THE BATMAN
Etats-Unis – 2022
Genre : Policier, Super-héros
Réalisateur : Matt Reeves
Acteurs : Robert Pattinson, Zoé Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell, Andy Serkis, John Turturro, …
Musique : Michael Giacchino
Durée : 175 minutes
Distributeur : Warner Bros.
Date de sortie : 2 mars 2022
LE PITCH
Le soir d’Halloween, le maire de Gotham City est assassiné par un psychopathe masqué se faisant appeler Riddler. Des indices sous formes d’énigmes sont laissés à l’attention de Batman, forçant le justicier à enquêter sur les élites corrompues et la pègre souterraine d’une ville au bord de l’implosion, …
Batman : Year Two
Indémodable, Increvable, Batman fait peau neuve et entame un nouveau cycle sous les traits d’un Robert Pattinson intense et sombre devant la caméra du méticuleux Matt Reeves. Retour aux fondamentaux pour un film noir au long cours qui fait honneur à la mythologie du chevalier noir de Gotham City.
Anti-héros névrosé chez Tim Burton, clown au fessier bien rebondi chez Joel Schumacher, milliardaire blindé de gadgets et en quête d’un idéal de justice chez Christopher Nolan, vigilante bulldozer rongé par la colère et les regrets chez Zack Snyder, Batman a connu bien des incarnations sur grand écran. Neuf films et cinq acteurs se sont ainsi succédés depuis 1989. Et même si Batman Begins jouait sans détour la carte de l’origin story, le réalisateur de Cloverfield et des deux derniers opus de la saga de la Planète des Singes est véritablement le premier à proposer un Batman juvénile, au tout début de sa croisade contre le crime et encore incertain du sens à donner à son action de justicier nocturne. Ce faisant, il paie son tribut à Frank Miller et au séminal Batman : Année Un dont il reprend la narration à la première personne, les maladresses d’un Bruce Wayne qui a la technique mais qui se débat encore dans la pratique, la crasse urbaine façon Taxi Driver et une Catwoman évoluant dans les bas-fonds de Gotham, jouant un double-jeu dangereux. Mais le chef d’œuvre de l’auteur de Sin City n’est pas la seule référence de Reeves, lequel semble également vouer un amour immodéré et bien compréhensible au tentaculaire Long Halloween de Jeph Loeb et Tim Sale, comme peuvent en témoigner le choix de débuter son récit le soir de la fameuse fête des morts ou le principe de faire rebondir l’intrigue d’énigmes en énigmes mettant en lumière la terrible mainmise du parrain Carmine Falcone sur une administration vérolée en profondeur. Davantage que ses prédécesseurs, et c’est presque palpable, Matt Reeves connaît Batman sur le bout des doigts et il démontre une compréhension fondamentale de la dualité de l’homme chauve-souris : suivre ses pulsions de vengeance et faire sombrer Gotham avec lui ou s’imposer de faire le bien et de symboliser une lueur d’espoir dans les ténèbres. Alors que les adeptes de Riddler noient littéralement la ville sous leur haine et leur dégoût en faisant exploser des digues lors du climax, Batman guide ses concitoyens sinistrés vers les hauteurs à l’aide d’une torche à flamme vive, résumant en une poignée de plans crépusculaires l’essence même du super-héros le plus torturé qui soit.
Dark City
Sous ses atours de blockbuster, The Batman prend néanmoins le risque (avec la bénédiction de la Warner) de dévier de la ligne du spectacle tous azimuts et circonscrit ses scènes d’action à de brèves explosions de violence et de tôles froissées. L’extravagance des morceaux de bravoure de la trilogie de Christopher Nolan n’est plus de mise. Quelques empoignades nerveuses (cadrées, chorégraphiées et montées avec un soin pas loin d’être inédit dans l’histoire de la franchise – Snyder étant l’exception), une évasion du vigilante du commissariat de Gotham et une poursuite apocalyptique en batmobile suffisent amplement pour rassasier les envies de grand spectacle du spectateur contemporain tout en se démarquant par leur réalisme et leurs effets pratiques du grand barnum en CGI d’une production Marvel. Reposant enfin sur les talents de détective de Batman, le film de Matt Reeves est avant tout un grand film noir, avec femmes fatales, criminels retors, allées sordides et tout le toutim. Imaginez plutôt un croisement entre le Chinatown de Roman Polanski et le Se7en de David Fincher et vous aurez une assez bonne idée de ce qui vous attend.
Pour concrétiser sa vision, Matt Reeves s’appuie sur un casting et une équipe technique dévoués, au sommet de leur art. Fausse surprise, Robert Pattinson campe un Batman complexe et crédible qui fera taire les haters de tous poils et dont l’alchimie romantique avec Zoé Kravitz/Catwoman donne des frissons. Visage poupin dissimulant des abîmes de folie, Paul Dano fait de son Riddler une menace glaçante et qui contraste avec les compositions old school de Colin Farrell et de John Turturro, le premier s’inspirant de Robert De Niro dans les Affranchis et le second du Al Pacino du Parrain (avec une touche de John Cazale). Déjà à l’œuvre sur le Dune de Denis Villeneuve, le chef opérateur Greig Fraser sculpe les ténèbres de Gotham City et rend hommage aux travaux de Darius Khondji avec une démarche à la fois esthétisante et immersive. Compositeur attitré de Matt Reeves, Michael Giacchino apporte quant à lui la touche finale avec une partition minimaliste, opératique et orageuse à la David Shire et qui fait oublier en quelques notes les murs de son et les expérimentations acoustiques de Hans Zimmer.
Jamais handicapé par sa longueur (2h55 sans une seule baisse de rythme !) ni par ses ambitions, The Batman nous rapproche bel et bien de LA vision définitive du Croisé à la cape souvent fantasmée et pose des bases plus que solides pour l’avenir de la franchise.