogue en forme de pub Nespresso (oui, vous avez bien compris de qui on parle et tant pis pour le spoiler). Et si Michael Keaton fait le show, le sacrifice au montage du personnage de Supergirl magnifiquement campé par Sasha Calle laisse un goût amer en bouche.
Sans ce triste ravalement de façade à la truelle et au marteau piqueur, nul doute que l’on tenait là un héritier potentiel du Superman de Richard Donner et il en reste, par bribes, des preuves. Mais, au bout du compte, The Flash s’en va surtout rejoindre, les larmes aux yeux, ces accidents industriels que furent le Spawn de Mark Dippé ou le Green Lantern de Martin Campbell, ne faisant mieux que d’une courte tête.